Ardemment souhaitée par Lénine et les Bolchéviques de longue date, la fin de la guerre pour la Russie sera effective le 3 mars 1918 avec la signature du Traité de Brest-Litovsk. Ce traité sera en fait une double catastrophe pour le marxisme bolchevique tant sur le plan intérieur qu’international. De plus, la signature de ce dernier aurait pu entraîner une percée décisive des forces de la Triple-Alliance ce qui faillit se produire avec l’offensive allemande déclenchée le 21 mars 1918.

Une paix en trompe l’œil

En fait, la paix voulue par les Bolchéviques russes avec la Triple-Alliance se fera au prix du déshonneur, de la spoliation et du sang.

Du déshonneur car la paix de Brest-Litovsk sera vécue par les alliés de la Triple-Entente comme une trahison ce qui amènera la France et la Grande-Bretagne à soutenir les ennemis intérieurs (les « blancs ») du nouveau régime russe alors qu’ils en ignorent toute la portée idéologique.

De la spoliation, car les Allemands obtiendront tout ce qu’ils voudront avec ce traité. Trotski, alors commissaire du peuple aux Affaires étrangères, était convaincu que la révolution prolétarienne finirait par gagner rapidement toute l’Europe et balaierait dans son sillage l’ensemble des Empires en présence ce qui lui fera accepter l’inacceptable soit le fait de renvoyer la Russie à ses frontières d’avant l’avènement d’Ivan le Terrible, ce qui est en soi un comble lorsque l’on sait avec quelle ferveur la propagande stalinienne encensera la figure de ce Tsar notamment lors du tournage du film éponyme d’Eisenstein.

Traité du sang enfin lorsque l’on sait la guerre civile qu’engendrera la ratification de ce traité infamant. En effet, la signature de ce traité n’ayant pas fait consensus au sein du nouveau gouvernement russe, les partisans du régime tsariste et de la république démocratique issue de la révolution de février 1917, auxquels s’opposèrent les bolchéviques, en profitèrent pour lancer une grande insurrection qui mutera, mutatis mutandis, en véritable guerre civile des gouvernements rebelles apparaissant de manière spontanée en Géorgie, en Arménie, en Azerbaïdjan, en Sibérie, dans l’Oural… Rouges et Blancs se livreront ainsi une guerre dont le peuple, les paysans et les ouvriers seront les premières victimes chaque belligérant ne reculant devant aucune sauvagerie pour parvenir à ses fins. Au résultat, la guerre civile fera en l’espace de deux années 5 millions de victimes sans compter ceux qui mourront de privations et d’exécutions sommaires soit bien plus de morts que la Grande Guerre n’en fit côté Russes.

Une trahison qui aurait pu changer le cours de la Grande Guerre

L’autre conséquence majeure induite par le Traité de Brest-Litovsk et qu’il a permis aux forces de la Triple-Alliance de redéployer 40 divisions vers le front de l’Ouest et de tenter une ultime percée qui échouera de peu. Ce dernier pari allemand prendra corps moins de 3 semaines après la signature du Traité avec l’offensive lancée le 21 mars 1918 et qui se soldera par un déplacement de 65 kilomètres de la ligne de front, poussée que personne n’avait vu depuis 1914. Cette poussée permettra notamment aux Allemands de gagner du terrain en Champagne, au sud d’Ypres et jusqu’à la Marne à seulement 60 kilomètres de Paris à la fin mai 1918.

Bienheureusement pour les forces de la Triple-Entente, l’Allemagne n’aura pas les moyens d’exploiter ses succès car elle n’aura plus passé avril 1918 la logistique, le moral et les ressources alimentaires nécessaires pour aller plus avant. A partir de ce stade, les Alliés, récemment renforcés par l’arrivée massive de contingents américains constitués de troupes non usées par 4 années de guerre, feront la différence avec le point d’orgue que constituera les contre-attaques qui débuteront en août et se solderont par l’armistice de novembre.

Véritable victoire à la Pyrrhus, la « paix » de Brest-Litovsk n’engendra qu’un surplus de guerre qui n’épargna personne. Ses véritables effets furent en fait de prolonger la Grande Guerre de plusieurs semaines, de plonger la Russie dans la guerre civile et de créer une crispation entre l’Europe occidentale et la Russie qui trouve encore écho au niveau des relations internationales d’aujourd’hui…

Illustration telle que reproduite sur le site: http://www.lemonde.fr/centenaire-14-18-decryptages/article/2014/06/11/le-bolchevisme-a-l-epreuve-de-brest-litovsk_4434636_4366930.html