Par Laure Singla, Commandant de réserve -3e division scorpion* – La médiation dans les différends de l’armée française en 2021
Inspirés de la Grèce Antique pour l’Europe et des pratiques autochtones à travers les cinq continents, l’Homme au cours des siècles a toujours tenté de résoudre ses désaccords. De façon amiable ou procédurale, ce qu’on nomme depuis le XXème siècle “Modes Alternatifs de Résolution des Différends (MARD) Conflits (MARC) ou Litiges (MARL)” reste en somme l’héritage de plus de vingt siècles de pratiques.
L’Armée n’est en cela pas à part. Pour la France, promouvoir l’outil de la médiation dans les questions relatives à la situation personnelle et professionnelle des militaires d’active reste au XXIème un changement systémique y compris pour la “Grande Muette”. Pour autant, si le dispositif existe depuis six ans, il a paru utile de revenir sur son cadre et sa portée actuelle.
I. Réflexions autour de l’état de l’art du processus de médiation dans l’armée en 2021
A. Précisions liminaires sur la terminologie existante
A titre liminaire, il convient au préalable de préciser si l’on retient le terme de « différend”, “litige” ou “conflits”.
S’agissant du différend, il faut rappeler qu’il s’agit d’un désaccord résultant d’une opposition d’opinions ou d’intérêts. Qui reste rattaché à une nature conventionnelle et dont sa résolution se retrouve sous l’acronyme de M.A.R.D. Ainsi en matière administrative les M.A.R.D rassemblent l’ensemble des désaccords opposant tout administré, fonctionnaire, personne morale ou physique avec l’administration.
S’agissant du litige ou du conflit, on les rattache d’avantage à une nature contentieuse, juridictionnelle. Chaque juridiction retiendra culturellement soit la notion de “litiges“, définis comme une contestation donnant lieu à procés [1]. Soit celle de “conflit“, terme tribal issu du bas latin conflictus, et du latin classique confligere, qui signifie lutter [2]. Et on retrouve les acronymes M.A.R.L et M.A.R.C pour désigner des Modes Alternatifs de Résolutions des Litiges ou Conflits.
Pour la France, le Conseil d’Etat retient la notion de litige [3], Alors que sur le plan judiciaire, la Cour de cassation retient d’avantage la notion de conflit [4]. Aux Etats-unies, si on a retenu longtemps la notion de conflits, sous l’acronyme A.D.R [5], on observe néammoins une évolution tendant vers la notion de différend sous l’acronyme R.A.D [6].
B. Mise en lumière de l’intérêt porté au déploiement de la médiation au sein de l’Armée française depuis 2013
La spécificité de l’outil de la médiation a interressé l’Armée française dés 2013 pour réguler les questions relative à la situation des militaires, personnelle comme professionnelle. D’une part parce que c’est un outil faiseur de paix car accessible, rapide, perein. D’autre part parce que c’est un outil reposant sur un processus confidentiel.
Ainsi le Décret n° 2015-368 du 30 mars 2015 portant création de la fonction de médiateur militaire a permis d’instaurer depuis six ans le processus de médiation au sein du ministère de la défense et de la gendarmerie nationale. En confiant la fonction de médiateur à des inspecteurs généraux des armées et à l’inspecteur général du service de santé des armées.
Depuis 2015, l’article D. 3124-12. crée, du code de défense stipule que « Les inspecteurs généraux mentionnés aux articles D. 3124-1 et D. 3124-7 exercent, outre les attributions prévues au présent chapitre, la fonction de médiateur militaire. ».
Et l’article D.4121-2 code de la défense précise que : « Tout militaire peut saisir les officiers généraux inspecteurs d’une question relative à sa situation personnelle, aux conditions d’exécution du service ou à la vie de la communauté. Les motifs de la demande n’ont pas à être fournis d’avance ».
Le premier rapport du médiateur des armées [7] présenté le 12 mai 2016 à Paris par le général d’armée Jean-Régis Véchambre et le médecin général des armées Ronan Tymen dressait alors le portrait type des médiateurs des armées : hors hiérarchie et avec le grade militaire le plus élevé, les six inspecteurs généraux nommés (armée de Terre, Armement, Marine nationale, armée de l’Air, Gendarmerie, service de santé des Armées) pouvaient effectuer des enquêtes de commandement pour identifier un éventuel dysfonctionnement ou des risques au sein d’organismes ou de forces relevant du chef d’État-major des armées.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a répondu ainsi au besoin organique et matériel des juridictions administratives et à la démarche cohérente et itérative d’harmonisation des procédures et moyens des juridictions. D’où la modification progressive du Code de justice administrative français par voie réglementaire puis législative [8].
Pour autant, les rapports annuels des médiateurs militaires entre 2016 et 2020 n’ont pas été mis en ligne. Le toilettage du renforcement de la médiation au sein du ministère de la défense et de la gendarmerie nationale a donc amené la modification du code de la défense par les Décrets n°2017-566 du 18 avril 2017 et n°2018-135 du 27 février 2018 ainsi que par l’Arrêté du 6 septembre 2018.
A la différence de 2015, les questions relatives à la situation personnelle comme professionnelle d’un militaire peuvent faire désormais l’objet de médiation, soit par un médiateur civil, soit par un médiateur militaire.
En 2019, la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a renforcé l’ensemble du disposition et l’Ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 modifiant l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif a permis la mise à jour des dispositions mis en place dés 2016.
Notes de bas de page
[1] Définition Larousse 2021
[2] Définition Larousse 2021
[3] https://www.conseil-etat.fr/actualites/actualites/premieres-assises-nationales-de-la-mediation-administrative
[4] https://www.courdecassation.fr/publications_26/bulletin_information_cour_cassation_27/hors_serie_2074/mediation_8925.html
[5] Alternative Dispute Resolution
[6] Resolution Alternative Differend
[7] https://www.defense.gouv.fr/portail/mediatheque/publications/rapport-annuel-des-mediateurs-militaires-2015
[8] Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative dit « JADE » ; Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, publiée au Journal officiel du 19 novembre 2016 renforce la démocratie participative en permettant un rapprochement entre la justice et le citoyen et en privilégiant les modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) ou différends (MARD) ; Décret n° 2017‐566 du 18 avril 2017 codifié aux articles R. 213‐1 et suivants du CJA / Décret n°2018-101 du 16 février 2018 portant expérimentation d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges de la fonction publique et de litiges sociaux
Illustration © couverture du rapport suivant >>> Rapport_des_médiateurs_militaires_année_2015
*Laure Singla est docteur en droit et la fondatrice du Cabinet Juris Eco Conseil. Elle est aussi Observateur CIDCE prés du PNUE-GME, Spécialiste des questions bio-sécuritaire, Expert Prés la Cour d’Appel de Montpellier membre CNEJE (D-04.05 / D-05/ E-03.01 / E-08 ), Médiateur Près les juridictions référencé secteur aéronautique AVSA-SNPNC-SPL, ainsi que FormateurANM et chargée d’enseignements universitaires.