En février 2018, la mission intérieure (MISSINT) Harpie fête son dixième anniversaire. Opération interministérielle d’envergure, Harpie a fait suite à l’opération Anaconda menée principalement par la gendarmerie durant les années 2000. Ayant pour raison d’être la lutte contre l’orpaillage clandestin il nous est apparu pertinent de dresser un premier bilan de cette opération hors norme à l’heure où le récent décès accidentel du sergent Alexandre Chan Hasing est venu endeuiller une nouvelle fois les forces armées en Guyane (FAG).
Avant d’établir un premier bilan de l’opération Harpie nous rappellerons dans quel contexte cette dernière se mène puis les principaux acteurs qui la composent.
I Dans quel environnement Harpie s’inscrit-elle ?
L’opération Harpie est conduite depuis plus de 10 ans sur le territoire de la Guyane française. Dernier bout de terre européen d’Amérique du sud, la Guyane est située à plus de 7 000 kilomètres de la métropole et constitue à ce jour le plus grand département français avec 84 000 km2 de superficie. On y parle plus d’une trentaine de langues différentes et des individus venus de plus de 20 pays différents y ont élu domicile. Le français y est la langue officielle et celle de l’administration, une fois sorti de ce cadre, le créole guyanais, le sranantongo (langue traditionnelle des bushinengués, peuplade du fleuve descendante des esclaves rebelles Noirs marron), le portugais, l’espagnol sont les langues les plus usitées par la population locale. Ayant pour frontières deux fleuves (le Maroni et l’Oyapock) la Guyane est frontalière du géant brésilien et du Surinam, pays déchiré par une guerre civile à la fin des années 80 et qui est aujourd’hui dirigé par un président soupçonné de génocide et qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour trafic de drogue.
La Guyane se caractérise donc par plus de 1 500 kilomètres de frontières poreuses (520 avec le Surinam et 630 avec le Brésil). La forêt équatoriale recouvre 94 % du territoire, la température moyenne y est de 25 degrés et le taux d’humidité moyen est de 85%. Il n’existe pas de réseau ferroviaire, le réseau routier se limite quasiment à deux grands axes qui longent la côte atlantique du pays. Le taux de chômage y est de 24% et l’insécurité un mal endémique à l’origine notamment des violents mouvements de contestation qui ont secoué ce DOM ROM en 2017 (les dernières manifestations d’envergure avaient eu lieu en 2008 avec comme cause première la cherté de la vie). Sorti de l’hélicoptère ou de l’avion, le seul de moyen de rallier certaines communes demeurent la pirogue ce qui fait que la Guyane demeure une région où subsiste des isolats humains.
L’économie de ce DOM dépend pour une large partie du Centre spatial Guyanais, port spatial européen, qui génère plus de 20% du PIB guyanais. La protection de ce centre, menée par les armées dans le cadre de l’opération Titan depuis plus de 40 ans, constitue avec la lutte contre l’orpaillage clandestin et la pêche illicite l’une des trois missions principales confiées aux forces de souveraineté cantonnée en Guyane.
Photographie Romain Petit