Série Les guerrières – Par le Lieutenant-Colonel (R) Michel Klen –  Cet article est le troisième d’une série dédiée aux Guerrières et combattantes du monde entier. Après les femmes kurdes, les Chrétiennes du Liban …

La société libanaise a été déchirée pendant quinze ans (1975-1990) par une guerre civile interconfessionnelle. Dans ce conflit meurtrier, des femmes, en particulier des chrétiennes, ont dû prendre les armes pour sauver leur communauté gravement menacée. Une fois les tensions apaisées, certaines ont tenu à apporter leur témoignage.

 Jocelyne Khoueiry a raconté son parcours poignant à deux spécialistes de l’Orient[1]. Cette chrétienne maronite n’a pas encore 20 ans lorsque la guerre éclate dans le pays du cèdre. Étudiante à l’université de journalisme, la jeune femme est aussi une militante politique au sein du parti démocrate Kataëb qui entend affirmer l’indépendance du Liban et s’opposer aux visées syriennes dans la région. Dès le début des affrontements, elle s’engage dans l’aile militaire du Kataëb et entame un entraînement commando avec d’autres filles au camp de Qamaz. Parmi ses instructeurs, il y a Francis Borella, un ancien officier de la Légion étrangère, qui lui enseigne les rudiments du combat de rue. Le légionnaire sera tué quelques semaines plus tard lors d’un échange de tirs avec des Palestiniens. Sa formation terminée, Jocelyne prend le commandement d’une unité de combattantes. Son courage, son caractère de meneuse, sa très grande résistance physique et l’ascendant psychologique qu’elle anime sur ses subordonnées en font une véritable chef de guerre. D’où son surnom élogieux de Raisseh (féminin de chef en arabe).

La Raisseh devient une héroïne dans la nuit du 6 mai 1976 en remportant avec six autres gamines, galvanisées par une Jocelyne transcendée, une victoire stupéfiante contre 300 combattants palestiniens. Encerclées dans un immeuble de Beyrouth, les femmes soldats réussissent à surprendre leurs adversaires et à retourner une situation qui semblait compromise. L’exploit de Jocelyne et la confirmation de ses qualités de leadership dans d’autres séquences de guerre la propulse en 1980 à la tête des militantes des forces libanaises commandées par Bachir Gemayel (qui sera élu président de la République en septembre1982). L’assassinat de ce dernier quelques jours après son accession à la magistrature suprême va provoquer un choc terrible au sein de la communauté chrétienne. Ce traumatisme sera amplifié par les divisions dans le camp chrétien et les affrontements sanglants entre les différentes milices. Ces déchirures seront déterminantes dans la décision de la Raisseh d’abandonner les armes. Mais la figure légendaire de l’armée féminine libanaise ne renoncera pas pour autant à ses convictions. Elle s’engage alors dans la lutte politique en lançant avec une poignée « d’anciennes », en mai 1988, le mouvement « La Libanaise femme » pour promouvoir la société féminine dans les combats contre l’injustice.

A l’instar de Jocelyne, d’autres femmes ont combattu pour défendre la communauté chrétienne, puis déposé les armes en raison des rivalités internes au sein des milices. Comme sa coreligionnaire, Régina Sneifer a tenu à témoigner. La jeune femme  nous a livré son expérience martiale dans un récit bouleversant[2]. La guerre civile du Liban a ainsi mis en scène de nombreuses combattantes qui ont mis toute leur énergie au service de leur patrie. Au pays du cèdre, les filles de Vénus ont prouvé que Mars, le dieu de la guerre, ne concernait pas seulement la population masculine.

 

[1] Nathalie Duplan et Valérie  Raulin, Jocelyne Khoueiry, l’indomptable, Le Passeur éditeur, 2015.

[2] J’ai déposé les armes, une femme dans la guerre du Liban, éditions de l’Atelier, 2006.

 

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