Cet article est le second d’une série de quatre analyses rédigées par le Général Jean-Patrick Gaviard sur la question de la gestion des conflits. Le Général Gaviard fut Commandant de la Défense aérienne et des Opérations aériennes (CDAOA) à Taverny entre 2003 et 2005 et conseiller auprès du ministre de la défense en 2005 et 2006: il travaille régulièrement pour le CESA (Centre d’études stratégiques aérospatiales) de l’armée de l’air et le CID (Collège interarmées de défense), tous deux basés à l’Ecole Militaire à Paris; il est également conseiller auprès du Commandement SACT (Supreme Allied Command Transformation) de l’OTAN basé à Norfolk aux Etats-Unis.

General Moseley et General Gaviard

Le Général Gaviard avec le Général américain Michael Moseley, alors Vice Chief of Staff de l'USAF, en visite au Centre de Contrôle des Opérations Aériennes ("CCOA") en 2004

A l’heure où les opérations militaires en théâtre extérieur se réalisent de façon croissante dans un cadre multinational et où elles s’accompagnent et s’achèvent le plus souvent par des missions de stabilisation, la question posée par le Général Gaviard est de savoir s’il convient, dès l’émergence d’une crise, d’anticiper la sortie de cette dernière. L’avantage d’une telle planification est la recherche d’une solution potentielle à un conflit susceptible en particulier de prévenir un enlisement dans des missions pérennes. A l’appui de différents types de conflits (missions de stabilisation ; guerillas urbaines ; etc) et de situation de crise (Afghanistan ; Conflit entre Israël et le Hezbollah ; Kosovo ; etc), le Général Gaviard s’efforce ainsi de voir dans quelle mesure une telle anticipation est concrètement possible et propose différents outils pour y parvenir.

Ce second article, paru voici quelques mois dans la revue DSI et dont une version est reproduite ci-dessous avec l’autorisation du Général Gaviard, porte sur l’importance d’une planification interalliée en début d’intervention multilatérale et sur la nécessité de définir une vision de long-terme commune quant au devenir du pays ou de la région du conflit : faute de quoi, explique le Général Gaviard, le risque est grand de se retrouver dans une situation similaire à celle ayant prévalu à certains moments pendant la guerre du Kosovo, à savoir une mésentente entre alliés quant à la meilleure stratégie de ciblage à mettre en œuvre ne pouvant que servir aux desseins de découplage de l’ennemi (en l’occurrence, dans ce cas précis, Slobodan Milosevic). Une telle anticipation doit se traduire également au niveau de la définition des moyens à mettre en place et des qualifications à développer au niveau des forces : l’ancien responsable des opérations aériennes met ainsi l’accent sur la nécessité de maintenir les capacités françaises en C2 (commandement et conduite) à un bon niveau pour préserver l’influence de la France dans le processus de décision au niveau opérationnel.

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Retour d’expérience du Kosovo: de la nécessité d’une vision globale de long-terme et coordonnée au sein des alliés

Q: Général Gaviard, vous avez été le commandant des forces aériennes françaises engagées dans le cadre de l’opération aérienne « Allied Force», qui s’est déroulée au Kosovo au premier semestre 1999. Vous étiez aussi responsable du contrôle national de ces forces auprès du commandement allié. Vous avez certainement, à ce double titre, quelques expériences intéressantes à partager avec nos lecteurs.

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"D’un point de vue opérationnel, le Mirage 2000D a déjà fait l’objet d’une utilisation intensive en ex-Yougoslavie au côté des autres appareils de l’OTAN où il a participé aux frappes dès les premières nuits. (...) Avant son remplacement définitif vers 2020 par le Rafale, le Mirage 2000D évoluera encore afin de pouvoir mettre en oeuvre le missile Scalp-EG, puis l’armement air-sol modulaire." (Crédit: www.ixarm.com)

Général Gaviard: Je souhaiterais, tout d’abord, vous parler des problèmes très sensibles inhérents à la désignation des cibles, tels que nous les avons vécus concrètement in situ.

Les opérations aériennes ont toujours fait l’objet d’un suivi politique serré. Le choix des cibles ou ciblage des objectifs a été, depuis la guerre du Vietnam, le moyen privilégié des responsables politiques pour exercer ce contrôle. Au Kosovo, pendant l’opération « Allied Force », nous avons connu de nombreuses contraintes politiques s’agissant du ciblage planifié. Sur ce chapitre, j’ai deux exemples concrets à évoquer : le premier concerne les attaques des ponts sur le Danube dans le centre de Belgrade; le second les objectifs situés sur le terrain de Podgorica au Monténégro, lesquels furent attribués par les planificateurs du Centre d’opérations aux Mirages 2000D lors de la première mission du 24 mars 1999.Ces deux exemples me permettront d’illustrer concrètement le fonctionnement de la chaîne de contrôle nationale, depuis le niveau opératif situé sur le théâtre d’opérations, en l’occurrence à Vicenza en Italie, où je me trouvais au sein du centre de commandement et de conduite, jusqu’au niveau stratégique représenté par le Chef d’état major des armées et bien sûr le Président de la République à Paris.

  • S’agissant des ponts du Danube dans Belgrade, la séquence se situe à la fin de la campagne ou presque, c’est-à-dire au mois de mai 1999 (la campagne aérienne se terminera le 11 juin). Le général Mike Short, commandant de l’opération, avait proposé d’attaquer les ponts sur le Danube dans le centre ville, c’est-à-dire dans Belgrade même, pour comme il le disait alors « couper la tête du serpent ». Cette proposition fut très mal accueillie, en particulier, par le Président J. Chirac, qui savait qu’après la crise et le départ de Milosevic, il faudrait renouer le dialogue avec les Serbes. Car détruire les ponts sur le Danube dans Belgrade, c’était anéantir un symbole politique, culturel et économique. Le Danube est, en effet, comme chacun le sait ici un véritable cordon ombilical reliant de nombreux pays d’Europe centrale. L’unanimité étant de règle au sein de l’Alliance et le Président français ayant mis son veto, les ponts dans Belgrade furent épargnés. Il fallut bien sûr que le Président Chirac explique cette décision au Président Clinton, le Général Kelche au Général W. Clark alors Saceur, et moi-même au Général M. Short. Ce qui ne fut pas facile comme on peut l’imaginer aisément. Illustration concrète qu’au sein d’une coalition, il existe généralement des visions stratégiques différentes et qu’il convient donc de traiter ce problème en amont au risque de faire exploser ladite coalition. J’y reviendrai dans quelques instants.
  • L’autre exemple, moins connu, est celui de l’attaque du terrain de Podgorica au Monténégro. Nous sommes au début de la campagne fin mars, les discussions diplomatiques de Rambouillet n’ont pas abouti. Milosevic refuse, en effet, de retirer ses forces du Kosovo malgré l’ultimatum des Occidentaux. L’attaque se prépare. Le Lieutenant-colonel Girier, commandant le dispositif des Mirages 2000D, finalise l’attaque du terrain de Podgorica, cible donnée par les planificateurs du Centre d’opération de Vicenza. Dès que cet objectif est connu par Paris, nous recevons un feu rouge de l’Élysée. L’explication est simple : le président Djukanovic alors Président du Monténégro s’était clairement dissocié des positions « va-t-en guerre » de Slobodan Milosevic, Président de la Serbie. Le président Djukanovic représentait donc pour les Occidentaux, dont la France, un point d’appui dans la région qu’il fallait épargner à tout prix. Une attaque du terrain de Podgorica, capitale du Monténégro représentait donc, au plan politique, une erreur stratégique. De fait, le Président J. Chirac refuse que cet objectif soit attaqué par les Mirages 2000D. Mon rôle étant de contrôler l’utilisation des moyens français conformément aux décisions nationales, je me précipite alors dans le bureau du Général Short pour expliquer que « mon pays » souhaitait changer d’objectifs. Il me répondit tout de go : « Il n’en est pas question, on attaquera cet objectif avec vous ou sans vous, pour une simple et bonne raison : si tous les représentants des nations souhaitent à chaque moment un changement d’objectif, cette campagne deviendra une vraie foire d’empoigne ». Deuxième élément important au plan militaire, le terrain de Podgorica n’est qu’à quelques minutes de vol du terrain d’Almendola, en Italie de l’autre côté de l’Adriatique et représentait donc une menace très forte pesant sur les plateformes et les avions de combat de l’Alliance stationnés en Italie. Comme chacun le sait une campagne aérienne débute toujours par l’acquisition de la supériorité aérienne et en particulier par la destruction des avions adverses et la neutralisation des plates-formes. Afin de convaincre Paris de la justesse de cette vision au plan militaire, je dus passer un certain nombre de coups de téléphone vers la capitale. Pendant ce temps là, le Lieutenant-colonel Girier continuait à préparer sa mission sur Podgorica. Nos arguments ont finalement convaincu le Général Kelche, qui lui-même réussit à convaincre le Président de la République qu’il fallait attaquer le Monténégro et le terrain de Podgorica, parce que la neutralisation de cet objectif était opérationnellement indispensable pour la sécurité de nos propres forces et la suite de l’opération.

Le 24 mars, dans la nuit, les Mirages 2000D accomplirent leur mission avec succès, mais pendant toute la campagne chaque attaque planifiée sur la Monténégro faisait l’objet d’une attention toute particulière du Cema.

Quels enseignements tirer de ces deux exemples?

  • Tout d’abord, s’agissant d’opérations planifiées, le ciblage restera toujours un souci permanent du pouvoir politique qui a du mal à contrôler le tempo d’une campagne aérienne. En 1965, Lyndon Johnson pointait du doigt toutes les cibles sur le Vietnam, sans grand succès. Il s’agissait de ce que nous appelons aujourd’hui du « micro management », la plupart du temps stérile. Les choses évoluent, mais elles évolueront toujours sous contrainte politique forte, en particulier concernant l’emploi des forces aériennes, et il faudra savoir en tenir compte. Dans ces conditions, la chaîne de commandement nationale doit donc reposer, avant tout, sur une confiance forte entre ses différents responsables.
    Pour les opérations en temps réel, le contrôle de l’emploi des forces aériennes diffère sensiblement. La délégation de responsabilités au niveau le plus apte à prendre les décisions s’impose naturellement. En 2002, pendant l’opération « liberté immuable » le Général Ricour, en tant que représentant national, était présent dans le centre de commandement et de conduite des opérations américain (CAOC) en Arabie saoudite pour assurer le contrôle de nos forces aériennes agissant au-dessus de l’Afghanistan. Le Cema, le Général Kelche, a instantanément accepté de lui déléguer la responsabilité d’autorisation de tir, en temps réel, de nos avions si les pilotes avaient besoin d’un feu vert dépassant leurs règles d’engagement particulières. En effet, situé dans le CAOC, contrairement au Général Kelche à Paris, le Général Ricour bénéficiait d’une appréciation de situation très complète lui permettant d’autoriser un tir si nécessaire en toute connaissance de cause et dans le strict respect des consignes édictées.
  • Le deuxième point important à prendre en compte dans le domaine du ciblage, concerne la nécessité de bénéficier au sein d’une coalition d’une approche «globale», et surtout partagée par tous, en termes de vision finale de la crise. Dans le cas d’Allied Force, le plan d’opérations définissait certes un effet final à très court terme, qui concernait l’évacuation des forces serbes du Kosovo, mais pas d’effet final recherché ou de vision à moyen terme sur l’avenir du Kosovo. C’est cette absence de vision à long terme qui a produit de fortes tensions entre les visions européennes – ou au moins française – et les visions américaines, se concrétisant directement par des malentendus dans le domaine du ciblage. Il est donc primordial de déterminer en amont une approche globale interministérielle commune, pour dégager une vision d’ensemble à long terme et des effets recherchés à moyen terme qui soient cohérents et partagés par tous les membres d’une coalition. Cette approche est certes difficile à obtenir en général, mais est toutefois indispensable. Si ce travail préalable n’est pas effectué, les forces se retrouveront inéluctablement dans la position inconfortable dans laquelle nous nous sommes retrouvés au Kosovo à certains moments, l’exacerbation des incompréhensions pouvant aboutir à l’explosion de l’Alliance. Milosevic avait compris cette faiblesse et avait tout mis en oeuvre alors pour fragiliser et diviser la coalition. C’est un point important qu’il convient de garder en mémoire.

citation General Gaviard

Q: Quels enseignements capacitaires aviez vous faits à l’issue de ce conflit ?

Général Gaviard: En ce qui concerne les enseignements capacitaires dont quelques-uns ont pu être oubliés aujourd’hui, voire occultés par les opérations en cours, nous devons revenir aux deux obstacles majeurs auxquels nous avons dû faire face à cette époque. Le premier concerne la menace agressive et très mobile des missiles sol-air serbes, qui nous a posé d’importants problèmes tout au long de la campagne. Le second, la mauvaise météo.

  • La défense sol-air agressive a contraint le Général Short à imposer à ses planificateurs d’intégrer au sein de chaque raid planifié des appareils dédiés au brouillage offensif (EA6 Prowler), pour neutraliser les sites sol-air serbes et permettre ainsi aux raids de bombardiers de pénétrer en toute sécurité au dessus du Kosovo, et plus tard en Serbie. Deuxième point, les missiles Harm anti-radar n’ont pas été efficaces. Ils étaient tirés préventivement mais sans résultat opérationnel tangible du fait de la mobilité des dispositifs adverses. Cette absence de capacités européennes de neutralisation des défenses adverses sol-air appelée Sead /Dead (Suppression of Enemy Air Defense / Destruction of Enemy Air Defense) avait été toutefois prise en compte à l’issue de ce conflit dans le cadre des travaux européens (Ecap). Depuis, plus rien ! Les Américains, de leur côté ne paraissent pas avoir oublié la prise en compte de cette menace, puisqu’ils ont développé des avions furtifs, comme le F22, le F35, et des drones comme le dernier Predator « C » Avenger doté de capacités furtives, ainsi que de liaisons de données tactiques adaptées. La réponse des Américains face à cette menace est donc clairement : la furtivité. Je pense qu’il y aurait urgence en Europe – d’autant que nous ne disposons pas d’avions de combat « stealth » – à remettre sur le tapis cette problématique centrée sur le Sead/Dead face à des missiles sol-air qui ont énormément progressé dans le même temps. Certains pays ayant d’ailleurs fait le choix délibéré de s’équiper de dispositifs sol-air efficaces plutôt que d’avions de supériorité aérienne plus coûteux. Le S300, par exemple, est une arme redoutable, en termes de défense sol-air, avec une défense de zone dépassant les 100 kilomètres. Si un jour, nos forces devaient être engagées face à ce type d’armes, nous connaîtrions de graves difficultés. Il me semble donc important de nous pencher rapidement sur ce sujet au plan européen par exemple.

Drone CL 289

L’avènement des drones a débuté à cette époque également. Les UAS nous ont permis effectivement
par leur persistance, en particulier, de détecter des objectifs qui échappaient
à la fugacité des avions rapides
” (Général Gaviard)

Récupération d’un drone CL 289 au cours de l’opération «Moisson Essentielle»
au Kosovo et en ERYM (ex-république yougoslave de Macédoine) en 2001
(crédit photo : Thierry Anne, ECPAD, Macédoine-Kosovo, juillet 2001)

Face à la grande mobilité des systèmes sol-air il fut décidé de mettre en place, au sein des centres de conduite, des structures adaptées dénommées au moment du Kosovo « Flexcell ». C’est-à-dire une cellule qui nous permettait de récolter en temps réel des informations en provenance de nombreux capteurs, puis de diriger les chasseurs bombardiers sur ces objectifs nouvellement découverts. L’avènement des drones a débuté à cette époque également. Les UAS nous ont permis effectivement par leur persistance, en particulier, de détecter des objectifs qui échappaient à la fugacité des avions rapides, et je pense que, de ce point de vue, nous avions bien engagé le débat. Faudra-t-il, désormais, bâtir des concepts d’opérations au travers d’un travail collaboratif entre plateformes pilotées et Uas/Ucav au moyen de réseaux d’échanges d’images et de données ? Cet horizon pourrait se concrétiser plus tôt que nous ne le pensons.

  • Deuxième point : la mauvaise météo. Nous avons été pendant tout le mois d’avril particulièrement gênés pour réaliser les missions de bombardement. Le laser est une bonne arme pour désigner les cibles par beau temps, mais lorsque la météo est mauvaise, il faut pouvoir posséder des armements qui, après avoir traversé les couches nuageuses, arrivent avec une hyper-précision sur les cibles préalablement identifiées et localisées suivant des coordonnées correctes. Dans ce cadre-là, je pense que l’AASM présente une solution intéressante d’autant que cet armement pourrait également, si on était capable de l’intégrer au réseau qui reliera les capteurs aux chassseurs/drones via les C2, bénéficier d’un recalage en vol éventuel face à des cibles mobiles. Cette mise en réseau indispensable pour atteindre un site sol-air mobile permettrait de fournir une réponse également intéressante à la problématique du SEAD. En effet, l’AASM possède grâce à son système propulsé une autre capacité indispensable aujourd’hui pour contrer cette menace, à savoir un « stand off » important.

Q: D’un point de vue politico-militaire, quels enseignements aviez-vous pu tirer à cette époque ?

Général Gaviard: Je souhaiterais là encore évoquer deux points majeurs:

  • Le premier concerne la planification exclusivement aérienne de cette campagne. La stratégie développée alors et annoncée « urbi et orbi » était trop prédictive et fit durer ce conflit pendant plus de deux mois et demi. Il est clair, aujourd’hui, que si nous avions agi en complémentarité avec des forces spéciales engagées au sol ou avec les forces de l’UCK (ce que nous avons d’ailleurs fait à la fin de l’opération, tout du moins en partie) pour faciliter la désignation des objectifs, nous aurions gagné beaucoup de temps. Aujourd’hui, nous parlons en effets recherchés. La réalisation d’un effet nécessite une combinaison de capacités prises au sein de chacune des composantes dans le cadre d’un travail totalement interarmées. Si lors d’Allied Force l’engagement de forces spéciales avait été volontairement écarté, lors de l’opération Anaconda en Afghanistan, les forces aériennes furent absentes de la planification terrestre. Nos camarades de l’armée de Terre américaine savaient, en effet, considéré qu’ils pouvaient attaquer seuls, sans appui aérien. Ils connurent malheureusement des pertes sévères pour avoir oublié ce principe de base.
  • Dernier point: comment faire pour peser au sein d’une coalition ? Il n’existe à mon sens qu’une manière : posséder les capacités d’une «nation-cadre». Je n’ai rien lu dans le Livre blanc qui fasse suffisamment et clairement référence à ce concept. Or pour un pays comme la France qui dispose d’un siège permanent aux Nations unies et d’une force de dissuasion, il paraît important de se référer à ce concept, d’ailleurs adopté par l’Union Européenne (UE) en Juillet 2002. Concept mis en œuvre au cours de l’opération « Artémis » dans le nord est du Congo, et qui représente le cœur de la philosophie qui fonde les forces de réaction rapide de l’Otan (NRF) ou les BG 1500 (Battlegroup) de l’UE. Mais quels sont les critères qui permettent de déterminer si un pays peut revendiquer la capacité d’être nation-cadre dans une coalition ? A mon sens, il existe trois critères :
  1. Tout d’abord, bien sûr, disposer de forces d’un volume de l’ordre de 20% au moins de l’effectif allié total, à condition que ces forces soient toutefois de rang I.
  2. Le deuxième critère concerne les capacités de projection, parce qu’il est essentiel aujourd’hui d’être capable de projeter des forces d’une manière autonome. Dans ce cadre, la nécessité de voir aboutir urgemment le programme A400M devient une évidence.
  3. La troisième capacité, qui est passée généralement sous silence et qui est primordiale à mes yeux, concerne les centres de commandement et de conduite (C2). Si nous voulons peser dans une coalition, il faut disposer d’officiers très entraînés pouvant par leur expertise peser au sein de toutes les structures d’un C2, qu’elles soient de renseignement, de planification, ou de conduite. Au Kosovo,le colonel Stoesslé, par exemple, tenait le poste de « battle staff director », c’est-à-dire qu’il était le chef de la conduite du CAOC. Nous avions, par ailleurs, des officiers remarquables, formés au Caspoa de Taverny, insérés dans toutes les cellules du Caoc de Vicenza. Ce savoir faire rare et reconnu nous a donné une véritable crédibilité auprès de nos camarades alliés et une influence certaine en appui d’autres capacités que nous avions pu offrir à la coalition : capacités complètes de l’armée de l’Air, mais aussi de l’Aéronautique navale commandé par l’Amiral Coldefy depuis le porte-avions Foch.

citation General Gaviard

Je laisserai le mot de la fin au Général M. Short, pas toujours tendre vis-à-vis des contraintes politiques françaises, mais qui reconnaissait la qualité de nos forces aériennes et eut à la fin du conflit cette phrase admirative et rare chez lui : « You have a capable air force ».

Voilà ce qu’il me semble intéressant de souligner en tant que témoin et acteur des opérations aériennes au Kosovo, il y a tout juste dix ans !

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***Posté le 24 mars 2010