Par Linda Verhaeghe – Le premier grand événement de l’année organisé par le Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA) a réuni diverses personnalités civiles et militaires, à l’Ecole militaire (à Paris), lundi 9 janvier 2023, autour des nouveaux enjeux opérationnels à très haute altitude (ou HAO).

Baptisé « Du ciel à l’espace », ce colloque a ouvert les débats entre représentants de l’armée de l’Air et de l’Espace, des industries aéronautiques et spatiales (Airbus Defense and Space, Thales Alenia Space, Dassault Aviation et la Stratolia), d’institutions nationales et internationales (telles que la Direction générale de l’aviation civile, la Direction générale de l’armement, l’Agence spatiale européenne, Eurocontrol ou encore l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne), ainsi que du monde de la recherche (notamment du Centre national d’études spatiale et de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales…).

Trois grands thèmes ont été abordés sous forme de tables rondes, intitulées de la manière suivante :

  • Quelles activités et organisations émergent entre l’espace aérien « traditionnel » et l’Espace ?
  • Quelle volonté française de réguler l’espace aérien supérieur ?
  • Quelle stratégie de défense dans cette tranche d’altitude ?

L’espace aérien dit « supérieur », c’est-à-dire situé à une distance allant de 20 à 100 km d’altitude – soit « à la jonction entre l’Air et l’Espace », a précisé Xavier Pasco, directeur de la Fondation pour le recherche stratégique (FRS) -, s’est en effet révélé source d’enjeux majeurs, en particulier pour la Défense. Cela, bien entendu en premier lieu pour l’armée de l’Air, devenue armée de l’Air et de l’Espace en 2020 : changement qui a entériné l’importance de ce milieu, alors que celui-ci tend à s’imposer comme un nouveau champ de bataille à part entière.

Que ce soit en matière politique, militaire ou en termes d’innovations, les défis sous-jacents aux évolutions relatifs à l’espace aérien supérieur se révèlent nombreux. Ces dernières années ont par exemple vu une explosion du nombre de satellites et donc une augmentation du trafic vers l’espace. D’une manière plus générale, au regard à l’ensemble de ces évolutions, en découlent des « conséquences dans la façon dont les armées mènent leurs opérations, sous la forme de la protection du territoire nationale et de la population », a souligné le général de corps aérien Frédéric Parisot, major général de l’armée de l’Air et de l’Espace (MGAAE). Car « ce qui créé des opportunités, crée aussi des menaces potentielles ! », a-t-il rappelé. Pour ce dernier, « dans ce milieu également marqué par l’absence de frontières physiques, par sa translucidité et par un accès qui peut être ouvert pour qui a les moyens d’y accéder, les évolutions sont susceptibles d’avoir des répercussions sur les opérations mêmes de l’Armée de l’Air et de l’Espace ».

De plus, les règles qui régissent ce milieu demeurent encore à définir, notamment en matière de gestion du trafic spatial en perspective. A ce jour, la législation prévoit une souveraineté au niveau de l’espace aérien
jusqu’à une altitude de 66 000 pieds, d’où la nécessité d’élaborer une réglementation commune. Aussi, de concevoir une stratégie dédiée, à l’image de la stratégie relative aux fonds marins, pour reprendre la
comparaison formulée par Bertrand Le Meur, directeur stratégie de défense, de la prospective et de la contre-prolifération à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).

Sans omettre le développement de technologies adaptées aux types de menaces qui émergent au-dessus de nos têtes : qu’il s’agisse de vecteurs, tels des vecteurs balistiques, ou encore des aéronefs stratosphériques, des moyens de communication spécifiques, des satellites éphémères, des objets supersoniques, ou bien dédiés à la surveillance large pour la défense anti-missile, vers le sol et vers l’espace, ou dans le cadre de la défense aérienne. A cela s’ajoutent d’autres enjeux en termes d’interdépendance avec le numérique, mais également de besoins parallèles en termes de compétences.

Parmi les projets présentés, Hervé Derray, président-directeur-général de Thales Alenia Space a donné en exemple « Stratobus », son concept de plateforme stratosphérique autonome se situant entre le satellite, le dirigeable et le drone, initié en 2016. A ses côtés Marc Valès, directeur des activité spatiales de Dassault Aviation a évoqué des projets d’aviation spatiaux.

Au regard de cette « extension des domaines de conflictualité, la guerre est un caméléon ! », a constaté Thomas Gassiloud, député membre de la défense nationale et des forces armées, en clôture de l’événement. Conclu par le Général d’armée aérienne Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, ce colloque aura enfin permis de mettre en avant et de saluer, selon les termes de ce dernier, le « plein investissement de l’armée de l’Air et de l’Espace pour prendre en compte cette tranche d’altitude ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Photos © Linda Verhaeghe

PHOTO 1 : « Du ciel à l’espace, nouveaux enjeux opérationnels à très haute altitude », thème du colloque du CESA.

PHOTO 2 : De gauche à droite, le général de corps aérien Philippe Morales, Commandant la défense aérienne et les opérations aériennes (CDAOA), le général de division aérienne Philippe Adam, Commandant de l’espace (CDE), Franck Lefèvre, directeur des programmes de défense de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), Bertrand Le Meur, directeur stratégie de défense, de la prospective et de la contre-prolifération à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), et Nicolas Rossignol, journaliste en charge de l’animation.

PHOTO 3 : Le colonel Olivier Fleury, commandant la base aérienne 367 de Guyane, où est localisé le Centre spatial guyanais constituant Base de lancement et le point d’accès unique à l’espace pour l’Europe, a apporté son témoignage en direct.

PHOTO 4 : A l’issue de l’événement, le Général d’armée aérienne Stéphane Mille,chef d’état-major de l’armée de l’Air et de l’Espace, a évoqué l’exploitation à venir et à prendre en compte de cette tranche d’altitude, ainsi que les réflexions autour de ces évolutions qui s’accélèrent.