Le concept de sécurité nationale est apparu il y a peu dans le paysage conceptuel français. Imposé par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2008, ce dernier se situe au carrefour des notions de sécurité intérieure et de défense nationale. Très usité hors de nos frontières, le concept de sécurité nationale s’est imposé en France suite à l’échec de la mue de la notion de défense nationale et du besoin avéré d’un concept davantage fédérateur et lisible à l’international dans un contexte de menaces post guerre froide.
La compréhension fine du concept de sécurité nationale nécessite d’analyser les spécificités associées à ceux de défense nationale et de sécurité intérieure dans leur acception historique. Ce n’est qu’à l’aune d’une approche croisée de ces derniers que nous pourrons saisir la pertinence du concept de sécurité nationale, en constante mutation à l’instar de nos structures institutionnelles de défense.

Sécurité intérieure et défense nationale : deux notions à l’origine commune
Avec la Révolution de 1789, l’Etat s’impose comme étant le principal acteur de la protection des populations, les révolutionnaires parachevant, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes, l’unicité et le renforcement d’un pouvoir centralisé mis en œuvre par la monarchie depuis le Valois Louis XI jusqu’au bourbon Louis XVI.
Dans le contexte de la « patrie en danger », du « cri de Valmy » et des « ennemis de l’intérieur et de l’extérieur », les révolutionnaires créent les mesures de défense générale extérieure et intérieure. Côté défense intérieure, la maréchaussée prend le nom de gendarmerie en 1791. Si elle perd ses missions de justice héritées de la Guerre de cent ans ainsi que le souhaitait Danton, elle affirme ses missions de police administrative et judiciaire (constatation des crimes et délits, établissements de procès-verbaux). Côté défense extérieure, tout est chamboulé. Nombre de maréchaux et de généraux de la monarchie ayant été démis et arrêtés, le besoin d’encadrement supérieur crée au début de la Révolution une véritable désorganisation dans les rangs de l’armée. La promotion de jeunes officiers issus de la petite noblesse voire de la bourgeoisie à des grades auxquels leur origine n’ouvrait pas droit sous l’Ancien régime, la nécessaire reconnaissance par la troupe de ses chefs et la cohésion renforcée issue de la reconnaissance de l’adhésion aux nouveaux principes directeurs de la Nation vont changer la donne et imposer une nouvelle façon de faire la guerre qui connaîtra son apogée avec la Grande Armée napoléonienne.

Reste qu’avec la Révolution, deux principes s’imposent : la défense générale intérieure devient un souci permanent, un objectif commun aux individus, aux groupes et à la Nation et va de pair avec la construction de l’Etat moderne. Elle est confiée à la sûreté (lointain ancêtre de la police) et à la gendarmerie. La défense générale extérieure quant à elle concerne la guerre, elle se réfère davantage à une action de danger aux frontières face à une menace extérieure caractérisée. Alors que le souci de défense intérieure est permanent celui de défense générale extérieure tend à devenir davantage ponctuel, l’état de guerre devant être un état non permanent par définition même si la période qui s’étend de 1789 jusqu’à la Restauration sera assimilable à un état de crise permanent ; crise à la fois de régime mais aussi crise militaire puisque l’armée de volontaires de l’An II qui mutera en Grande armée n’aura de cesse de batailler dans et hors des frontières de la France de la Ière République comme dans celle du Directoire, du Consulat ou du Premier Empire…

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