Par Murielle Delaporte –  Lors de la cérémonie d’accueil du premier avion de transport tactique médian C-130J livré à l’armée de l’Air, Florence Parly, ministre des armées, a souligné ce choix comme étant le « choix de la cohérence » : « le C130J permettra de remonter la disponibilité de nos matériels et l’activité de nos équipages pour renforcer leurs compétences tactiques, améliorer les capacités d’entraînement et de formation, Ce C-130J, c’est une promesse, une bouffée d’air pour compenser la lente érosion et le vieillissement des flottes d’ancienne génération qui ont tant servi en opérations, en attendant la pleine montée en puissance de notre parc d’A400M», a-t-elle poursuivi en ce lundi 15 janvier sur la BA123 d’Orléans-Bricy.

Malgré les apparences, le choix de l’avion américain n’est pas un pur constat d’échec de l’A400M que d’aucuns se plaisent à dénoncer comme déterminant unique, mais relève au contraire d’une logique capacitaire et d’une cohérence de choix tant d’un point de vue purement tactique, que stratégique et politique.

Source:  Armée de l’Air

Cohérence tactique : combler certains manques

Victime de sa polyvalence et du rodage inhérent à un processus de mise en service industrielle jusqu’alors inédit, l’A400M n’est certes pas parvenu dans les temps initialement prévus à fournir certaines capacités tactiques dont ont cruellement besoin nos forces armées particulièrement sollicitées, comme chacun sait, sur des théâtres extrêmement exigeants depuis plusieurs années. Parmi ces capacités indispensables à des opérations de type Barkhane en Bande sahélo-saharienne, on citera les atterrissages en terrain sommaire, l’aérolargage de PAX et de matériels, le ravitaillement des hélicoptères en vol : l’A400M réalise aujourd’hui les premiers et une partie du second (la mise au point du largage de parachutistes par les portes latérales est en cours), mais pas encore le troisième pourtant essentiel aux élongations inhérentes à cette partie du monde et à la nécessité de mener notamment des missions CSAR (« Combat Search And Rescue ») et TRAP (« Tactical Recovery of Aircraft and Personnel »).

 

Source:  Armée de l’Air

Sur le parc de quatre C-130J que va acquérir la France d’ici 2019, deux KC-130J vont permettre de pallier ce manque, tandis que les Caracal de l’escadron d’hélicoptères 1/67 « Pyrénées » s’entraînent régulièrement à cette procédure avec l’USAF, comme ce fut le cas notamment en décembre dernier dans le cadre de l’exercice Dark Dune, lequel s’est déroulé sur la BA 120 de Cazaux. Cette capacité incluera bien-sûr également le ravitaillement en vol des avions de combat Mirage 2000 et Rafale.

Source:  Youtube (SIRPA Air, Cazaux, 2014)

Cohérence stratégique : l’atout de la complémentarité et de l’interopérabilité

L’acquisition du C-130J s’inscrit également dans une logique de renouvellement des flottes d’ancienne génération : que ce soit le Transall (C-160), dont le cycle de vie est en train de battre tous les records de longévité en étant étendu à 2023, ou que ce soit ses versions précédentes, à savoir  le C-130-H et le C-130H-30 (version longue), dont les premiers ont été achetés voici trente ans.

 

Source:  Armée de l’Air

 

En choisissant la continuité et la diversité au niveau de ses flottes, l’armée de l’Air fait coup double : elle accroît ses options sur le champ de bataille en ce sens que chaque aéronef revêt des spécificités, points forts et points faibles propres ; elle conserve une interopérabilité essentielle avec ses alliés, dont la plupart ont fait le même choix. En s’entraînant de concert avec cette communauté d’utilisateurs de C130-J, l’armée de l’Air continue de s’abstraire  des risques de décalage technologique et donc tactique, tout en privilégiant cette liberté d’action que procure l’octroi de moyens en propre et qu’a également souligné Florence Parly :

« Le C-130H, c’était cette liberté. Notre liberté d’action, notre liberté d’intervention. Les conflits ont changé, les batailles ont lieu à des milliers de kilomètres de notre territoire : il nous faut donc pouvoir nous projeter, embarquer au loin nos forces, nos vivres et notre matériel. C’est la condition de notre capacité d’intervention. C’est la condition de notre indépendance, de notre souveraineté. »

 

Cohérence politique : le renforcement des alliances

Initiée par Jean-Yves Le Drian, lorsqu’il était ministre de la défense, avec son homologue allemande, Ursula von der Leyen, dès avril 2016,  la mutualisation d’une flotte franco-allemande de C130J (qui devrait compter dix aéronefs pour une FOC  – “Full Operational Capacity” – à l’horizon 2024) symbolise par ailleurs parfaitement la dimension politique de l’arrivée de ce premier C-130J, telle que souhaitée par le gouvernement actuel.

Voué à remplacer les Transall de part et d’autre du Rhin (en 2021 pour les Allemands et 2023 donc pour les Français), le C-130J s’inscrit dans l’esprit de coopération franco-allemande qui avait précisément préludé au lancement du programme Transall en 1959 ( Transall est l’acronyme de «TRANSporteur ALLianz » en allemand et « TRANSporteur ALLiance » en français)1, avec l’espoir d’aller au-delà d’une simple formation commune ou de la mise en commun de moyens. A noter que le contrat FMS (“Foreign Military Sales”)  conclu avec Lockheed Martin comprend un soutien MCO (maintien en condition opérationnelle) – avec fourniture de pièces – pendant deux ans et une formation aux Etats-Unis des personnels navigants (stages de dix mois) et non-navigants (stages de deux à trois mois). Comme  l’A400M, le C130J augure d’une profonde évolution des métiers aéronautiques militaires, avec notamment une plus grande implication des soutiers (ou « loadmasters ») au niveau mécanique de bord sur l’A400M, au niveau de l’ingénierie de vol sur le C130J2.

La création d’une unité bilatérale franco-allemande sur la base aérienne d’Evreux en 2021 pourrait permettre à terme de mener des opérations conjointes avec des équipages mixtes et, au minimum, sur la base du fonctionnement existant déjà au sein du Commandement européen de transport aérien (EATC pour « European Air Transport Command »),  faciliter la mise à disposition et l’échange d’heures de vol C130.

En attendant, un réel partage au niveau du financement des infrastructures de 50 millions d’Euros chacun a vu le jour, tandis que le principe de formations communes franco-allemandes ne fait que pérenniser celui existant au niveau de l’A400M (sachant que nombre de pilotes d’A400M viennent de la communauté C-130), où la formation maintenance est assurée en Allemagne et la formation tactique en France (sur la BA 123 justement).

Fait remarquable dans le monde de la programmation militaire et sur fond de débats polémiques sur la disponibilité et le coût du transport aérien militaire, ce cercle vertueux de la complémentarité a été rendu possible en un temps record, puisque il aura fallu moins de deux ans entre la signature du contrat avec les Etats-Unis et la livraison du premier aéronef sous la cocarde tricolore …

Photo : cérémonie d’accueil du premier C130J aux côtés d’un C130H (on peut lire les mots “3o ans” peints sur sa dérive pour l’occasion)
© Radio France , Anne Oger, BA Orléans-Bricy, 15 janvier 2018
(telle que publiée en ligne sur >>> https://www.francebleu.fr/infos/international/visite-ministerielle-a-la-base-aerienne-de-bricy-pour-un-nouvel-avion-strategique-1516039370)

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=> Photo d’illustration : exercice “Operation Surge Capacity” mene par la 403e Wing (USAF) de C130J et WC-130J en 2014 © U.S. Air Force photo/Senior Airman Nicholas Monteleone

=> Notes :

Voir par exemple >>> http://www.generations-transall.com/historique/

2  Voir sur ce sujet >>> http://www.dla.mil/AboutDLA/News/NewsArticleView/Article/1062132/loadmasters-scheduled-for-c-130j-training/

   

===> Pour en savoir plus :