L’heure de gloire de la défense nationale
Même si la notion de défense nationale n’est pas apparue avec la Troisième République, force est de constater que cette dernière aura fortement participé de sa (re)structuration notamment suite à la débâcle de l’armée française lors de la Guerre de 1870.

La cristallisation d’après 1870
Avec la déclaration de guerre faite à l’Allemagne le 19 juillet 1870, le Second Empire s’engage dans un conflit qui va entraîner sa perte et provoquer un traumatisme durable pour la Nation. En l’espace d’un mois, l’armée française va connaître une série de défaites qui la conduira à la capitulation de Napoléon III le 31 août à Sedan. La Nation est à terre. Face à cette catastrophe, les députés de Paris organisent le 4 septembre le gouvernement de la Défense nationale présidé par le général Trochu. S’en suit la dissolution du sénat et de la chambre des députés ainsi que la proclamation de la IIIe République. Du 8 septembre 1870 à fin janvier 1871, l’ennemi assiège Paris et obtient sa capitulation le 29 janvier. Le 8 février Thiers est nommé Président de la République et signe la paix le 26 février avec Bismarck à Versailles. L’onde de choc est considérable et la France ressort humiliée de cette paix qui aboutira à la signature du Traité de Francfort le 10 mai. Le pays est traumatisé par cette défaite qui se solde par la perte de l’Alsace et de la Lorraine ainsi que par une insurrection populaire du peuple de Paris qui restera dans l’Histoire sous le nom de la Commune de Paris (18 mars 28 mai 1871). Une partie de l’armée fidèle à Thiers  composera les rangs armés de ceux que l’on appellera les Versaillais. Elle sera réquisitionnée contre une large partie de la population de Paris (dans le cadre de ce que nous nommerions aujourd’hui une mission de sécurité intérieure et de maintien de l’ordre) durant la Commune, au sein de laquelle se trouveront d’autres soldats ne voulant pas désarmés face à l’ennemi, lesquels iront grossir les rangs des Communards.
Ces événements traumatiques pour la Nation vont entraîner un débat parlementaire sans précédent qui durera plus de cinq ans et qui aboutira à la réorganisation du ministère de la Guerre, du fonctionnement des armées et à l’affirmation du modèle du citoyen soldat dans la France de la fin du XIXe siècle.

L’esprit de revanche
Cette réorganisation s’appuiera notamment sur le rapport Bouchard qui analysera les causes de la défaite de 1870 et posera un principe refondateur pour les armées résumable dans la devise : « un chef, une mission, des moyens » ainsi qu’à la subordination de l’administration militaire au commandement. L’autre conséquence de la guerre de 1870 pour la défense nationale sera le retour en force de l’idée du soldat citoyen si cher aux révolutionnaires de 1789 et qui n’aura plus cours notamment sous le Second Empire avec son armée de métier et ses vieux soldats. Enfin, la perte de l’Alsace et de la Lorraine nourrit un esprit de Revanche (« y penser toujours, n’en parler jamais ») qui va se transmettre au fil des générations sous la double influence des Hussards noirs de la République, ainsi que par le (ré)établissement du service militaire qui aboutira à la promulgation du service militaire universel (plus de tirage au sort, mais non mixte) de deux ans. La Guerre de 1870 provoque donc le retour en force de la conscription et de la formation du soldat citoyen sur lequel repose désormais la notion de défense nationale. Cette conception de la défense nationale qui se matérialise avec la mobilisation de la résistance militaire de l’ensemble de la Nation face à la menace aux frontières va perdurer durant toute la période couvrant les deux guerres mondiales et connaître son parachèvement avec l’ordonnance du 7 janvier 1959.

L’ordonnance du 7 janvier 1959
L’ordonnance du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense nationale affirme deux principes fondamentaux de la défense nationale à savoir : sa permanence et son caractère englobant. Autrement dit, la défense nationale doit être assurée en tout temps et en tous lieux et couvre des aspects militaires, mais aussi non militaires de la protection de la Nation. En ce sens, la défense nationale est à la fois militaire, économique, diplomatique et culturelle.Reste que cette vision « haute » et transverse de la notion de défense nationale ne s’incarnera jamais véritablement au sein de l’appareil d’Etat français.
Née en pleine guerre d’Algérie, durant laquelle l’armée se verra employée à la fois sur des missions de guerre, mais aussi de police et de maintien de l’ordre (voir la bataille d’Alger de 1957 menée par les parachutistes de la 10e division parachutiste du général Massu), l’ordonnance de 1959 pose trois notions clefs que sont : la subordination du militaire au politique (subordination renforcée suite au putsch de 1961), la primauté de l’exécutif en matière de défense (avec le contrôle du parlement) et la prééminence du chef de l’Etat en matière de défense. Par ailleurs, force est de constater que l’ordonnance de 1959 a préparé la mue de la réorganisation de la Défense nationale dans le contexte de décolonisation et de montée en puissance de la dissuasion nucléaire des années 1960. Reste que la notion même de Défense nationale a du connaître de profondes transformations dans un monde qui ne connaît plus de frontières à ses menaces et qui appelle, par extension, une adaptation permanente du cadre d’emploi des forces armées et des forces de sécurité du pays ainsi que nous le verrons dans un prochain article.

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