Publié sur www.ttu.fr – Cette semaine, Washington accueille les représentants d’une soixantaine de pays dans le cadre d’un sommet sur la lutte contre l’extrémisme violent, dit CVE pour « Counter Violent Extremism » du nom d’un programme national lancé en 2010 par le gouvernement Obama pour endiguer l’endoctrinement terroriste dans les communautés considérées à risque. Ravivé dans la foulée des attentats contre Charlie hebdo, mais aussi de ceux d’Ottawa et de Sydney, ce sommet de trois jours est teinté aux Etats-Unis des mêmes débats intérieurs qui animent nos sociétés occidentales quant à la « stigmatisation » du monde musulman.

Il intervient alors que la politique américaine de lutte contre le terrorisme menée sur le front international est largement débattue suite à la résolution proposée la semaine dernière par le Président Obama autorisant l’usage de la force contre l’Etat Islamique. L’AUFM – « Authorization for the use of military force » -, soutenu par 54% de l’opinion publique américaine, entérine de facto la politique actuelle de frappes aériennes et de présence de troupes au sol limitée à des actions de renseignement, de forces spéciales ou de sauvetage. Pourtant, la levée de boucliers est bipartisane quant à sa raison d’être juridique (elle met un terme à la résolution de 2002 autorisant la guerre en Irak, mais celle de l’après 11 septembre 2001 est toujours en vigueur), quant à son flou artistique au niveau des limites de l’engagement des troupes au sol et de l’inexistence d’une délimitation géographique, ou encore quant à sa durée établie à trois ans (trop longue pour les uns, pas nécessaire pour les autres)… Ce bipartisme dans l’opposition semble refléter l’état de confusion qui règne au sein de la classe dirigeante américaine et de son élite intellectuelle par rapport à l’ordre nouveau – ou plutôt le désordre nouveau – incarné par une menace terroriste, qui semble échapper aux modes de coercition traditionnels.

C’est en tout cas l’avis du Général Michael Flynn, ancien directeur de la DIA (« Defense Intelligence Agency ») de 2012 à 2014, lequel soulignait la semaine dernière, devant la Commission des forces armées de la Chambre des Représentants, le fossé entre les moyens militaires investis par le Pentagone et la nature d’une menace mal comprise des Etats-Unis, d’où l’échec de la stratégie Obama contre l’Etat Islamique. Pour le Républicain Ron Paul, ancien candidat à la présidence, déclarer la guerre à l’Etat Islamique n’a pas de sens, car il s’agit davantage d’une idéologie que d’un ennemi que l’on peut aisément circonscrire.

Le Président Barak Obama, au travers de cette résolution, semble rechercher un blanc-seing politique pour son action contre l’EI en lui donnant un cadre tant juridique qu’opérationnel sans trop lier les mains des chefs militaires, ni celles de son successeur à la Maison Blanche. Cette évolution correspond de facto à la situation prévalant actuellement sur un autre front, à savoir l’Afghanistan, où l’EI s’efforce également de recruter, ainsi qu’en témoigne la première attaque américaine contre un recruteur de l’EI, Abdul Rauf, décédé suit à une frappe effectuée à partir d’un drone voici quelques jours. En raison notamment de l’amélioration des relations entre Washington et Kaboul suite au remplacement du Président Hamid Karzai par Mohammad Ashraf Ghani, le calendrier de retrait des 10600 troupes américaines restantes et leur rôle sur place pourraient continuer à faire l’objet de davantage de souplesse, ainsi que le prônait cette semaine également le général Campbell, commandant des forces américaines en Afghanistan, devant la commission des forces armées du Sénat.  Les missions des forces spéciales afghanes et américaines menées de nuit ont été ré-autorisées, les opérations de CAS en soutien des forces terrestres afghanes ne sont plus restreintes, et la guerre fait plus rage que jamais contre les Talibans,  même si vu de Washington les treize années de conflit de longue durée semblent enterrées avec l’annonce du retrait total fin 2016. Barak Obama a certes mis un terme à la guerre en Irak en 2011 et pourtant 2600 troupes américaines sont de nouveau sur le sol irakien pour aider à combattre un autre ennemi…

>>> Article paru dans: http://www.ttu.fr/washington-face-au-terrorisme-international-cve-sur-fond-daufm/

>>> Crédit photo: https://foreignpolicy.com/2015/02/18/ten-recommendations-for-obamas-cve-summit/