OPS – Par l’Ingénieur Principal Paul KAESER –  Le soutien pétrolier assuré par la Defense Logistic Agency – Energy apporte aux armées américaines une grande liberté d’action, globale. L’agence dispose pour remplir cette mission de soutien énergétique d’importants moyens financiers et administratifs et développe un large réseau avec ses alliés à travers le monde.

Officier du Service des Essences des Armées (SEA), l’ingénieur principal Paul Kaeser a servi initialement au sein des troupes de marine. Après une formation à l’Institut Français du Pétrole, il s’est notamment occupé de l’approvisionnement en carburant des forces. A ce titre, il travaille régulièrement avec l’agence américaine DLA-Energy, qu’il analyse dans le cadre de l’article ci-dessous (dont une version est parue dans le dernier numéro des Nouvelles du SEA . Il est actuellement stagiaire de la  promotion Verdun de l’Ecole de Guerre à Paris.

Corée, Japon, Pacifique, Espagne, Allemagne, Turquie, Moyen Orient et évidemment Amérique du Nord, l’agence américaine de soutien pétrolier est partout. Grâce à des sites de stockage massif, les forces américaines possèdent une grande liberté d’action. Retour sur une organisation « worldwide ».

Le pétrole, facteur de puissance, constitue souvent un objectif de guerre. A moindre échelle, raffinés à partir du pétrole, les carburants sont un concentré d’énergie facilement transportable. Ils concourent à la mobilité des forces et à la consommation énergétique courante en opérations. Puissance financière et contractuelle, l’agence de soutien américaine – Defense Logistic Agency (DLA), déploie des stocks pétroliers tout autour du globe et développe un réseau de coopération et de soutien à ses alliés.

 Des dollars sous forme liquide

Au sein de la DLA, l’énergie occupe une place à part. Elle représente plus de 40% des dépenses de l’agence et possède ses propres infrastructures dans le monde. Appartenant au Departement of Defense, la mission de DLA-Energy consiste à assurer l’approvisionnement énergétique des forces.

En proposant des carburants, leurs produits phares,  au même prix quasiment toute l’année, DLA-Energy n’a pas de budget propre. L’argent vient de ses clients : des structures gouvernementales comme les Coast Guards et surtout les armées américaines – Air Force, Army, Navy dont Marine corps. Le chiffre d’affaires de l’année fiscale 2014 [1] s’élève à environ 16 milliards de dollars. Les actifs en fin d’année, qui incluent l’ensemble des stocks, se montent eux à 7 milliards de dollars.


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Répartition par armées des ventes d’énergie par la DLA (en millions de dollars)

Les différents carburéacteurs [2] font l’objet d’une surveillance accrue pour en assurer la qualité aéronautique. Une centaine d’inspecteurs « qualité produits » sillonnent  le monde et vérifient  les installations militaires et civiles qui fournissent les armées américaines. C’est l’enjeu principal d’une telle agence : être sûr du carburant distribué. Plusieurs laboratoires y participent : Kaiserslautern en Allemagne, Anchorage en Alaska, Pyeongtaek en Corée, Okinawa au Japon. Et lorsqu’il s’agit d’avitailler l’avion présidentiel « Air Force One », les mesures deviennent encore plus drastiques !

 En tant que responsable du soutien de classe III [3], DLA-Energy distribue des carburants, mais son action s’étend aussi au propergol, au gaz (y compris en phase liquide), au charbon, ainsi qu’à l’électricité. Pour les huiles, les liquides hydrauliques, les graisses et autres produits pétroliers en détails, DLA Distribution, autre division de la DLA, assure l’approvisionnement [4].

Une multitude de contrats

Forte de 1350 employés dont 5% de militaires, DLA–Energy dispose de 200 personnes dédiées aux contrats. Elles mettent à disposition des forces, par exemple, une carte d’avitaillement unique acceptée dans des milliers d’aéroports, des possibilités de se ravitailler dans des centaines de ports, des solutions pour approvisionner les centaines de stations-services des forces américaines. Bref, un maillage complet. C’est en Afrique que se concentrent les difficultés, là où les infrastructures se font rares et la qualité des carburants n’est pas optimale.

L’agence pense aussi « énergie verte » et a déjà trouvé des acteurs pétroliers pour fournir aux forces navales du bio-carburant. Le programme lancé par la Navy s’appelle « green fleet ».

Un réseau international

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Actuellement commandée par le général de brigade Mark McLeod depuis Fort Belvoir en Virginie, DLA-Energy (DLA-E) est implantée dans différents pays au service des commandements militaires :

  • DLA-E Americas, située à Houston au Texas et San Pedro en Californie, pour USNORTHCOM [5] et USSOUTHCOM,
  • DLA-E Pacific pour USPACOM,
  • DLA-E Europe and Africa, pour USEUCOM et USAFRICOM,
  • DLA-E Middle East pour USCENTCOM.

Les Américains accordent une importance particulière aux accords internationaux d’échanges de carburant : une quarantaine sont actifs et plusieurs dizaines sont en négociation. Logistiquement, les forces américaines peuvent s’appuyer sur les installations des pays hôtes. Par exemple, en Espagne, les installations pétrolières sont conjointement utilisées par les Espagnols et Américains. Les forces américaines peuvent aussi très simplement proposer à des forces alliées des solutions de soutien pétrolier rapide à mettre en œuvre.

DLA-Energy concentre les sources d’énergie de la puissance militaire américaine. Partenaire incontournable pour le Service des Essences des Armées, notamment au sein de l’OTAN et autour de la corne de l’Afrique, cette agence se distingue de l’organisation française en n’allant pas jusqu’à la distribution aux forces. Le soutien pétrolier américain au plus près des forces n’est donc pas interarmées. Mais l’objectif commun demeure : « warfighter first ! [6]»

localisation DLA E

Carte des localisations du DLA-E

Notes de bas de page

[1] Source : http://www.dla.mil/Portals/104/Documents/Energy/Publications/E_Fiscal2014FactBookLowResolution_150911.pdf

[2] Carburants pour l’aviation

[3] Nomenclature de l’OTAN pour les soutiens en produits POL (Pétrole, Oil=autres produits pétroliers, Lubrifiants).

[4] A la différence de l’organisation française où le SEA – Service des Essences des Armées délivre ces produits.

[5] Nom des grands commandements (COM) régionaux américains (US), dont l’intitulé varie en fonction de la zone nord, sud, Pacifique (PA), Europe (EU), Afrique (AFRI), central (CENT).

[6] « le combattant d’abord » : mot d’ordre de la DLA dans son plan stratégique.