Une capacité de projection unique au sein de l’armée de l’Air

Par le Colonel Jean-Philippe Lasvènes, commandant la sous-chefferie des Systèmes d’information et de communications aéronautiques de la Brigade aérienne d’appui à la manœuvre aérienne (BAAMA)

Le Colonel Jean-Philippe Lasvènes dirige la sous-chefferie SIC aéronautiques, laquelle regroupe à Mérignac 90 personnels, auxquels il faut ajouter, dans le domaine de l’appui à la projection, une unité de 550 personnels, autrefois répartie sur quatre sites et actuellement rassemblée à Evreux. Il nous explique les particularités d’une mission peu connue et pourtant indispensable à toute opération aérienne ou à la création de bulles de sécurité sur le territoire national.

Il existe au sein de la Brigade aérienne d’appui à la manœuvre aérienne deux branches : la branche Infrastructures aéronautiques et la branche Systèmes d’information et de communications (SIC). Cette dernière inclut l’informatique, telle qu’elle existe dans le monde civil, mais aussi tous les systèmes de communications, navigation et surveillance (CNS) liés à l’aviation. Concrètement, il s’agit des radars, radios, systèmes d’aide à l’atterrissage, systèmes d’aide à la  navigation, systèmes météo, à savoir tous les éléments permettant à un avion de voler. Les SIC et les CNS forment un ensemble plus large que l’on appelle les SSIC pour « Système de Surveillance, d’Informations et Communications ».

GTSICUn rôle partagé avec la DIRISI

La sous-chefferie (SC) SIC est en fait issue de la fusion d’une partie d’un commandement aujourd’hui disparu, le CASSIC qui était en charge des SSIC et de l’ancien bureau des systèmes d’information et de communication de l’état-major de l’armée de l’air. A la même époque, la DIRISI (Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information) a été créée et a repris une partie du soutien des SIC.

La répartition des tâches entre la DIRISI et la SC SIC est simple : la DIRISI s’occupe de tous les aspects informatiques communs et des réseaux support (téléphonie, messagerie, Intradef…) en métropole et Outre-mer1, nous nous occupons des CNS en métropole et de l’ensemble des SSIC (SIC+CNS) en  projection, c’est-à-dire en opération extérieure, mais aussi lors des exercices (par exemple dans le cadre des certifications NRF [NATO Response Force], ou dans le cadre de la création de bulles de protection à des fins de sécurité intérieure (rencontre de chefs d’Etat, évènements commémoratifs type D-day, 14 juillet, etc.).

De par l’héritage de l’ancien bureau SIC de l’état-major, la sous-chefferie exerce, au profit de l’état-major de l’armée de l’Air, une double mission : tout d’abord un appui à la gouvernance des SIC pour la gestion du parc applicatif ou le traitement des expressions de besoin des forces, et ensuite une assistance à la maîtrise d’ouvrage sur les projets et les programmes en liaison avec la DGA (Direction générale de l’armement), la DIRISI et les industriels (tel que Thales en ce qui concerne les radars).

Un soutien délicat du fait de la transition entre plusieurs générations d’équipements

Nous disposons de matériels très diversifiés : 71 radars (basse, moyenne et haute altitude, trajectographie et de surveillance de l’espace, radars d’approche, etc.) de différents modèles (Centaure, Ares, Satrape, TRS, ANGD, GIRAFFE, etc.), les plus récents étant les Ground Master.

Les SSIC ont un cycle de vie d’une quarantaine d’années et nous sommes de fait en train de remplacer nombre de nos systèmes et de nos radars (notamment ceux de générations intermédiaires) par de nouveaux équipements, qui à terme doivent être plus économes en ressources humaines. Compte tenu des fortes pressions sur les personnels et les finances accordées au Maintien en condition opérationnelle (MCO), nous devons faire preuve de vigilance à trois niveaux :
1. Conserver des lots de rechange et des personnels formés pour assurer le soutien des anciens systèmes ;
2. Adapter les ressources humaines au juste besoin sans anticiper les déflations alors que l’arrivée des nouveaux systèmes est fréquemment retardée ;
3. Dimensionner au mieux les contrats de MCO en travaillant avec la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du Ministère de la Défense (SIMMAD) pour la meilleure efficience possible en matière de services industriels.

Nos techniciens, formés à l’Ecole de Rochefort, sont de très haut niveau et accomplissent souvent des miracles, tandis que l’Atelier industriel aéronautique d’Ambérieu est sollicité pour les réparations plus approfondies de type NSI (Niveau de soutien industriel) surtout sur les matériels anciens. Avec le changement de génération des matériels SIC, les technologies se complexifient et nous passons de matériels rustiques faciles à réparer à des matériels contenant de plus en plus d’informatique : d’électroniciens, les personnels MCO deviennent peu à peu des « électro-informaticiens ». Une transition majeure est donc en cours en matière de MCO des SSIC.

Afin de faciliter ce dernier du mieux possible, nous faisons en sorte d’acquérir des parcs homogènes et nous travaillons en vue d’une meilleure interopérabilité interarmées (les derniers matériels ont de fait des standards interarmées imposés). Nous travaillons également sur nos réseaux pour une coordination interalliée devenue la norme dans les opérations récentes. Des « shelters » climatisés – et donc des groupes électrogènes – sont bien-entendu indispensables au bon fonctionnement de nos systèmes une fois projetés, mais les nouvelles technologies permettent d’alléger considérablement l’empreinte logistique. A titre d’exemple, l’ancien système C3MV1 nécessitait 4 « shelters » alors que les nouveaux équipements tiennent aujourd’hui dans deux petits containers. Il est donc maintenant possible de transporter les systèmes entièrement câblés et installés dans des caissons de transport  dédiés, permettant de les protéger pendant le transport et sur place, contre des conditions souvent rudes de chaleur, d’humidité, de poussière ou de sable. Le transport multimodal par palettes ainsi que les branchements, débranchements, reconditionnements successifs sont en effet générateurs de nombreux dysfonctionnements, tandis qu’il nous faut aussi changer régulièrement les matériels en raison de l’évolution rapide des logiciels et des processeurs.

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Un appui projection indispensable aux opérations aériennes

Lors du déclenchement  d’une opération, la BAAMA est la première brigade à intervenir pour monter les infrastructures verticales (structures modulaires, tentes…), remettre en état les pistes d’atterrissage, mais aussi installer les réseaux C2 (Commandement et Contrôle) ainsi que les radars nécessaires au contrôle de l’aéroport. Lorsque nous avons installé nos drones au Niger à l’été dernier, il n’y avait rien et nous avons dû monter tentes et réseaux en les protégeant par des remblais de terre. Quelle que soit la durée d’un déploiement deux mois ou deux ans, nous intervenons en premier, car les SIC et l’INFRA sont un préalable à toute opération actuelle. Chaque opération et donc chaque déploiement est spécifique : nous pouvons ainsi déployer un noyau de trois ou quatre personnes ou d’une centaine de personnes. Il en va de même en ce qui concerne les matériels : nous disposons de modules légers (type petite valise utilisée en autonomie par les forces spéciales) et de modules lourds pouvant atteindre plusieurs tonnes, qui permettent de reconstituer tous les systèmes présents sur une base aérienne située en métropole en vue de l’installation d’une base aérienne projetée. Enfin, une phase de configuration et de paramétrage précède chaque déploiement car il ne s’agit pas seulement de fournir une capacité mais plutôt de la générer en réalisant systématiquement du sur mesure.

La SC SIC dispose de 300 personnels projetables, lesquels cumulent en moyenne 150 jours de découchés par an, ce qui est beaucoup. Actuellement, 200 militaires sont déployés. Ce taux élevé de projection est inhérent à notre fonction et s’est accru avec l’évolution des missions des forces françaises au cours de ces vingt dernières années. Depuis la première guerre du Golfe, l’accélération du tempo des opérations et leur caractère de plus en plus expéditionnaire ont modifié la nature de ces déploiements.

1 Exceptionnellement, la DIRISI avait géré les SIC à KAIA en raison de la longévité de l’opération et s’occupe aujourd’hui de la même façon des SIC des Forces françaises déployées aux Emirats arabes unis à Al Dhafra.

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Photo : Depuis novembre 2014 et en accord avec les autorités jordaniennes, un plot chasse accueille en Jordanie six Mirage 2000D, ainsi que les structures nécessaires à l’entretien et à la préparation de ces avions, dont les SSIC © GTSIC Aéro en projection au début de l’opération Chammal, armée de l’Air, décembre 2014, Jordanie

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