28 mai 2012 – Retour de conférence (USA)

DSI Group | DEFENSE STRATEGIES INSTITUTE

 

Lors d’une conférence organisée la semaine dernière aux Etats-Unis par le « Defense Strategies Institute », un organisme d’anciens militaires d’aide aux blessés de guerre, le Commandant en second de CASCOM (« US Army Combined Arms Support Command »), Bill Moore, a dressé le bilan des défis auxquels sont confrontés son commandement à l’issue des longues guerres terrestres menées par Washington au cours de cette dernière décennie.

Les missions d’US CASCOM incluent l’entraînement, l’évaluation des capacités et des technologies, l’organisation des forces, la doctrine et la recherche et développement en liaison avec les laboratoires de recherche de l’armée de terre. Bien que toujours engagés en Afghanistan, les militaires américains semblent prêts pour une pause stratégique leur permettant de ne plus fonctionner en mode réactif ou plutôt en mode actif, car constamment dans le feu de l’action, afin de se concentrer sur le nouveau paramètre d’influence au sein du Pentagone, à savoir le budget de défense.

Le niveau de réduction des forces terrestres américaines est la première grande question. Le futur format de l’US Army doit permettre la « liberté d’action » [« freedom of action »] au niveau bataillonnaire, l’« endurance prolongée » [« prolonged endurance »] au niveau de la Brigade, et  la « capacité d’élongation opérationnelle » [« operational reach»]. Au niveau structurel, une reflexion doit être menée afin d’évaluer le bon équilibre entre militaires d’active et réservistes et surtout la formation de ces derniers.  Pour Bill Moore, le tremblement de terre d’Haïti et la mobilisation des forces qui a été nécessaire ont constitué a cet égard une prise de conscience difficile, car le retour d’expérience qui a suivi a fait état d’une réactivité peu probante et d’un faible niveau de préparation de la composante Réserve.

Qui dit format différent, dit structure capacitaire différente pour cette « Army 2020 » : une réduction du parc de véhicules tactiques de l’ordre de quinze à vingt pour cent est à prévoir. Cela étant, si les Américains ont beaucoup de MRAP, certains étant encore dans les usines en vue de destinations où ils ne se rendront probablement pas, ils ont surtout besoin pour les conflits à venir de véhicules blindés nettement plus légers, pour lesquels l’éternelle question de l’équilibre entre mobilité et protection se pose avec davantage d’acuité aujourd’hui. Pour Bill Moore, l’expression des besoins relatifs au futur JLTV, « Joint Light Tactical Vehicle » relève de la pure fantaisie ou de la hotte du Père Noël, puisqu’il doit être plus petit, plus léger, aussi performant au niveau protection, mais aussi moins consommateur de carburant.

Une autre variable entre également en scène avec les réductions budgétaires qui commencent maintenant à se faire davantage sentir dans les rangs, à savoir les notions de fiabilité et d’entretien : tant les  Humvees que les MTAV sont connus pour avoir eu quelques débuts difficiles de ce point de vue. Une nouvelle doctrine de soutien de l’armée de terre est de fait en cours d’élaboration et doit être publiée dans les prochains mois. L’impact de conflits comme l’Irak et l’Afghanistan a en effet été le développement d’une force modulaire, devenue à certains égards peut-être un peu trop modulaire, en ce sens que si les équipes de combat sont capables de mener des opérations en se déplaçant de façon autonome pendant deux ou trois jours, leur empreinte logistique s’est aussi beaucoup alourdie affectant leur mobilité globale.

Autre grande réflexion susceptible d’avoir des conséquences au-delà de l’horizon 2020, tant les retex Afghanistan et Irak que la perspective du reformatage de l’armée de terre dans son ensemble incitent à revoir les cursus de formation actuellement en vigueur, et ce d’autant plus que la modélisation et la simulation ouvrent de nouveaux horizons. L’argent ne coulant plus à flot, les militaires américains sont contraints de modérer leur réflexe naturel qui est de se préparer au pire des cas. On se souvient des critiques de Robert Gates par rapport au « Next – War-itism ». Le message semble être reçu cinq sur cinq, et la base de raisonnement semble plus être fondée sur la question : que peut-on se permettre d’acquérir ? et non plus : de quoi ai-je besoin pour faire face à/aux pires des menaces ?  Les tendances en matière de formation semblent refléter cette évolution : ainsi, plutôt qu’une formation globale onéreuse sans applications pratiques, l’idée naissante est de doter les nouvelles recrues des connaissances dont elles auront besoin sur le champ de bataille quitte à ce qu’elles les complètent elles-mêmes « sur le tas «  grâce aux nouvelles technologies et « Apps » maintenant disponibles de façon croissante et devenues quasiment une seconde nature chez les générations qui arrivent. C’est notamment le cas en ce qui concerne les maintenanciers formés sur CONUS pour l’entretien des matériels et, qui, une fois sur le terrain, ne mettront jamais les mains dans le cambouis (ou les boites électroniques), dans la mesure où ces tâches sont pour la plupart externalisées sur les grands théâtres tels que l’Afghanistan et l’Irak.

La formation de plus en plus promulguée dans les écoles militaires accompagne les nouvelles possibilités offertes par la simulation qui incitent à travailler par petites équipes en situation de mise en condition réelle, mais s’étend à l’enseignement plus traditionnel où les instructeurs deviennent plus des facilitateurs et où les étudiants doivent concrètement trouver des solutions comme s’ils étaient en situation de combat. Au lieu d’un instructeur pour cinquante à soixante élèves, l’évolution va vers un instructeur pour six à huit personnes. De quoi grever les budgets, même si la simulation, nécessitant moins de personnel d’encadrement, compenserait partiellement cette inflation potentielle en matière d’instructeurs. Le champ des simulateurs continue de fait de s’élargir et l’armée de terre américaine travaille actuellement sur un simulateur de sauts en parachute permettant aux troupes de faire une partie de leur nombre de sauts obligatoires sous forme virtuelle : un gain en carburant avion non négligeable en perspective, permettant peut-être ainsi de contribuer à financer ce nouveau type de formation qu’appellent de leurs vœux les planificateurs de l’armée de terre américaine…