Alors que le projet du futur service national universel (SNU) commence à prendre corps la question se pose de savoir quelle est sa finalité et à quel besoin ce dernier tentera de répondre.
L’actuel Président de la République y voit le moyen de “rétablir l’amour du pays” chez les plus jeunes et de leur apprendre à “faire Nation”.
Cette ambition n’est pas nouvelle. En fait, elle a pris racine durant la Révolution française et s’est élevée au rang de mythe avec le cri de Valmy de 1792. Mais c’est surtout la Troisième république qui fera de la conscription en général, une valeur cardinale de la citoyenneté avec la création du service militaire universel.
Force est de constater que depuis la suspension de la conscription voulue par l’ancien président de la République Jacques Chirac, le service national a laissé un vide civique que rien n’est venue combler et certainement pas l’ex journée d’appel de préparation à la défense (JAPD) -à l’ambition initiale avortée- devenue aujourd’hui journée défense citoyenneté (JDC), qui, si elle a le mérite d’exister, ne peut prétendre remplacer ce qu’autrefois on appelait “l’impôt du temps”.
Reste que depuis sa suspension, le service national (SN) est, de manière récurrente et ceci par des personnalités politiques de tous bords, appelé à renaitre de ses cendres notamment lorsque le vivre ensemble chavire et que certaines crises menacent la cohésion sociale du pays directement (crise des banlieues de 2005) ou mettent en péril la sécurité de nos concitoyens (répétition d’actes et d’attentats à caractère terroristes sur notre sol depuis de nombreuses années).
De toute évidence, la suspension du SN qui fut décidée de la manière la plus verticale possible (fait du “Prince” et sans consultation parlementaire préalable) a privé le pays d’une opportunité de renforcer le tissu social qui le compose. Certes le SN était inégalitaire (obligatoire pour les hommes sur volontariat pour les femmes) et méritait d’être repensé mais sa suspension et le choix d’un retour à une armée de métier n’a pas été sans conséquence pour la vitalité voire la pérennité du lien armées-Nation. Car, que certains militaires ne s’y trompent pas, il est beaucoup plus difficile d’expliquer le bien-fondé des questions de défense à une population (ainsi qu’à ses élites) qui ne connaissent à peu près rien ou presque des enjeux de défense qu’à une société préalablement initiée à ces derniers.
Que l’on prenne un peu de recul historique et que l’on songe que la réinstauration du service national a conduit à plus de quatre années de débat parlementaire entre 1871 et 1875 suite à la débâcle de 1870 et l’on comprendra le contraste saisissant que forment les deux moments de la création et de la suspension du service national en France. Contraste que les différences majeures géopolitiques et sociétales ne suffissent pas à expliquer de manière suffisante.
En fait, le Président Macron, qui n’a pas fait son service national, ne fait qu’acter l’impérieuse nécessité d’un rétablissement d’un moment institutionnel au sein de notre pays qui participera d’une meilleure connaissance de l’autre et de la lutte contre le délitement social à l’œuvre ceci malgré, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, la forte envie d’engagement qui anime la jeunesse de France…