La guerre psychologique est une composante de la guerre de l’information. Le manuel de droit des conflits armés (TTA 925) de l’armée française définit la guerre psychologique comme étant un ensemble d’ : « (…) d’activités psychologiques planifiées, s’adressant en temps de paix comme en temps de guerre à des publics hostiles, amis ou neutres, et visant à influencer des attitudes et des comportements affectant la réalisation d’objectifs politiques et militaires. Elles englobent des activités psychologiques stratégiques, des activités psychologiques de consolidation et des activités psychologiques du champ de bataille ».
L’impossibilité de définir en quelques lignes les modes et composantes de la guerre psychologique, nous conduira à présenter ces derniers dans le cadre d’une première partie, avant d’en venir à parler de l’emploi de la guerre psychologique au sein des forces armées et de conclure notre présentation par une analyse d’un des modes d’action de la guerre psychologique à savoir : la rumeur qui est, comme nous le verrons, un moyen de communication qui peut être considéré comme étant une arme tactique à proprement parler.

1) Les différentes composantes de la guerre psychologique : propagande, désinformation et mesures actives

Le concept de guerre psychologique vise à renverser les rapports de force à l’avantage de celui qui en use en exerçant une influence sur les esprits. Ce dernier s’utilise en tout temps, c’est-à-dire tant en temps de paix qu’en temps de guerre. En ce sens, l’on peut dire qu’il annihile la distinction traditionnellement établie entre ces deux moments.

La guerre psychologique consiste en l’emploi d’actions psychologiques (appelées Psychological operations ou PSYOPS) qu’il est possible de classifier sous les trois grandes catégories que sont : la propagande, la désinformation ainsi que les mesures actives.

  • La propagande est une communication qui a pour but de modifier le comportement, l’opinion ou les sentiments d’un groupe ou d’un individu. Selon Mac Laurin1, il existe deux grands types de propagande : la propagande stratégique et la propagande tactique.
    La propagande stratégique vise à influencer l’opinion publique par des stratégies de communication ayant pour finalité de convaincre une population cible que le gouvernement encensé sert au mieux les intérêts de cette dernière. C’est donc un instrument d’ordre politique qui vise à manipuler les individus les plus influençables au sein d’un groupe ou d’une population, autrement dit ; ceux dont la conscience critique est la moins élaborée, dont l’opinion est façonnable.
    Le concept de propagande tactique regroupe sous son nom toutes les formes de communication utilisées lors d’un conflit afin de favoriser la victoire de celui qui en use. Ce type de propagande s’adresse à un auditoire déclaré hostile et doit être accompagné de l’usage de la force afin d’accentuer ses effets. Cette dernière est appelée tactique car à la différence de la propagande stratégique, elle s’exerce sur le court terme, sur des objectifs ciblés à l’extrême. Les moyens de la propagande tactique sont nombreux mais visent tous à abaisser le moral de l’adversaire par distributions de tracts visant à informer les militaires adverses de l’inutilité des combats, la défaite inévitable de leur camp, les avantages pour eux de se constituer prisonniers…
    L’auteur ayant analysé le plus en profondeur les phénomènes propagandistes est Serge Tchakhotine en son ouvrage intitulé Le Viol des foules par la propagande politique. Selon la théorie de ce dernier, une propagande est efficace si elle est associée à l’une des quatre pulsions majeures de l’être humain à savoir : l’agressivité, la satisfaction matérielle, le désir sexuel et l’amour parental. Les symboles (hymnes, logo, drapeaux, …) sont pour Tchakhotine la clef de voûte de la propagande. Le symbole agit non seulement comme signe de reconnaissance et d’identification pour une communauté d’hommes se réclamant de mêmes racines ou valeurs mais de plus, il conditionne affectivement celui qui croit en lui. Le symbole, lorsque l’information qu’il véhicule est opérante pour un sujet qui la réceptionne est, en effet, avant tout une communication d’ordre affective pour ce dernier. Un symbole peut-être source d’émotions violentes pour un individu car le fait que celui-ci suggère plus qu’il n’impose laisse la possibilité d’interprétations plurielles quant au sens qu’il véhicule. C’est évidemment de manipulation latente ou active dont parle ici Tchakhotine. Selon ce dernier, seuls 10% d’une population donnée possèdent des repères culturels et une conscience critique suffisamment développée pour ne pas être manipulés par la propagande. Ces 10% étant appelés par l’auteur les « actifs », les autres 90% étant les passifs.
    Notons ici que Tchakhotine ne développe pas une conception négative de la propagande. En effet, ce dernier distingue bien en son ouvrage Le Viol des foules par la propagande politique la propagande au service d’une idéologie telle le nazisme, de celle au service de causes justes. Ce dernier ira même jusqu’à écrire que : « L’on peut faire de la propagande dynamique, même violente, sans violer les principes moraux, base de la collectivité humaine ».
  • A la différence de la propagande, la désinformation est, quant à elle, toujours mensongère. La désinformation vise en effet à leurrer celui qui en est le récepteur sur la véracité des informations qu’il reçoit dans le but avoué de le tromper. Rendre crédible le mensonge, là réside tout l’art de la désinformation comme l’écrit Philippe Breton : « Toute l’habilité technique de la désinformation tient justement dans le mécanisme qui permet de travestir une information fausse en une information « vraie » qui soit parfaitement crédible et qui oriente l’action de celui qui la reçoit dans un sens qui lui est défavorable. Il s’agit donc d’un jeu sur les apparences, qui nécessite une sûre compréhension de ce qu’est une information vraie, au moins aux yeux de l’auditoire ».
    En fait, la désinformation doit avoir toute l’apparence d’une information vraie afin de pouvoir tromper au maximum celui qui en sera le destinataire. Il s’agit donc de faire bien plus que de transformer une information ; il faut en inventer une erronée tant dans son contenu que dans sa source. On aura compris que la désinformation vise l’opinion publique donc, il s’agit bien d’une arme de manipulation des masses, véritable « arme de guerre».
    Fausser la perception de la réalité pour la cible afin de la convaincre du bien-fondé d’une action menée contre elle, telle est donc la finalité de la désinformation.
  • La troisième forme d’action psychologique est celle qui regroupe l’ensemble de ce que l’on nomme les mesures actives. Ces dernières sont au nombre de trois : l’assassinat, l’intoxication et la subversion.
    L’assassinat est une action extrême visant à choquer l’opinion publique autant que les dirigeants par l’élimination de personnages généralement emblématiques d’un état, d’une société, d’un groupe d’idées, d’un idéal de vie… Il est la forme favorite d’expression des terroristes qui voit en lui un moyen de faire parler de leur « cause » en frappant des lieux, des hommes, des œuvres ayant généralement une haute portée symbolique en soi. A ce titre, les attentats du 11 septembre 2001 perpétués contre les « Tours jumelles » du World Trade Centre de New York « illustrent » parfaitement notre propos.
    L’intoxication consiste à paralyser l’adversaire en multipliant les actions de désinformation. Le but est de réussir à créer une réalité parallèle qui finisse par totalement leurrer le récepteur. Si l’intoxication fonctionne, la cible finit par créer elle-même les moyens de sa destruction car n’étant plus capable de produire une décision adaptée au réel (ses informations étant toutes erronées). Technique de manipulation éminemment destructrice, l’intoxication peut conduire à l’effondrement du moral de tout un peuple.
    La subversion enfin, est une action qui vise à discréditer la cible afin de s’emparer du pouvoir. Cette dernière tend à favoriser au maximum la chute des autorités en place. Usant d’actions spectaculaires pour sa propre publicité, la subversion tend à brouiller le jugement de ceux qui la subisse afin de favoriser l’identification de ces derniers à d’autres opinions, à d’autres leaders charismatiques… La subversion est donc un moyen pour un groupe d’inverser les rapports de force existants entre les entités politiques d’un pays en transformant au sein de l’opinion publique dudit pays la perception des autorités. On comprendra alors aisément pourquoi cette forme d’action est employée en guérilla. La subversion est donc le moyen par lequel un groupe entend faire basculer l’opinion publique de son côté afin de favoriser sa prise du pouvoir. Cette dernière est un procédé communicatif qui use à l’encontre du pouvoir en place de procédés tels que la caricature permanente ainsi que la dénonciation systématique des propos et des actes de ceux qui gouvernent. La subversion est une arme politique redoutable qui peut conduire à des renversements de régime ainsi qu’à l’implantation de dictatures.

1 Ron Mac LAURIN, Military propaganda: Psychological warfare and operation, New York , Praeger Publishers, 1982, 379 p.

 

Illustration © Une aventure d’Astérix le Gaulois : La zizanie (Uderzo)