Si la propagande et la désinformation ne sont pas nées avec la Grande Guerre, cette dernière les a incontestablement fait entrer dans une nouvelle ère. En en faisant une arme d’influence massive via notamment l’essor de la photographie et du cinéma mais aussi, et surtout, via la mise en scène de symboles et de mythes collectifs, la Grande Guerre a démontré que la propagande était une arme de guerre de premier plan.

L’effort de propagande durant la Première Guerre mondiale s’est notamment intensifié en 1916 et 1917. La guerre de position bat alors son plein, le moral des troupes des deux côtés du front s’émousse, Verdun est érigée en bataille de légende et les non moins sanglantes batailles de la Somme et de Passendale nourrissent le sentiment de révolte, d’absurdité et d’insurrection dans les tranchées. Il devient impératif pour ceux qui ont à charge de conduire la guerre de justifier et de légitimer cette dernière. Le recours à la propagande s’impose alors comme un incontournable.

Force est de constater que « 14-18 » en matière de guerre a tout inventé, jusqu’au concept de propagande moderne qui finira par donner le jour à la notion de guerre de l’information.

De quoi parle t on ?

La propagande et la désinformation sont des armes de guerre psychologique. Elles participent de la guerre du sens que ne cesse de se mener des adversaires en parallèle des moyens coercitifs déployés traditionnellement dans le cadre d’un conflit armé. Elles servent à infliger à l’adversaire un dommage en usant de signes afin de diminuer ses capacités d’action et de réaction afin de le décrédibiliser ou d’altérer son image.

En ce sens, la propagande peut être définie comme un concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager une idée et stimuler l’adoption de comportements au sein d’une population cible afin d’influencer son jugement et son comportement. La désinformation quant à elle peut être définie comme un ensemble de techniques de communication visant à tromper une population cible afin d’également influencer ses agissements. Il s’agit donc de diffuser sciemment de fausses vérités afin de tromper l’adversaire et l’induire en erreur[1].

L’organisation des officines de propagande des deux côtés des belligérants durant la Grande Guerre

En France, la propagande a été placée sous le contrôle conjoint des ministères de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères. Le ministère de l’Education et les Beaux-arts furent également étroitement associés à cette guerre des images et des mots. La justification première sur laquelle s’appuya la propagande durant la Grande Guerre fut la perte de l’Alsace-Lorraine associée à la défaite contre la Prusse en 1870. Les officines de propagande capitalisèrent dès lors sur le sentiment de Revanche partagé par le plus grand nombre et relayé depuis des décennies par les hussards noirs de la République. En ce sens, la propagande française prêcha avant tout des convaincus tout comme la propagande britannique. La légitimité du conflit allant de soi, l’effort des propagandistes pour convaincre et faire adhérer fut assez aisé, du moins au début du conflit.

L’Allemagne n’aura pas quant à elle de ministère chargé de la propagande, ce dont se souviendra Hitler qui en fera un argument fallacieux pour justifier la défaite allemande. De fait, de nombreuses tensions entre le pouvoir politique civil et le commandement militaire, empêcheront son juste développement dans l’Allemagne du Kaiser. De plus, le langage de la propagande allemande fut rarement en adéquation avec les préoccupations du peuple. Dès lors, cette dernière manqua sa cible en ce qu’elle ne s’adressa finalement qu’à une élite dirigeante (officiers prussiens, industriels, universitaires) et qu’elle nourrira in fine les tensions sociétales émergeantes au sein de la société allemande avec la montée en puissance d’une lutte des classes de moins en moins latente.

Comment ?

L’on peut dire qu’il n’y eut que très peu de limites en termes d’usage de la propagande durant la Grande Guerre. Tout finit par servir cette dernière, de la déshumanisation de l’ennemi (l’allemand fut souvent comparé à un animal), à l’appel à la croisade, en passant par la lutte de la civilisation contre la barbarie, sans parler de la manipulation de symboles (Jeanne D’arc, Germanica, Marianne) et du sentiment de Revanche jusqu’à la sacralisation de certaines batailles telle celle de Verdun qui revêtit très vite un caractère sacré notamment côté français.

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[1] Sur ces deux notions lire notamment le classique de Serge Tchakotine, Le Viol des foules par la propagande politique, Paris, Gallimard, 1952.

Affiche telle que reproduite sur le site: https://seinesaintdenis.fr/14-18-s-affiche.html