Alors que la guerre fait rage en Syrie et en Irak, le groupe djihadiste connaît un développement permanent.

Depuis les attentats à Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, à Paris, le groupe djihadiste Daech fait partie de la priorité numéro un des services de renseignement. Il s’agit bien plus qu’une menace, les Etats occidentaux sont en guerre sur leur territoire comme sur celui de Daech, dans la région syro-irakienne, afin de contenir l’expansion d’un groupe terroriste qui ne connaît pas de limite. Ainsi, Daech tisse sa toile au-delà de toutes les frontières sur les plans aussi bien économiques, financiers, commerciaux, militaires.

D’un point de vue économique, Daech aurait accumulé en quelques années plusieurs milliards de dollars. La stratégie des chefs de Daech est claire : Il faut prendre possession à tout prix des ressources naturelles des régions conquises afin de de s’assurer d’une manne financière durable. L’argent est le nerf de la guerre, l’or noir du pétrole en est la principale ressource. Le documentaire diffusé dernièrement sur Arte démontrait parfaitement ce levier stratégique de l’essor que connaît aujourd’hui Daech (voir notre post).

Daech ne fait pas seulement qu’extraire les ressources naturelles à sa disposition dans les territoires conquis en Syrie et en Irak. Le groupe s’est véritablement organisé en multinationale du pétrole avec des hommes dédiés au transport de l’or noir aux frontières turques ou en territoire irakien. Les hommes de Daech écoulent leurs barils à des prix qui défient toute concurrence sur le marché souterrain du pétrole. Ce même pétrole contribue directement à l’effort de guerre des combattants de Daech engagés sur les différents fronts syriens et irakiens. Parallèlement, les djihadistes ont établi plusieurs procédés afin d’écouler l’argent tirée de cette vente du pétrole. Le groupe djihadiste frappe sa propre monnaie à Raqqa, fief de Daech. Le Bitcoin est utilisé par le groupe terroriste pour blanchir cette manne financière à l’abri des circuits bancaires habituels. Cette gestion des ressources naturelles joue un rôle fondamental dans le développement militaire de Daech.

Sur le plan militaire, Daech bénéficie de fonds considérables pour se procurer par milliers des armes légères, des munitions des mortiers, des missiles anti-char, des équipements de protection et vestimentaires dernier cri. A cela s’ajoute une déroute de l’armée irakienne au début de l’été 2014. Celle-ci a permis à Daech de prendre possession de bases militaires fournies en armes, mais aussi en véhicules blindés (Humvee) que l’armée américaine avait cédé à l’Irak lors de son retrait du pays. Un désaveu terrible rappelant dans un autre contexte les prises de missiles sol-air des talibans au cours des années 1990, ces missiles ayant été livrés par les Etats-Unis auprès des combattants afghans qui luttaient contre les Talibans à la frontière afghano-pakistanaise.

Depuis l’été dernier, Daech s’est donc durablement constitué en armée islamiste étant capable de conduire des actions type commando avec des unités mobiles disposant de puissants moyens de feu, s’adaptant en permanence pour ne pas être détecté par l’aviation internationale coordonnée autour des Etats-Unis. Au cours de ces derniers mois, les djihadistes de Daech ont tenu plusieurs fronts à la fois contre l’armée syrienne en Syrie et contre les combattants kurdes Peshmergas et l’armée irakienne en territoire irakien. Même si les bombardements de l’armée syrienne et de la coalition – qui ne coordonnent pas leurs opérations aériennes tel que l’ont indiqué à plusieurs reprises des officiels occidentaux – ont permis de stopper l’avancée et d’affaiblir les positions de Daech, aucun spécialiste avancerait avec assurance que la guerre ne se termine pas à terme au sol.

Daech a désormais développé une idéologie qui attire chaque jour davantage de candidats au Djihad provenant du monde entier. 20 000 combattants étrangers composeraient ainsi les rangs de Daech. Cette idéologie est nourrie par une propagande offensive sur les réseaux sociaux ainsi qu’à travers des vidéos de plus en plus barbares mettant en scène l’assassinat des otages occidentaux tombés aux mains des djihadistes en Syrie. Une stratégie qui porte ses fruits pour recruter de nouveaux combattants mais qui se trouvera de plus en plus bloquée par les fournisseurs d’accès internet et les hébergeurs de vidéos (Youtube, en particulier). Il manque encore face à cela une véritable stratégie globale de contre-influence occidentale pour contrer les agissements de Daech sur la toile.

Dans ce contexte à la fois inédit et incertain que l’on connaît aujourd’hui, il est de fait complexe de porter une quelconque analyse  prospective certaine des évènements à venir. Plusieurs hypothèses peuvent être néanmoins dressées à partir de différents faisceaux d’actions des Etats engagés dans la lutte contre ce groupe terroriste. Les pays occidentaux resteront durablement menacés par des attaques à la fois par des djihadistes armés et déterminés qui ont combattu dans les rangs du groupe terroriste ainsi que par des « loups solitaires » qui s’auto-radicalisent sur internet et qui passent à l’action avec des moyens plus faible. En Irak, la bataille de Mossoul concentrera à elle seule au cours des prochains mois les enjeux liés à la reconquête du territoire irakien. En Syrie, l’armée syrienne soutenue par la Russie et l’Iran poursuivra ses opérations militaires focalisant ses efforts sur l’axe Damas-Alep demeurant un bastion à préserver pour le pouvoir de Bachar Al-Assad. Au-delà de la Syrie et de l’Irak, Daech accentuera son internationalisation comme groupe terroriste en pleine structuration en Libye ou encore au Yémen, comme les derniers évènements l’ont montré dans chacun de ces deux pays. Daech est dorénavant implanté à Derna dans l’est libyen et gagne en influence au Yémen après la prise de pouvoir des chiites à Sanaa. Daech devra s’adapter, accepter certainement des compromis pour que le califat proclamé en Syrie bénéficie de cette genèse transfrontalière.

Depuis le 7 janvier 2015, les Français ont pris conscience que leur pays est en guerre contre Daech, qu’il peut être frappé à nouveau à tout moment et que la menace est durable pour plusieurs années. L’armée française est quant à elle mobilisée à plein régime, « nous sommes au taquet » comme l’indiquait la semaine dernière le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, devant planifier, renseigner et conduire des opérations simultanément au Mali, au Niger, en Centrafrique, ou encore en Irak. Un travail de longue haleine qui ne connaîtra pas de temps mort.

Crédits photos © http://www.metronews.fr/info/terrorisme-dar-al-islam-dabiq-c-est-quoi-ces-magazines-de-propagande-islamiste-de-daech/mobl!VjOEqzaaTYZPE/