Par Murielle Delaporte – Décrypter la politique de défense des Etats-Unis : vers un reset de l’ordre international 

Cette série vise à aller au-delà de la rhétorique politicienne et de mesurer l’impact des décisions – petites et grandes – prises par les autorités américaines dans le domaine de la défense et de la sécurité sur la capacité des forces armées américaines – et par ricochet celle de leurs alliés – de faire face à l’ensemble des menaces qui assombrit ce début de XXIème siècle.

Basés sur differentes conférences – dont une présentation réalisée  le 7 mai dernier dans le cadre du Cycle d’Études Supérieures Défense & Aérospatial (CESDA), cycle de formation de haut niveau certifié par Sciences Po Bordeaux1, les premiers segments de cette série proposent de replacer les premiers mois du second mandat Trump dans son contexte historique et d’essayer d’en évaluer l’impact à court et plus long termes.

Il semble que l’on puisse d’une certaine façon comparer la politique américaine actuelle à un match de rugby : alors que l’attention médiatique suit le ballon au travers du cycle quotidien d’une actualité orchestrée par les réseaux sociaux, il semble intéressant de tenter d’analyser la stratégie et les objectifs qui l’animent et de faire le bilan des buts marqués ou ratés face à au moins deux défis principaux :

  • le choix délibéré de Donald Trump d’une diplomatie et d’une communication « disruptives » ;
  • les changements de stratégie résultant de la multiplicité des acteurs, tant au niveau mondial qu’au sein même de son administration. Cette dernière peut de fait être caractérisée comme un gouvernement de quasi-coalition « à personnalités multiples » représentant des tendances politiques parfois radicalement opposées.

Bien que les médias soient déjà saturés d’informations sur l’administration Trump, cette série vise à prendre du recul et à examiner les tendances de long terme qui émergent au-delà de l’actualité immédiate. Il semble de fait que les actions de Trump, bien que paraissant parfois contradictoires et précipitées, s’inscrivent non seulement dans des courants politiques qui existent depuis la fondation des États-Unis – la politique américaine de défense, de sécurité et étrangère ayant toujours été le reflet d’une lutte entre ces différents courants contradictoires, notamment entre expansionnisme et unilatéralisme -, mais permettent de comprendre les prémices du nouvel ordre international qui s’annonce.

Le but de cette série de brèves est ainsi de proposer une grille de lecture décryptant les tendances bipolaires de l’Amérique d’aujourd’hui dans un ordre mondial devenu réellement multipolaire.

La première est un rappel du contexte des cent jours du mandat Trump II.

 

Les cent premiers jours de Donald Trump : tout sauf un « moment de calme »

 

Donald Trump vient de passer le cap des cent premiers jours de son second mandat. Il enregistre un taux de popularité d’environ 41%, le plus bas taux enregistré depuis l’après-guerre, exactement comme lors de son premier mandat en 2017. Une tendance que l’on retrouve dans la plupart des pays occidentaux et en France en particulier avec des taux de popularité pouvant descendre beaucoup plus bas, comme c’est le cas actuellement.

A titre de comparaison, voici les taux d’approbation de quelques présidents américains par ordre décroissant :

 

 

Donald Trump est coutumier des grands écarts avec des taux très hauts et très bas sur des périodes courtes : sa popularité était montée à environ 48-49% pendant la période électorale et à 51% au moment de son discours d’investiture le 20 janvier, avant de chuter significativement depuis, notamment suite à l’annonce de sa politique tarifaire.

Cette baisse s’explique en partie par la déception d’une forte majorité d’indépendants qui avaient soutenu Trump lors de l’élection, particulièrement face à certaines mesures économiques. Par ailleurs, un pourcentage important de jeunes qui s’était détourné du parti démocrate en raison des excès de la politique identitaire (wokisme) des quatre dernières années tend actuellement à reprendre ses distances avec le GOP (« Good Old Party », c’est-à-dire le parti Républicain).

A titre de rappel historique, le concept des « 100 jours » remonte à Franklin D. Roosevelt en 1933, période durant laquelle il tenta d’apaiser la panique financière qui avait suivi la crise de 1929. Dans une allocution radiophonique du 25 juillet 1933, Roosevelt évoquait ainsi un « petit moment de calme » nécessaire pour examiner et assimiler les événements des cent jours consacrés au lancement du New Deal. Cette tradition est devenue un critère d’évaluation de ce que pourrait être le mandat présidentiel2.

Cependant, dans le cas de Trump, le rythme frénétique des initiatives prises au cours de ces derniers mois suggère que la période qui suivra pourrait différer de ces derniers. Par contraste avec Roosevelt, rien ne peut en effet être comparé à un «  moment de calme » avec Donald Trump !…

 

Notes :

Pour en savoir plus sur le CESDA >>> CESDA SCIENCE PO BORDEAUX

Voir par exemple sur ce sujet >>>

 

Illustrations © Murielle Delaporte