(Partenariat) Par Luc Kergosien –  Etudiant en Master 2 Sécurité Défense – Université Paris 2 Panthéon Assas, lauréat d’une bourse de voyage Zellidja en Serbie et Bosnie-Herzégovine et candidat au concours d’Officier Sur Titre de l’Armée de Terre.

Cet article est le premier d’une série née d’un partenariat passé entre le Master 2 Sécurité Défense de l’Université Paris 2 Panthéon Assas et Opérationnels. Il cherche à mettre en valeur les travaux (mémoires de recherche) menés par de jeunes chercheurs spécialisés dans les domaines de la défense, de la sécurité et des relations internationales.

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Le G5 Sahel est une coopération régionale réunissant les cinq Etats africains situés dans la zone sahélienne : le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. Créée le 16 février 2014 sous l’impulsion de la France, son siège est à Nouakchott (Mauritanie) et son quartier général à Sévaré (Mali).

 

Le G5 Sahel vise à promouvoir la paix et le développement à l’échelle régionale dans la zone sahélienne en coordonnant et en mutualisant les efforts et moyens de ses membres. Cette coopération se traduit par la lutte contre le terrorisme dans la région ainsi que par la mise en place d’infrastructures (transport, énergie, télécommunications…) et de politiques de bonne gouvernance.

Ces dernières années, la région du Sahel est devenue un important foyer pour les groupes islamistes, notamment depuis que la Libye a sombré dans le chaos en 2011, que la secte Boko Haram s’est étendue au Nigeria et que des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda se sont emparés du nord du Mali en 2012. Bien que ces derniers aient été chassés par une intervention militaire internationale menée en janvier 2013 à l’initiative de la France, les violences dans la région perdurent. On dénombre entre 500 et 800 djihadistes répartis entre deux groupes armés nouvellement structurés : le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (RVIM, créé en mars 2017), l’Organisation Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS, créé en mars 2015)[1], et Boko Haram. Le RVIM et l’EIGS ont certes des objectifs différents[2], mais ils sont tous les deux dans une logique d’expansion. On constate des progrès dans leur mode d’action, et cette professionnalisation annonce, selon certains, l’arrivée de combattants plus expérimentés. Cela a des conséquences humaines directes pour les troupes en charge de la mission : en 2017, la mission de maintien de la paix au Mali a ainsi perdu 17 Casques bleus lors d’attaques.

Après être tombé un certain temps dans l’oubli, le projet du G5 Sahel est réactivé en novembre 2015 puis février 2016 lors de sommets régionaux où les Etats concernés décident de mettre sur pied une force conjointe qui aura pour mission de lutter contre le terrorisme et les réseaux criminels transnationaux. Le projet se concrétise enfin sous l’action du nouveau président français Emmanuel Macron, lors du sommet de Bamako du 2 juillet 2017. Le but est de disposer en mars 2018 d’une force militaire de 5 000 hommes répartis sur trois fuseaux – Ouest, Centre et Est- puis dans un second temps d’une brigade sahélienne contre-terroriste qui se déploierait au nord du Mali.

La force conjointe est donc la principale structure du G5 Sahel. Son financement est un sujet sensible. Il oscille entre 250 millions d’euros pour ses débuts et 400-450 millions d’euros à plein exercice. Lors du sommet de Bamako de juillet 2017, les premiers financements ont été apportés par la France et les pays du G5 Sahel. Par la suite, les Etats-Unis, l’Union Européenne, puis l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis lors du sommet organisé à la Celle-Saint-Cloud en décembre 2017, se sont engagés à aider financièrement l’organisation. Près de 300 millions d’euros ont ainsi été réunis. Cependant, ces financements tardent à arriver, ce qui ralentit la mise en place du projet. C’est pourquoi une deuxième réunion de soutien financier se tiendra le 23 février 2018 à Bruxelles.

La France est depuis l’origine le premier partenaire du G5 Sahel. Le Sahel est une zone vitale pour les intérêts français, comme l’a rappelé la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité Nationale d’octobre 2017[3]. Depuis le sommet de Bamako de juillet 2017, la France a précisé la forme de son aide à cette organisation. En effet, elle apporte une aide militaire à travers l’opération Barkhane (4000 hommes) qui opère dans la Bande Sahélo-Saharienne (BSS). Ainsi, une première opération conjointe nommée Haw Bi a été menée à la fin du mois d’octobre 2017, qui s’est révélée fructueuse. De plus, la France apporte une aide financière de 8 millions d’euros à la force conjointe, ainsi qu’une aide financière de 200 millions d’euros sur cinq ans via l’Agence Française de Développement pour mettre en place des projets divers de développement et lutter contre le terrorisme sous toutes ses formes.

La France a été longtemps seule pour porter ce projet. Directement touchés, comme l’a illustré au mois d’octobre 2017 la mort de quatre soldats des forces spéciales américaines au Niger dans une embuscade, les Etats-Unis s’étaient ralliés au projet à titre financier peu de temps avant cette embuscade. Pour autant, ils refusent catégoriquement que cet argent serve à financer des actions sous l’égide de l’ONU, dont l’administration Trump se méfie. L’Organisation des Nations Unies, quant à elle, a dans un premier temps agi de manière symbolique en actant par une résolution de juin 2017 l’existence de la Force conjointe[4]. Le 8 décembre 2017, sous la pression de la France, le Conseil de Sécurité de l’organisation internationale a finalement adopté à l’unanimité une résolution prévoyant la conclusion future d’un « accord technique » entre l’ONU, l’UE et les États du G5 Sahel en vue de fournir un appui opérationnel et logistique spécial à la Force conjointe[5]. Parallèlement, l’Union Européenne participe au projet, de manière collective ou par la voix individuelle de ses membres. Ainsi, l’Italie et le Royaume-Uni ont déclaré au début du mois de janvier apporter une aide militaire et logistique à l’organisation.

Enfin, se pose la question du rôle de l’Algérie dans la constitution du G5 Sahel. Ce pays est resté en dehors de la coalition pour plusieurs raisons. D’une part, sa doctrine d’emploi est fondée sur le refus d’engager des troupes à l’extérieur. D’autre part, d’importantes dépenses ont été consacrées pour former des unités militaires et fournir d’importants équipements aux pays du G5 Sahel. Par ailleurs, Alger est à l’origine de l’accord du même nom signé à Bamako en juin 2015, qui prévoie la restauration de l’autorité de l’État malien sur l’ensemble du territoire national et la cessation des hostilités. Bien qu’il n’ait pas été entièrement appliqué, ce traité est une preuve de l’engagement de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme au niveau régional. En définitive, le pays considère d’un mauvais œil l’intervention de pays occidentaux dans la zone sahélienne et la possibilité de voir des troupes étrangères s’implanter durablement à ses frontières, et souhaite un règlement de la question selon une approche africano-centrée.

En résumé, l’axe majeur du G5 Sahel est la lutte antiterroriste, ce qui se traduit par une hypertrophie de la force conjointe dans la structure de l’organisation. Cependant, la mise en place d’un plan régional de développement est complémentaire de cette action militaire classique. La France, longtemps seule, œuvre intensément pour faire aboutir le projet, et a réussi à entraîner dans son sillage de nombreux partenaires depuis 2013. La volonté politique commune étant claire, la question majeure à l’avenir est celle du financement des actions de l’organisation, la concrétisation de l’aide onusienne et la participation de l’Algérie.

 

Bibliographie

Ouvrages

GUILLAUMONT-JEANNENEY Sylviane (dir.), Allier sécurité et développement, plaidoyer pour le Sahel, Volume 1, Fondation pour les études et recherches sur le développement international (FERDI), Clermont-Ferrand, 2016

Publications officielles

PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE, Dossier de presse, Déplacement du Président de la République au Mali, 13-14 janvier 2017

ETAT-MAJOR DES ARMEES, Dossier de presse Barkhane, juillet 2017

Revue stratégique de défense et de sécurité nationale, octobre 2017

Site France Diplomatie (site du Ministère des Affaires Etrangères), La force conjointe G5 Sahel et l’alliance pour le Sahel

Site du Secrétariat Permanent du G5 Sahel

 Presse

Le Monde, Pour la ministre des armées en visite au Mali, « la France fait fléchir le djihadisme », 1er janvier 2018

Le Monde, L’Italie prête à participer aux opérations au Sahel, 4 janvier 2018

Le Figaro, La difficile mise au point du G5 Sahel, 15 janvier 2018

Courrier International, Vu d’Algérie, le G5 Sahel aura du mal à se passer de la participation d’Alger, 14 décembre 2017

Jeune Afrique, Sans argent le G5 Sahel continue de tourner à vide, 18 septembre 2017

Jeune Afrique, Coup de pouce de l’ONU à la force naissance G5 Sahel, 8 décembre 2017

 

[1]  Créé en mars 2015, l’EIGS regroupe une faction dissidente du groupe al-Mourabitoune.

[2] Le RVIM réunit des groupes armés dont l’agenda balance entre revendications touarègues et salafistes dans un cadre national. L’EIGS s’insère quant à lui dans le projet de califat international.

[3]  « Porteur d’enjeux prioritaires pour la France en matière de lutte contre le terrorisme et les trafics, ainsi que de protection des communautés d’expatriés, l’espace sahélo-saharien connaît un risque d’enracinement durable des mouvances jihadistes. » (p.22)

[4] Résolution 2359 du 21 juin 2017 du Conseil de Sécurité

[5]  Résolution 2391 du 8 décembre 2017 du Conseil de Sécurité

Carte telle que reproduite sur le site: http://www.g5sahel.org/index.php/qui-sommes-nous/le-g5-sahel