Par Daphné Desrosiers –  Le récit d’Eric Stevenson, passager du vol US Airways 1549 

Le 15 janvier 2009, l’Airbus A320 de la compagnie US Airways décolle de l’aéroport de La Guardia-New-York City vers Charlotte, en Caroline du Nord. Lors de sa montée initiale, l’avion percute des oiseaux, entraînant l’extinction simultanée des deux réacteurs. Le commandant de bord, Chesley.B.Sullenberger et son copilote amerrissent sur l’Hudson River sauvant ainsi les cinq membres d’équipages et leurs cent cinquante passagers. Afin de célébrer l’anniversaire du Miracle de l’Hudson, l’équipe d’Aéro-Simulation a invité Eric Stevenson, passager du vol, à revivre l’amerrissage, mais cette fois aux commandes de leur simulateur A320. Une expérience pour le moins singulière qu’Eric a accepté de nous relater en exclusivité.

C’est ce récit que nous vous proposons de découvrir au travers de cet article que nous publions en deux parties.

Lorsqu’Eric Stevenson arrive à la station du Tramway « Porte de l’Essonne » il ne sait pas qu’une surprise l’attend. En effet, depuis plus d’une semaine, les instructeurs Pierre et Noé se sont entraînés à bord de leur simulateur afin d’accueillir leur passager d’exception. Néanmoins, ils tremblent un peu avant d’annoncer à Eric le programme de la matinée. En effet, l’idée paraît attrayante, mais nul ne sait quelle sera sa réaction à revivre un accident aérien, qui, même s’il s’est bien terminé n’en est pas moins traumatisant. D’autant plus qu’Eric avait déjà vécu un drame similaire une vingtaine d’années auparavant.

Double panne moteur en Boeing 767 au dessus du Pacifique

« C’était le 30 juin 1987. Je partais de Los Angeles pour me rendre à Cincinnati à bord d’un Boeing 767 de la compagnie Delta Airlines. Peu après le décollage, pendant que l’avion montait au dessus du pacifique, les deux moteurs se sont brutalement arrêtés. En l’espace de quelques secondes, le Boeing s’est mis à tomber et j’ai cru que nous allions nous écraser. A bord, c’était le chaos. Les passagers criaient en gonflant leur gilet de sauvetage et une des hôtesses, paniquée, a hurlé : préparez-vous pour un crash. J’ai aussitôt pensé à ma famille et leur ai rapidement écrit sur une de mes cartes de visite « je vous aime » pour qu’elles connaissent mes dernières pensées si l’on venait à retrouver mon cadavre. L’avion planait très bas au-dessus de l’eau, quand, soudain j’ai senti les moteurs repartir. La poussée regagnée nous a permis de reprendre de l’altitude et reprendre notre trajectoire ascensionnelle. Je ne sais comment décrire le soulagement alors ressenti mais j’étais vivant ! L’aventure n’était pour autant pas terminée. Le commandant de bord – après avoir annoncé au « public adress »  que c’etait de sa faute – était bel et bien reparti vers notre destination : Cincinnati. L’ambiance à bord était surréaliste : les hôtesses étaient pétrifiées et certains passagers ont même assuré le service. J’ai appris par la suite que le constructeur avait dû réaliser certaines modifications sur l’ensemble de la flotte des Boeing 767. J’avais 23 ans et je venais de connaître la pire expérience de ma vie. Or j’allais expérimenter une nouvelle fois une double panne moteur au-dessus de l’Hudson à bord du vol 1549 en janvier 2009. »

L’équipe d’Aéro-Simulation, à l’évocation du vol de US Airways, en profite pour inviter Eric Stevenson à entrer dans le simulateur de l’Airbus A320 où il sera cette fois le commandant de bord du vol Cactus 1549. A peine installé dans le siège de gauche, il reconnaît immédiatement l’aéroport de New-York La Guardia. En effet, le duo d’Aéro-Simulation a reproduit l’ensemble des conditions du jour de l’accident, conformément au rapport établi par le National Transport Safety Board (NTSB) : point de stationnement, pression atmosphérique, température, vent, piste en service …rien n’a été laissé au hasard. Eric est aux anges et nous parle avec enthousiasme de la cérémonie d’anniversaire organisée le 15 janvier 2019 à Charlotte : « Souvent, les passagers du vol et l’équipage se retrouvent pour une fête commémorative au Musée de Charlotte, dans lequel se trouve l’épave de l’Airbus N106US. En 2019, soit dix ans plus tard, nous nous étions organisés pour refaire le même vol. Tout le monde ne pouvait pas venir, mais environ vingt passagers étaient prêts à embarquer dans un vol American Airlines à l’aéroport de La Guardia. La destination, la même que nous n’avions malheureusement pas atteinte en 2009, demeurait Charlotte. Une fois l’avion établi en croisière, à 15h30.43.7 UTC exactement, nous avons trinqué à l’amerrissage que nous avions vécu. L’avion fût accueilli comme une star par un « water salute » saluant ce vol historique. C’était un moment extraordinaire de savoir que nous étions tous vivants, grâce au Commandant Chesley B. Sullenberger, qui nous attendait à l’aéroport pour notre arrivée »… (A suivre)

 

Photos © Eric Stevenson