Par Romain Petit – Cette chronique est la troisième d’une série de quatre sur la thématique de la guerre au cinéma : glorifier, dénoncer, témoigner, penser*.
TÉMOIGNER (CHRONIQUE III)
Entre glorification et dénonciation du fait guerrier, se fait jour une troisième tendance quasi-réaliste – au sens littéraire du terme – du cinéma dans son rapport à la guerre : celle de témoigner. Témoigner en ayant le souci de s’appuyer autant que faire se peut sur des faits authentiques et en mettant en lumière de manière parfois presque clinique des pans entiers de l’Histoire.
S’approchant parfois du documentaire, certains films d’auteur cherchent à livrer une part de vérité ; à oeuvrer pour la mémoire collective. Usant de la fiction comme un moyen de faire prendre conscience, de révéler ce que nos habitudes et nos schémas de pensée nous empêchent de voir.
Instruits à l’école de la survie
Cette tendance est parfois à l’oeuvre au sein même du travail des plus grands cinéastes, tels Stanley Kubrick qui après avoir dénoncé la guerre dans Les Sentiers de la gloire, ainsi que dans Docteur Folamour, comme nous l’avions vu dans notre partie « Dénoncer », a fait de cette dernière un sujet d’observation privilégié du comportement des hommes, notamment dans Barry Lyndon et surtout Full Metal Jacket.
Cette tendance « réaliste » et analytique, nous la retrouvons au sein du cinéma français de manière forte notamment dans l’oeuvre de cinéastes, tels Pierre Schoendoerffer et Bertrand Tavernier, mais aussi au travers de films comme La chambre des officiers de François Dupeyron (2001) ou Les fragments d’Antonin de Gabriel le Bomin (2006), films qui ont le mérite d’aborder la question de la Grande Guerre sous l’angle de ses conséquences traumatiques, via la question des gueules cassées et celles des traumatisés de guerre.
Pierre Shoendoerffer est l’auteur d’une oeuvre dédiée quasi exclusivement au fait guerrier…. L’un de ses films illustrant le mieux la volonté de témoigner, laquelle traverse son oeuvre comme un véritable fil rouge, est La 317e section (1965). Véritable métaphore sur la guerre d’Indochine, le film retrace le repli de la 317e section, cantonnée dans un petit poste du nord Laos, alors que la bataille de Dien Bien Phu touche à sa fin. Ce film retrace la décomposition d’une section qui doit rejoindre un poste situé plus au sud. En l’espace de huit jours, la section disparaît à l’image de son chef, le jeune lieutenant Torrens (interprété par Jacques Perrin), saint-cyrien qui se découvrira au gré des embuches et des difficultés et face à la personnalité forte et entière de l’adjudant Willsdorf campé par un Bruno Crémer une fois encore inoubliable dans ce rôle d’écorché vif, anciennement incorporé de force dans l’armée allemande durant la seconde Guerre mondiale, revenu de toutes les idéologies et instruit à l’école de la survie. Au travers de cette chronique d’une chute annoncée, Schoendoerffer dessine des portraits d’hommes que tout sépare et que tout finit par rapprocher. Des portraits d’hommes jetés dans la guerre et qui découvrent la fraternité, là où ils ne l’attendaient pas.
Dépasser les clivages passionnels
Schoendoerffer aura beaucoup médité sur l’honneur, le courage, la loyauté tout au long de son oeuvre. Les guerres de décolonisation hanteront son travail et il saura donner corps à la grandeur, ainsi qu’à la servitude militaire si chère à Vigny sans omettre de témoigner des traumatismes qui ont déchiré les rangs de l’armée française notamment durant la Guerre d’Algérie. Son travail de cinéaste tend vers une quête de véracité et de respect des événements historiques, ce qui donne encore plus de profondeur à ses fictions.
Les figures d’officier du Crabe-Tambour (1977), de L’honneur d’un capitaine (1982) ou de Dien Bien Phu (1992) redonnent chair et vie à des souvenirs et nous conduisent à nous interroger sur les événements qui ont façonné notre Histoire collective. L’imitation du réel nous aide ici à penser ce dernier, à ne pas nous enfermer dans une réalité parcellaire et simplificatrice. L’oeuvre de Schoendoerffer aura réussi à dépasser les clivages qu’engendrent bien souvent le prisme d’une mémoire particulière ; ils mêlent avec bonheur la démonstration du documentaire et le lyrisme de la vision incarnée. Le legs de Schoendoerffer tient aussi à l’influence qu’il aura exercé notamment sur deux cinéastes majeurs américains, que sont Francis Ford Coppola et Oliver Stone.
Bertrand Tavernier, quant à lui, fait du souci de réalisme historique une constante de sa création et une ligne de force de son oeuvre. La guerre est elle aussi omniprésente dans son cinéma, même dans des films plus éloignés de prime abord, comme Le juge et l’assassin (1976) ou Coup de torchon (1981). Mais c’est évidemment au travers des superbes La vie et rien d’autre (1989) et Capitaine Conan (1996) que le réalisme du cinéma de Tavernier nous emporte au plus près de ce que fut certainement à bien des égards la folie à ciel ouvert de la Grande Guerre. Capitaine Conan est un film bouleversant et qui marque durablement les esprits. Au travers des errements de l’armée d’Orient contrainte de demeurer mobilisée après l’armistice pour contenir les assauts de la Russie révolutionnaire, Tavernier conte l’histoire des Corps francs et du quotidien d’hommes, dont la brutalité est aussi utile que dérangeante. Conan est un officier courageux, un « guerrier » parmi des « soldats » et placé à la tête d’une section de repris de justice, véritable meute amorale et sanguinaire composée d’hommes simples, de peu d’éducation, mais prêts à prendre tous les risques au feu, coeurs vaillants et sauvages, pierres angulaires et gênantes de la victoire de « 14-18 ». Au travers du procès qui leur est fait suite à des exactions commises en ville, loin des champs de bataille, Tavernier dénonce l’hypocrisie d’une armée qui a encouragé le réveil de pulsions bestiales sur le front des combats dans le coeur d’hommes élémentaires et qui ne sait comment gérer le retour à une forme de normalité, loin du pays, pour ces hommes en proie à l’ennui et à l’oisiveté. Dans cette fiction, beaucoup d’officiers de carrière sont dépeints sous la forme de gestionnaire du pire, la palme revenant à la composition de Claude Rich sous les traits du « piteux » général Pitard, alors que le courage, l’honneur et l’humanité sont le plus souvent présents chez les officiers incorporés dont Conan et son ami Norbert, instituteur dans le civil. Ce dernier y joue le rôle de conscience morale au travers de ce tohu-bohu cinématographique, qui doit autant à Vercel, qu’à Céline ou Barbusse.
Faire oeuvre pour l’Histoire
Au travers de la volonté de témoigner, nous trouvons aussi celle de faire oeuvre pour l’histoire. Ainsi nombre de réalisateurs de premier ordre ont choisi de témoigner contre la folie et la barbarie nazie. La liste de Schindler (1994) de Steven Spielberg dresse le portrait d’un homme d’affaires sans scrupule venu à Cracovie pour faire fortune, alors que la ville subit la politique d’extermination mise en oeuvre par les nazis. Chemin faisant, au milieu de l’horreur à l’oeuvre et notamment sous l’influence de son comptable incarné par un Ben Kingsley magistral, l’humanité de Schindler va prendre le pas sur son ambition mercantile jusqu’à lui faire prendre conscience du crime dont il est l’un des profiteurs. Par contraste, la cruauté et la démence d’Amon Göth (Ralph Fiennes à l’écran, glaçant de réalisme), commandant le camp de concentration de Plaszow en lequel Schindler vient trouver main d’oeuvre, nous apparaît dans toute sa pathologie ordinaire dans l’exercice de sa cruauté rendu légale par la forme d’Etat dégénéré que fut l’Etat SS… Le génie de Spielberg est d’avoir réussi à faire un film grand public ayant la Shoah comme sujet et d’échapper à toute facilité manichéenne en réussissant le portrait d’un homme face à la barbarie à l’oeuvre. En effet, le film n’est jamais moralisant et sa force tient en la sympathie que nous inspire Schindler,interprété par Liam Neeson impeccable de bout en bout, ceci malgré l’absence de scrupules et l’opportunisme sans limite dont ce dernier fait preuve durant toute la première partie du film. Cette identification rendue possible par Spielberg nous fait éprouver d’autant plus intensément le tiraillement éthique de Schindler errant entre soif de pouvoir et élan humaniste au coeur de la nuit nazie…
Moins connu aujourd’hui du grand public, Les damnés (1970) de Visconti est un film qui conte la montée en puissance du nazisme au milieu des années 30 en brossant le tableau de la décomposition d’une famille de la haute aristocratie allemande, les Von Essenbeck, propriétaires d’aciéries qui vont peu à peu tomber sous la coupe du parti national socialiste incarné par le glaçant capitaine SS Aschenbach (Helmut Griem), dont le machiavélisme transcrit toute la perversité du système totalitaire nazi. Ce chef d’oeuvre du 7e art démontre la mécanique pernicieuse qui fut celle des nazis et leur conception d’une race supposée supérieure à laquelle tout et tous seraient subordonnés. Le fanatisme d’Aschenbach n’a d’égal que sa cruauté et sa loyauté à Hitler et aux SS. Ce film a ceci d’unique qu’il fait se rejoindre l’histoire fiction et l’histoire réelle notamment en mettant en scène la nuit des longs couteaux comme démonstration de la folie criminelle sans borne à l’oeuvre au sein de l’Allemagne nazie. N’oublions pas en effet que lors de cette nuit tristement célèbre, Hitler fit ordonner la mort de son plus ancien collaborateur Röhm ainsi que de plusieurs milliers de SA par les SS, alors que ces premiers avaient permis à Hitler d’accéder au pouvoir…
Moins ambitieux tant sur la forme que sur le fond La nuit des généraux (1967) d’Anatole litvak demeure un film à voir. Racontant l’histoire d’un général SS nommé Tanz, psychopathe tueur de masse, mais aussi tueur en série incarné à l’écran par un Peter O’Toole magnétique, le film aborde la question des crimes contre l’humanité perpétrés par les Waffen SS et la traque de ces derniers après la guerre. Le général Tanz est non seulement un chef de guerre fanatique, dont la violence est sans borne, mais c’est aussi un assassin de prostitués, ce qui est en fait un criminel de droit commun. Au travers de la traque du tueur de prostitués, le major Grau, interprété par Omar Sharif, va découvrir que derrière le « héros » aryen Tanz se cache un assassin sadique. La vérité mettra plus de trente années à éclater et aura lieu lors d’une réunion d’anciens nazis où Tanz est l’invité d’honneur, ce dernier se donnant finalement la mort lorsque mis face à ses crimes. Au-delà de l’intrigue et de la vérité historique de la traque des anciens criminels de guerre qu’il sous-entend, le film vaut aussi d’être vu pour une scène singulière, où, lors d’une permission, le général Tanz est autorisé à visiter un musée empli d’oeuvresd’art qualifiés de « dégénérés » par les nazis. Lors de ladite visite, Tanz est pris de vertiges et fait une crise de démence face à un autoportrait de Van Gogh, dont la démence palpable et suggérée renvoie en miroir celle pathologique et non assumée de Tanz. Ce moment où l’art révèle ce que l’ordre établit essaye de détruire est une allégorie puissante du refoulé à l’oeuvre chez les dignitaires nazis souffrant tous de pathologies psychiatriques lourdes, comme l’a démontré le livre d’Erich Fromm, La Passion de détruire : anatomie de la destructivité humaine (Paris, Laffont, 1975).
D’autres films, tels La Chute (2004) d’Oliver Hirschbiegel, ont dépeint la folie des dirigeants du Troisième Reich, ici en l’occurrence d’Hitler, et apporte, à ce titre, un éclairage sur la folie ordinaire à l’oeuvre dans l’entourage de l’ancien dictateur. Le film, qui raconte les derniers jours d’Hitler au sein de son bunker lors de la bataille de Berlin, est éprouvant de par la démence de ses portraits historiques qui se succèdent dans une ambiance apocalyptique. L’intérêt majeur du film réside dans la démonstration du fait que la folie destructrice d’Hitler n’avait bien aucune limite et qu’il aurait entraîné le monde entier dans sa chute, le peuple allemand en tête, s’il l’avait pu…
La recherche d’une certaine objectivité
S’intéressant à une autre période de notre histoire, La bataille d’Alger (1966) de Gillo Pontecorvo se voit presque comme un documentaire sur la réalité de ce que fut ce moment terrible de notre histoire contemporaine. La grande force du film est de dépeindre les faits dans leur nudité sans porter de jugement en mettant le spectateur seul face à sa conscience. D’un réalisme cru, on comprend en voyant ce film que ce que l’on appelait pudiquement les évènements étaient en réalité une véritable guerre. Longtemps interdit en France, ce film doit être vu par toux ceux désireux de mieux comprendre le drame national qui se joua en Algérie durant les années cinquante…
Plus récent, mais tout aussi saisissant, Warriors, l’impossible mission (1999) de Peter Kosminsky relate les traumatismes engendrés chez quatre jeunes soldats britanniques envoyés sous mandat de l’ONU en Bosnie pour protéger les populationsciviles des risques de génocide à l’oeuvre dans un pays plongé en pleine guerre civile. Ne pouvant agir face à la barbarie à l’oeuvre, car bloqué par la teneur de leur mandat, chaque soldat reviendra au pays traumatisé au plus profond de soi et incapable de se réadapter au quotidien privilégié d’un pays puissant en temps de paix. Le film au travers de scènes chocs a le mérite de pointer la situation intenable que représente pour un soldat le fait de ne pouvoir exercer ce pour quoi il est entraîné au nom du respect du principe de souveraineté d’un Etat et de l’idéal qu’incarnent les Nations-Unies face à la cruauté et à la barbarie à l’oeuvre. Ce film témoigne du difficile retour au pays pour ceux qui ont été au contact de zones de guerre. La normalité du plus grand nombre devenant vite vide de sens pour ceux ayant été témoins de scènes de combat ou d’atrocités commises par des belligérants sur les théâtres d’opération.
Dans le film qui ambitionne de relater le fait guerrier, la fiction nous fait pénétrer de plein fouet la violence du réel. L’image incarne devant nous ce qui fut, donnant corps à ce que nous abordions jusqu’alors sous l’angle du concept et du fait historique via notre intellect. Cette capacité à donner chair via l’image est la grande force du cinéma, tant un personnage justement incarné hantera durablement notre imaginaire et nous permettra de mieux comprendre ce qui fut…..
Témoigner, c’est donc aussi s’approcher au plus près d’une certaine objectivité sans recherche de parti pris. En ce sens, l’oeuvre de fiction peut se rapprocher du documentaire tout en s’en distinguant et le documentaire atteindre au film d’auteur. Dans ce registre, une oeuvre s’impose comme référence, Nuit et brouillard (1955) d’Alain Resnais. Documentaire d’un cinéaste de génie,vision portée par un artiste sur l’horreur de l’univers concentrationnaire, méditation faite d’intense émotion et de retenue, de suggestion et de quête de véracité, mais aussi d’un nécessaire dépouillement, autant de caractéristiques qui font le style des films de fiction de Resnais et qui caractérisent Nuit et brouillard. Certains documentaires sont aussi construits et narrés sous la forme d’un film, l’un des modèles du genre étant le remarquable De Nuremberg à Nuremberg (1989) de Frédéric Rossif. A contrario, Nuremberg (2000) d’Yves Simoneau est une oeuvre de fiction qui tend à coller au plus près de la réalité historique en faisant appel de manière ponctuelle notamment à des images d’archives.
Toucher du doigt la grandeur de l’engagement et du sacrifice
Témoignant toujours des heures sombres de notre histoire récente, le somptueux et mélancolique L’armée des ombres (1969) de Jean-Pierre Melville, porté par la magnifique musique d’Eric Demarsan et un casting d’acteurs magnifiques parmi lesquels Lino Ventura, Paul Meurisse et Simone Signoret, a de quoi hanter les esprits et remuer durablement les coeurs et les tripes. Le film est ponctué de séquences toutes plus saisissantes, voire traumatisantes les unes que les autres, l’acmé dramatique étant atteint lors du dilemme de la scène finale où se joue l’assassinat de Mathilde (Simone Signoret) par ses anciens camarades de clandestinité, contraints d’agir de la sorte Mathilde ayant été piégée par la gestapo.
On ne sort pas indemne de cette rencontre cinématographique et l’on mesure à quel point l’abnégation des résistants n’eut pas de limite sous l’occupation nazie. Une des scènes les plus mémorables du film demeure la rencontre de deux frères joués par Paul Meurisse et Jean-Pierre Cassel, qui se retrouvent dans la maison familiale sur fond de Symphonie pastorale de Beethoven, conversant de la pluie et du beau temps et ignorant l’un comme l’autre que chacun a rejoint la résistance, l’un comme simple soldat, l’autre comme chef de réseau. Derrière le jeu des apparences, Melville nous fait toucher du doigt la grandeur du sacrifice de ces hommes et de ces femmes, vivant leur engagement dans le plus grand secret et faisant preuve de la plus sublime des dignités.
Cette scène émouvante joue sur le double sens du mot fraternité ; la fraternité de fait, héritée par les liens du sang et la fraternité renouvelée, créée dans la résistance autour de l’amour sans borne portée à la liberté et à son pays… La notion de sacrifice innerve tout le film qui nous laisse à la fois le sentiment d’une déchirure irréparable et d’une mélancolie sans borne…
Moins grave en son sujet, mais tout aussi fin en son approche, Le Colonel Chabert (1994) d’Yves Angelo, inspiré du roman éponyme de Balzac, traite avec beaucoup de force et de noblesse de l’injustice faite à un ancien officier de cavalerie de l’Empire à l’heure de la Restauration. Laissé pour mort sur le champs de la bataille d’Eylau, reniée par son ancienne femme, jeté au ban de la société, le colonel Chabert raconte comment le réalisme politique, l’arrivisme et le cynisme des variations de régime enterrent le courage, l’honneur et la grandeur de coeur d’un homme, dont la bêtise et la majesté furent d’aimer aussi éperdument sa femme que l’Empire. Depardieu campe un Chabert oscillant entre clochard céleste et mort vivant venu jeté à la face du monde un miroir où ce dernier s’abîme dans la laideur de ses calculs… Lucchini interprète un avoué (Derville) illustrant à merveille le triomphe à venir de la bourgeoisie sur l’aristocratie et de l’art du compromis sur le sens de l’honneur dans une société où ne comptent plus que les intérêts particuliers et le ressentiment né de la soif de revanche de l’Ancien régime.
Demeure une forme de tendresse affirmée et de justice à l’oeuvre dans la scène finale, où Derville venu rendre visite à Chabert, qui lui a écrit une lettre d’adieu des plus touchantes, lui conte la chute de son ex-femme par lui provoquée et redonne vie au vieux soldat en lui tendant un pain comme une promesse d’une nouvelle vie… Chabert éprouve alors de nouveau du plaisir à scander son nom, alors que le film se termine par un plan large de champ de bataille déserté où brûlent encore çà et là quelques buchers sur la neige d’Eylau, ultime métaphore de ce qui reste de la folie du rêve éveillé napoléonien et méditation sur le réel de la mort…
Témoigner via la fiction : quel défi et quelle ambition ! Via l’imaginaire, via l’image, nous révéler une part de véracité, nous aider à sortir de nos jugements préfabriqués pour apprendre à penser des époques et des faits révolus que nous n’avons plus en conscience.
Témoigner pour faire oeuvre de mémoire, pour ne pas oublier l’horreur, pour redonner un sens à ce que furent certains engagements,pour finalement nous apprendre à mieux voir et nous inviter à penser…
Illustration © www.cinemas-du-grutli.ch
*Cet article est paru en 2018 dans le numéro double # 38-39 de notre revue Opérationnels SLDS disponible en ligne >>> https://operationnels.com/produit/operationnels-slds-38-39-hiver-2018/