Smart Defense et service des essences des armées

Vers un centre d’excellence pétrolier dédié à la construction et à l’entraînement de capacités pétrolières projetables multinationales - Par l’ingénieur en chef Olivier Naegellen-Roy.


Crédits photos © Service des Essences des Armées (Afghanistan)

Vers un centre d’excellence pétrolier dédié à la construction et à l’entraînement de capacités pétrolières projetables multinationales – Par l’ingénieur en chef Olivier Naegellen-Roy.

La France dirige actuellement deux projets de Smart Defense, l’un en matière de soutien santé et l’autre en matière de soutien pétrolier. Le service des essences des armées est leader de ce dernier, dont l’objectif est de développer une approche multinationale en matière de soutien pétrolier des opérations.

Développer la standardisation

Lorsque les nations travaillent ensemble et fournissent des moyens, la priorité consiste à s’assurer que toutes pourront opérer selon des standards et des procédures communs imposés par la profession pétrolière. Si les cadres de standardisation sont déjà définis pour la plupart, puisqu’il existe au sein de l’OTAN plus de 40 STANAGs (NATO Standardization Agreements) ou accords de normalisation OTAN dédiés au domaine pétrolier, toute la difficulté est de « concrétiser l’essai » en mettant en commun les moyens et en les faisant de facto travailler ensemble. Dans la mesure où l’expérience des MILU n’est pas totalement probante, l’idée est de placer sous la houlette d’une nation détenant une expertise reconnue dans un domaine, le plus de contributions possibles et d’entraîner ou de fédérer le maximum de volontaires. Lorsqu’une unité pétrolière multinationale est déployée, sont employés des hommes et des moyens pétroliers provenant de différentes capitales, lesquels ne peuvent pas naturellement travailler ensemble sans règle, ni coordination et sans une nation leader garantissant un emploi optimisé des moyens.

Coordonner et partager le fardeau

Ce principe permet par ailleurs, de dégager des économies d’échelle, car la nation leader peut se charger de passer et de gérer les contrats d’approvisionnement pour les autres membres, ce qui permet en retour de gagner des effectifs tant au niveau de la gestion administrative des contrats que du management de la qualité du produit. Une entité unique responsable et possédant une vue globale sur le soutien pétrolier de théâtre est gage d’une plus grande efficience. Différents pays possèdent des laboratoires d’analyse déployables, mais seules quelques nations comme les Etats-Unis ou la France ont l’expérience du soutien pétrolier pour des opérations d’envergure.

Le cas de Serval au Mali est un superbe exemple au cours duquel la France a été capable de conduire une opération dans des conditions extrêmes, dans une région reculée et de façon instantanée, grâce à un service pétrolier dédié. Dans ce cas, le SEA a garanti avec une vision globale, depuis la ressource jusqu’à l’utilisateur situé parfois aux confins du Nord Mali, le contrôle de la chaîne pétrolière sur tout le territoire, en s’appuyant sur des infrastructures permanentes militaires et civiles. Cette visibilité n’a pas été diluée au sein des armées.

Dans la Smart Defense, la capacité à déployer une unité pétrolière multinationale avec une nation leader offre donc un double avantage : un partage du fardeau en termes de capacités et une nation leader apportant du lien et de la cohérence entre les diverses contributions. Les voies de partage et d’économies sont vastes et méritent d’être explorées. En effet la gestion des contrats pétroliers, la coordination des moyens pétroliers ou encore le management de la qualité produits à l’échelle d’un théâtre d’opération n’exigent pas nécessairement beaucoup d’effectifs et restent indépendants de l’étendue de la zone de responsabilité. Lorsque j’étais en Afghanistan, je m’appuyais sur une dizaine de contrats pétroliers couvrant les besoins des forces françaises en Afghanistan et au Tadjikistan et dont j’assurais avec mon adjoint le suivi à partir de Kaboul.

Répondre aux besoins d’entraînement

Dans le cadre du projet Smart Defense* réunissant 8 nations (FRA, USA, GBR, CZE, BEL, NDL, ESP, TUR), nous définissons l’organisation, les règles et les procédures permettant d’envisager le soutien pétrolier multinational d’une opération majeure de l’OTAN. Cela va se traduire concrètement par la création d’une capacité pétrolière multinationale projetable sous court préavis et capable d’assurer le soutien d’une force au niveau d’une base logistique de théâtre (en fournissant les ressources de théâtre, ou le soutien sur l’APOD/DOB par exemple). L’entraînement des unités constituera un point clé dans le succès de cette entreprise. Pour autant l’outil permettant de répondre au besoin de structurer ce type d’entraînement pétrolier n’existe pas encore, mais le besoin est bien identifié par tous. C’est dans ce contexte, et parce que la France détient une longue expérience dans le soutien pétrolier des opérations que l’Etat-Major des Armées vient de valider le principe d’ériger la Base pétrolière interarmées de Chalon sur Saône en centre d’excellence pétrolier de l’OTAN.

La France, et le SEA en particulier, ont des atouts, puisque la base pétrolière est déjà en place et dispose de pôles d’entraînement pétrolier ayant bénéficié d’investissements lourds. Ces derniers peuvent être à moindre coût mis à disposition au profit de l’OTAN rapidement. Ce projet de centre d’excellence pétrolier permettrait le développement capacitaire nécessaire aux opérations et de réaliser l’entraînement requis. L’OTAN a exprimé son besoin en matière de développement d’une entité comme le centre d’excellence pétrolier pour promouvoir et concrétiser la forme de soutien pétrolier multinational nécessaire aux opérations de l’Alliance et prévenir toutes ruptures capacitaires. C’est un objectif ambitieux que s’est fixé le directeur central du SEA, mais le projet est élaboré. La seconde étape va consister à rallier des nations pour participer et sans lesquelles le projet n’aurait ni de sens, ni d’existence. Viendra ensuite le temps pour présenter le projet à l’OTAN en vue de sa certification. La route est encore longue, mais la France est prête.

Article paru dans le magazine Opérationnels SLDS numéro 19 – Printemps 2014 : 

Magazine 19

 

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