Légende de l’aviation militaire, René Fonck, est l’as de tous les superlatifs. Plus grand pilote de chasse allié durant la Première Guerre mondiale, il totalise 75 victoires homologuées et aurait abattu dans les faits 142 appareils ennemis ce qui ferait de lui l’aviateur le plus redoutable de la Grande Guerre devant Richthofen. Terminant la guerre de 14-18 avec une croix de guerre comptant pas moins de 28 palmes et d’une étoile[1], Fonck fut le porte-drapeau de l’aviation française lors du défilé de la victoire du 14 juillet 1919. Sa fidélité à Philippe Pétain sous l’Occupation l’a fait choir de son piédestal et, à ce jour, aucune promotion d’élèves de l’Ecole de l’air n’a jamais porté son nom.
La quintessence du pilote de chasse
Alliant technique de combat et qualités physiques et mentales exceptionnelles, René Fonck possédait l’instinct et la virtuosité nécessaires au pilote de chasse en mission de combat. Ce jeune ingénieur vosgien, diplômé des arts et métiers, orphelin de père depuis l’âge de 5 ans et déraciné d’Alsace depuis la débâcle de 1870, souhaite en découdre avec les Allemands et est empli, comme la majorité des Français de l’époque, de cet esprit de revanche qui innerve la société française dans son ensemble depuis le Traité de Francfort. Après s’être ennuyé ferme durant ses classes au 11e régiment de Génie d’Epinal, Fonck est versé dans l’aéronautique au début de l’année 1915. Pilote d’observation, Fonck fait preuve d’audace et de courage à maintes reprises jusqu’au jour où il réussit l’exploit de faire atterrir derrière les lignes alliées un avion de reconnaissance Rumpler allemand. Nous sommes le 6 août 1916. La légende René Fonck vient de naître, plus rien ne l’arrêtera durant toute la durée du conflit mondial. Fort de ce tour de force, Fonck sera finalement muté en avril 1917 au sein du Groupe de combat 12 dit des « Cigognes » que commande le commandant Brocard. Equipé d’un Spad VII 180, il enchainera les victoires aériennes à une vitesse vertigineuse. Le 30 septembre 1917, alors qu’il vient d’abattre Wissenman, as allemand à qui l’on attribue la mort de Guynemer, il totalise déjà 15 victoires homologuées. Il est créé sous-lieutenant et est fait chevalier de la légion d’honneur quelques jours après. Fonck est à la fois un pilote d’instinct et un travailleur acharné, doté d’une humilité et d’un sang-froid à toute épreuve, qualités qui ne le desservirent jamais et dont il fit ses meilleures alliées. A la différence de Guynemer ou de Nungesser qui ne craignaient pas les duels voire avaient tendance à les provoquer, Fonck n’eut de cesse de parachever sa technique de combat reposant sur l’exploitation des angles morts et sur le fait de surprendre l’adversaire en fonçant sur lui tel un oiseau de proie. En plus de cette technique patiemment et méthodologiquement perfectionnée, Fonck savait faire preuve de patience face à l’ennemi, cherchant la faille chez l’adversaire et sachant l’exploiter dans l’instant. C’est cette instantanéité de la décision qui emporte la victoire doublée de l’agilité que lui procure une souplesse de manœuvre déconcertante face à l’ennemi et qui permit à Fonck de faire tant de fois mouche. N’oublions pas enfin que René Fonck était aussi doté d’une acuité visuelle hors-norme ce qui lui permettait d’atteindre sa cible en usant de très peu de cartouches ce dernier cherchant systématiquement non pas à atteindre l’appareil mais son pilote lors des combats aériens. En plus de ses qualités physiques et de son mental d’acier, la discipline et l’hygiène de vie que s’imposaient en permanence Fonck ne firent que renforcer son efficacité au fil du temps. C’est notamment grâce à ce cumul d’exigences que Fonck fut le seul as capable d’abattre six avions dans la même journée et ce à deux reprises les 5 mai et 26 septembre 1918. Sa dernière victoire aérienne fut homologuée le 1er novembre 1918, ce dernier ayant réussi à asseoir sa légende en un peu de plus d’une année de combats aériens acharnés. Il n’est pas aisé de s’attacher à un homme comme Fonck à la différence d’un Guynemer ou d’un Nungesser au caractère plus lyrique et flamboyant. Reste que Fonck était très apprécié des hommes qu’il côtoyait, ce dernier ayant aussi à cœur de former au mieux les jeunes pilotes rejoignant son escadrille. Evidemment, Fonck servait aussi son ambition comme en témoigne les dispositifs aériens qu’il mit en œuvre lorsqu’il ne volait pas en solitaire et qui lui permettait de se tailler la part du lion lors de patrouille. Auréolé de ses victoires, Fonck fut nommé député des Vosges à l’issue de la Grande Guerre et fut employé de nombreuses fois par l’état-major de l’air afin de faire partager son expertise et de promouvoir des modèles d’avions innovants.
La chute du héros
S’il ne connut pas la mort lors d’un combat aérien ou en participant du développement de l’aéronautique civile, Fonck connut l’emprisonnement à la Libération et mourut dans une relative indifférence, un hommage officiel lui fut rendu aux Invalides mais sans écho majeur au sein de la société civile comme en témoigne les journaux de l’époque qui ne firent pas grand cas de son décès. Fonck était avant tout un soldat même s’il avait occupé la fonction de député, il ne fut jamais véritablement un politique au sens fort du terme ni un stratège ou un visionnaire. Officier auréolé de gloire durant la Grande Guerre, son admiration et sa fidélité allèrent à un autre soldat élevé au rang de gloire nationale à la fin de la Première Guerre mondiale et qui connut la déchéance nationale que chacun sait à la fin de la Seconde Guerre mondiale : Philippe Pétain. Comme chacun le sait aussi aujourd’hui, peut nombreux furent les soldats qui comprirent dès 1940 que l’avenir de la France se jouerait aux côtés d’un général, présenté de plus comme un renégat par la propagande de Vichy, que fut Charles de Gaulle. Il y eut en effet peu de Philippe Leclerc de Hautecloque dès les premières heures de la résistance et il fallait avoir courage, intelligence et discernement pour saisir dès la défaite de juin 1940 ce qui allait se jouer en France durant les premières heures de l’Occupation. Fonck ne fut donc pas un visionnaire et se trompa de combat sous l’Occupation. Le colonel Fonck n’était certainement plus le même homme que le lieutenant Fonck et chacun se plait aujourd’hui à rêver à un René Fonck qui aurait rejoint les forces françaises libres mais l’Histoire est toute autre. Est-ce à dire que René Fonck fut un fanatique du régime de Vichy et un « collabo » de la pire engeance ? Certes non. Des recherches sont encore en cours pour connaître au mieux quelles furent la réalité de ses relations avec l’Allemagne nazie. Ce qui est aujourd’hui avéré témoigne du fait que Fonck fut maréchaliste jusqu’en 1942, moment où il fut désavoué par Pétain. De même, il ne fut jamais proche de Pierre Laval et il bénéficia en 1948 d’un certificat de participation à la Résistance comme membre du réseau Rafale. Reste évidemment que les choix fait par le colonel Fonck sous l’Occupation ont brisé les ailes de la légende du lieutenant René Fonck, as des as, qui fut certainement le plus grand pilote de chasse de la Première Guerre mondiale mais à qui l’Histoire ne peut donner cette place par le manque de discernement et d’acuité morale dont il fit preuve sous les heures les plus sombres de l’Histoire de France contemporaine…
[1] Nungesser est le seul aviateur titulaire d’une croix de guerre plus « chargée » avec 28 palmes et deux étoiles
Image telle que reproduite sur le site: https://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Fonck