Crédits photos © Murielle Delaporte / Juin 2014

Entretien avec le Capitaine de vaisseau Sébastien Fabre, chargé de la flotte Rafale à la SIMMAD (Structure interarmées du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense).

Officier de Marine breveté énergie aéronautique, le Capitaine de vaisseau Fabre « fait du Rafale » depuis l’arrivée de l’avion de combat dans la Marine en 2001. Pendant les trois premières années, il a fait partie de l’équipe de programme « Rafale Marine », chargée de réaliser les études destinées à faciliter son intégration dans les forces. Dépendant de l’Etat-major de la Marine, il encadrait ainsi une équipe d’une dizaine de personnes devant prévoir le soutien de l’avion, à savoir le calcul des besoins en rechanges, l’identification des moyens de soutien nécessaires à sa mise en œuvre, les impératifs de formation, ainsi que les bancs de test. « Dans l’organisation française des programmes d’armement », explique-t-il, « il existe une équipe constituée de plusieurs personnes issues de la Délégation générale de l’armement (DGA) et des Etats-Majors, dont le nombre varie selon les armées impliquées. Pour le Rafale, deux officiers et un directeur de programme constituent l’équipe de programme intégrée (dite EDPI), laquelle traduit en termes techniques et contractuels les fiches de caractéristiques militaires exprimées par les états-majors. Leur sont associées des équipes techniques chargées de toute la partie soutien, rechanges, bancs de test, documentation avec pour objectif de calculer les besoins et de définir les méthodes de maintenance. Ma tâche a ainsi consisté de 2001 à 2004, à établir au nom de l’Etat-major de la Marine les besoins de la Marine afin d’accueillir le Rafale et le soutenir ».

Entre 2004 et 2006, le Capitaine de vaisseau Fabre s’est ensuite occupé du groupement aéronautique de la base de Landivisiau. Ce service a en charge la maintenance des avions stationnés sur une base, en l’occurrence le Rafale au standard F1, le Super Etendard et le Falcon 10, afin qu’ils soient disponibles pour exécuter les missions confiées aux équipages. Il s’agissait pour le Commandant d’encadrer 300 techniciens de maintenance en charge des visites et de la réparation des équipements. Après l’Ecole de guerre et une année passée à la SIMMAD en tant qu’adjoint du responsable de la flotte Rafale, il devînt officier de programme au sein de l’Etat-major de la Marine.

 

« La première tranche comprenait 13 avions livrés au standard F1, la seconde 48 livrés au standard F2, la troisième 60 livrés au standard F3, et la quatrième, actuellement en cours de livraison, également 60 livrés aussi au standard F3 »

« C’était une nouveauté, car je suis officier mécanicien, or ce poste est traditionnellement tenu par un pilote. J’ai exercé ces fonctions pendant trois ans, au cours desquels j’ai participé au développement et à la mise en service du standard F3 et la mise en œuvre d’un certain nombre de configurations, en particulier celles qui seront employées dans le cadre des missions opérationnelles comme « Harmattan » en Libye ou « Agapanthe » en Afghanistan ».

A l’issue de ces trois ans, Sébastien Fabre est revenu à la SIMMAD comme responsable de la flotte Rafale, poste qu’il occupe en ce moment depuis 2011 avant de rejoindre l’Etat-major des armées. « Aujourd’hui, mon travail consiste à définir de quoi ont besoin les avions et les mécaniciens pour faire les heures de vol », résume-t-il. « Je reçois une commande des états-majors pour réaliser une activité aérienne. Je leur fais un chiffrage en fonction des besoins en termes de pièces de rechange, réparations, soutien technique. Nous recevons des financements que nous devons optimiser, mon objectif étant qu’à la fin de l’année, l’armée de l’Air ou la Marine ait pu réaliser leurs heures sur Rafale, tout en assurant une disponibilité satisfaisante ainsi qu’une logistique et un soutien technique à la hauteur ».

Fort de ces années d’expérience et du recul octroyé par ces dernières, le Capitaine de vaisseau Fabre nous livre au sein de l’entretien ci-dessous son analyse de l’évolution du Rafale et de son soutien tant au travers des améliorations technologiques apportées au fil de cette dernière décennie que de la transformation des modes contractuels en matière de MCO vers des « mécanismes vertueux ».

 

  • Un processus incrémental de rétrofit au service de l’adaptation réactive du Rafale

Un processus de transformation transparente pour le pilote

Les procédures d’acquisition en vigueur pour le Rafale font que l’on procède par achat de tranches d’avions avec une approche incrémentale des capacités regroupées sous trois standards. La première tranche comprenait 13 avions livrés au standard F1, la seconde 48 livrés au standard F2, la troisième 60 livrés au standard F3, et la quatrième, actuellement en cours de livraison, également 60 livrés aussi au standard F3. Chaque tranche est homogène en termes d’architecture matérielle, mais diffère d’une tranche à l’autre en raison de l’arrivée de nouveaux capteurs ou des traitements d’obsolescence. Premier défi spécifique au Rafale, contrairement à ses prédécesseurs, le Rafale utilise en grande partie des composants du commerce et non des composants produits spécifiquement pour la défense. Soumis à la loi du marché (sachant qu’il faut entre quatre et six ans pour livrer une tranche), certains composants électroniques disparaissent et doivent donc être remplacés d’une tranche à l’autre. L’industriel fournit alors un nouvel équipement et en profite pour améliorer sa définition ou ses capacités. Pour autant, tout est harmonisé de façon à ce qu’un pilote volant sur Rafale ne se pose pas la question de savoir dans quelle architecture il évolue : qu’il pilote un avion de la deuxième tranche de production ou de la troisième, tout doit demeurer à l’identique.

« Passer les premiers avions du standard F1 au standard F3 nécessite en effet un rétrofit bien plus long que les rétrofits au standard F3 réalisés sur les tranches de production suivantes »

En revanche, au niveau maintenance, cela joue. La technique produisant un certain nombre de combinaisons, les mécaniciens disposent de matrices de compatibilité afin de faire voler ensemble des équipements fabriqués pour des tranches d’avions différentes. Cela tend à complexifier le soutien de l’avion de ce point de vue, mais cela permet de mettre à jour toutes les tranches d’avions afin qu’elles disposent des capacités équivalentes apportant ainsi une très grande transparence pour le pilote dans la réalisation de ses missions, ce qui n’était pas le cas sur les avions de génération plus ancienne.

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Crédits photos © Murielle Delaporte

Un processus de rétrofit concernant l’intégralité de la flotte

Avec le Rafale, nous avons la possibilité de rétrofiter tous les avions pour les porter au dernier standard en vigueur. Les modifications sont parfois mineures, tel le téléchargement d’un logiciel interne à un équipement au pied de l’avion, ou beaucoup plus com- plexes, telle l’opération consistant à passer un avion du standard F1 au standard F3. Passer les premiers avions du standard F1 au standard F3 nécessite en effet un rétrofit bien plus long que les rétrofits au standard F3 réalisés sur les tranches de production suivantes, car il faut changer le cœur du système d’armes pour passer d’une architecture d’une douzaine de calculateurs interconnec- tés à un seul ensemble modulaire de traitement de l’information (EMTI) contenant une vingtaine de cartes introduite au standard F2. C’est donc toute la « pieuvre », c’est-à-dire toute la distribution électrique de l’avion qu’il faut remettre en conformité avec cette nouvelle architecture.

C’est ce qui est en train de se passer sur les Rafale F1 en cours de rétrofit au standard F3 au sein de l’atelier industriel aéronautique (AIA) de Clermont Ferrand et chez Dassault Aviation. Après préparation de la cellule par les techniciens de la Marine (dépose des demi-voilures, de la dérive et d’équipements), l’AIA de Clermont-Ferrand récupère le fuselage, enlève tout le câblage, crée des portes d’accès supplémentaires, ajoute un certain nombre de supports, et renvoie le fuselage modifié vers Dassault à Argenteuil où il reçoit une nouvelle pieuvre électrique. A partir de ce moment-là, il est traité comme un avion neuf et suit le processus habituel en passant par Mérignac où il retrouve ses ailes et ses équipements qui ont subi eux aussi des modi- fications en parallèle.

« Tout est harmonisé de façon à ce qu’un pilote volant sur Rafale ne se pose pas la question de savoir dans quelle architecture il évolue »

Pour le rétrofit au dernier standard des Rafale fabriqués dans les tranches 2, les modifications nécessite beaucoup d’opérations de câblage qui pèsent sur les unités opération- nelles. Aussi l’atelier de Clermont-Ferrand intervient-il également sur les avions en ser- vice, lorsqu’il s’agit d’appliquer des modifications importantes nécessitant plus de quatre semaines de travail. Depuis maintenant deux ans, nous avons constamment trois Rafale de la tranche 2 en chantier de modifications sur une chaîne de rétrofit spécialisée. L’ensemble des avions de la tranche 2 sera rétrofité fin 2015. Enfin pour les avions des tranches 3 et 4, leur mise à hauteur est assurée direc- tement par les utilisateurs au fil de l’eau, les modifications à appliquer concernant plutôt des équipements.

Une rupture technologique à absorber

Le standard F3 a fait l’objet de plusieurs évolutions pour adapter les capacités du Rafale aux opérations extérieures ou du fait de l’intégration de nouveaux équipements de missions. Le standard actuel se nomme F3. Il est prévu un déploiement d’une version F3-4 à compter du second semestre 2014 et la DGA a commandé un standard F3R qui sera livré vers 2018. L’avion à la base est bien né. Il portait en lui beaucoup de nouveautés : commandes de vol avec génération hydrau- lique de forte puissance, nouveau moteur M88-2, un système d’armes et de navigation de grande précision, de nombreux nouveaux capteurs (Radar, systèmes d’auto protection, Optronique secteur frontal), des systèmes de visualisation à large écran, etc. Il a fallu mettre au point des nouveautés souvent en rupture technologique avec les équipements des avions jusqu’alors en service. Le soutien n’a pas été en reste avec un concept parti- culièrement innovant de maintenance selon état, c’est-à-dire sans grande visite, s’appuyant sur une maintenance intégrée très développée. Sur cet avion on attend la panne plutôt que de l’éviter par de la maintenance préventive.

En quatorze ans, nous avons passé mille modifications qu’elles soient importantes ou marginales. Il serait intéressant de comparer avec les avions antérieurs, mais le suivi était différent et nous n’avons pas d’ordre de grandeur permettant de faire ce type d’analyse. Ce que l’on peut dire c’est que parmi ces modifications, on trouve environ 150 modifications dédiées à l’introduction de chaque nou- veau standard majeur.

 

« En quatorze ans, nous avons passé mille modifications qu’elles soient importantes ou marginales. (…) Globalement on peut dire que 60% des modifications sont relatives aux standards et servent à la traçabilité technique, tandis que l’autre moitié relève de l’amélioration des équipements et/ou des moyens de soutien »

Ce qui fait qu’à l’heure actuelle environ 550 modifications s’avèrent uniquement liées au développement des standards qui introduisaient les capacités successives. Globalement on peut dire que 60% des modifications sont relatives aux standards et servent à la traçabilité technique, tandis que l’autre moitié relève de l’amélioration des équipements et/ou des moyens de soutien. Celles-ci interviennent en cas de découverte de faits techniques inattendus ou sont issues de la volonté de faire à terme des économies en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO). Ainsi l’aube de turbine HP du moteur M88 a déjà reçu trois définitions différentes : la première ne durait pas longtemps ; la deuxième était plus compliquée à fabriquer, avait besoin de plus de points de refroidissement et était donc plus fragile ; la troisième est un compromis entre les deux : elle tient plus longtemps en utilisation et est moins fragile.

Dès que l’on constate qu’il y a un intérêt et un gain en fiabilité, en MCO ou en charge de maintenance, les modifications sont appliquées sur l’ensemble de la flotte. Au fil de ces développements technologiques, le soutien bénéficie aussi du rétrofit des équipements. C’est le cas par exemple de l’achat de nouveaux systèmes pour équiper tous les avions, tels que le système d’enregistrement de la vidéo de l’avion : nous sommes en train de passer de la cassette Hi8 à une technologie numérique introduite avec les avions de la tranche 4 sur tous les avions des tranches antérieures. En plus d’une meilleure qualité d’image pour les restitutions de vol, nous évitons ainsi des problèmes de maintien de compétences sur de vieux équipements en homogénéisant le parc, ce qui réduit le coût d’entretien et optimise le soutien.

« En tout ce sont 27 contrats de maintenance qui sont passés par la SIMMAD pour assurer le soutien des Rafale, de ses équipements et des moyens de soutien. Le SIAÉ et les grands industriels représentent 85% des coûts du soutien »

L’impact des modifications de standard en termes de MCO

Lorsque nous passons d’un standard à un autre, nous n’avons pas de problème avec les logiciels, mais plutôt au niveau du « hard- ware » et de l’architecture du matériel. Les logiciels s’avèrent non seulement bien aboutis, mais aussi assez transparents, en ce sens qu’ils sont souvent uniques et qu’ils s’adaptent automatiquement à l’architecture matérielle de l’équipement dans lequel ils sont chargés. En outre l’opération de téléchargement est souvent réalisable soit directement sur avion, soit en atelier de maintenance NSO. Ce sont les retours des équipements pour rétrofit au NSI qui pèse sur la disponibilité. Pourtant ces retours sont nécessaires pour bénéficier d’amélioration capacitaire ou renforcer la fiabilité ou la maintenabilité. Après une décennie d’exploitation, les derniers avions livrés à l’état neuf sont très aboutis, car ils possèdent la totalité des modifications offrant tout le panel des capacités opérationnelles et une fiabilité satisfaisante sur l’ensemble des équipements. Ce qui est long, c’est de rattraper le passé et de monter en gamme les premiers avions et équipements sortis de la chaîne. Si une modification n’est pas urgente ou indispensable pour voler, il faut de manière générale compter deux ans et demi pour l’appliquer sur la totalité du parc. Car les besoins opérationnels sont forts et les unités sont peu enclines à se séparer des avions ou des équipements à rétrofiter.

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Crédits photos © EMA / ECPAD

Grâce à un travail de fond réalisée en coordination entre la SIMMAD, les industriels et les unités de maintenance, et grâce à la mise en place de la navigabilité qui de ce point de vue à un impact positif, nous avons aujourd’hui un état du parc Rafale qui est satisfaisant et nous arrivons à passer les heures commandées par les états-majors, ce qui n’était pas le cas ces dernières années, car nous n’arrivions pas à dépanner les avions assez vite. Aujourd’hui nous sommes davantage dans la construction de l’optimisation du futur sur la base d’un système couplé entre heures de vols et des mécanismes de soutien qui commencent à être bien rodés.

  • Une architecture contractuelle du MCO de plus en plus aboutie

Vers une logique d’anticipation

Dans l’architecture contractuelle du MCO que nous avons en place à la SIMMAD sur le Rafale, Dassault Aviation s’occupe de l’entretien de la cellule et des équipements intégrés par la société, le groupe Safran (Snecma, Sagem, Microturbo) fournit les rechanges et l’entretien en sous-traitance de certains modules du M88 et gère le soutien des centrales à inertie et du turbo-généra- teur d’air (TGA), tandis que le groupe Thales (TSA,TOSA, Thales Avioniques et Thales Communication) assure le MCO du Radar RBE-2, des radios, du système SPECTRA et de l’Ensemble modulaire de traitement de l’information. Enfin, le SIAé (Service indus- triel de l’aéronautique) et ses AIA assurent l’entretien NSI des modules du moteur et des sièges éjectables, mais aussi les opérations de maintenance et de chantier d’application de modification sur les avions (rétrofit F1/ F3 et application de kits de modifications sur les avions de la tranche 2). En tout, ce sont 27 contrats de maintenance qui sont passés par la SIMMAD pour assurer le soutien des Rafale, de ses équipements et des moyens de soutien. Le SIAé et les grands industriels représentent 85% des coûts du soutien.

Mon travail a consisté à œuvrer en vue d’une bonne harmonisation des contrats et des prestations, car la disponibilité du Rafale est le résultat de la performance de chacun de ces contrats. Pour générer un cycle vertueux, la SIMMAD est entrée dans un mode de contractualisation de forfaitisation à l’heure de vol, qui a comme principal avantage de corréler le besoin opérationnel aux capa- cités de financement des états-majors sans pour autant engager la disponibilité future en cas de réduction des capacités financières. L’industriel doit de son côté s’organiser pour réparer les matériels et fournir les pièces de rechange à hauteur du besoin qui lui est demandé. Nous travaillons sur nos marchés avec des marges de fonctionnement de – 20% à + 15% par rapport à une activité nominale et tant que l’on est dans cette marge, l’industriel doit répondre à l’exécution du contrat. Les grands contrats sont globaux : aux prestations de réparation et d’approvisionnement traditionnelles s’ajoutent les activités d’assistance technique, d’amélioration des moyens de maintenance, de formation et de soutien logistique avec en particulier la mise en place de cellules de prévisions du besoin. Avoir lié dans un seul contrat toutes ces prestations nous donne une grande cohérence sur le soutien, gage d’une amélioration continue de la disponibilité.

« Si le flux de réparation excède le nombre d’équipements mis à disposition, l’industriel est obligé d’accélérer ses réparations, ou inversement, de tarir le flux de départ au NTi3. Il dispose pour ce faire de plusieurs types de leviers : faire évoluer le banc de test pour qu’il discrimine mieux les pannes, augmenter les capacités de maintenance au NSO, améliorer la fiabilité de l’équipement, ou encore renforcer la formation les techniciens pour éviter tous ces flux qui le pénalisent »

Le premier contrat global de ce type a été signé avec le groupe Thales : il s’agit du marché Maestro notifié en 2011 et qui commence à porter ses effets. Le marché Dassault de 2008 – << Rafale Care >> – a été amélioré fin 2013 afin d’introduire la fourniture forfaitaire de consommables sur 23 000 références. Snecma fournit également forfaitairement depuis 2010 l’ensemble des consommables nécessaires à la maintenance du moteur M88, ce qui représente environ 12 000 rechanges livrés par mois. Il s’agit donc de marchés assez récents dans leur mode de contractualisation, qui s’avèrent très prometteurs en termes de gains de performance. Pour des petites pièces longues à produire, l’industriel ayant davantage de visibilité quant à l’activité affichée par les Etats-majors va pouvoir optimiser ses achats de consommable et né- gocier des délais plus courts avec ses fournisseurs. Les industriels sont passés d’une logique d’attente de la commande de l’Etat à une logique où ils anticipent cette dernière pour répondre à un besoin qui arrive. Pour mettre en place les prestations de ces nouveaux contrats, nous nous sommes appuyés sur l’expérience des industriels comme Dassault avec son concept de « door-to- door » mis en place sur le Mirage 2000-9 aux Emirats Arabes Unis et le concept « Smart Care » de Thales. Nous avons aussi transposé au monde militaire quelques bonnes pratiques issues du soutien civil.

Vers des mécanismes contractuels vertueux

La mise en place de ce type de marchés globaux était nécessaire pour deux raisons : il fallait obtenir une bonne disponibilité sur le Rafale tout en maîtrisant les coûts du MCO. Notre démarche à la SIMMAD était d’allon- ger la durée des contrats sur une dizaine d’années, afin de donner de la visibilité aux industriels en échange d’une optimisation de leurs coûts et donc d’une réduction du coût du MCO.

 « D’autres outils contribuent à optimiser la maintenance en guidant le technicien, tels que MARS qui est un outil de diagnostic et d’aide à la localisation d’avaries, ce qui permet de capitaliser le retour d’expérience des dépannages sur l’avion et d’adapter les consignes de maintenance. Le Rafale est le premier avion de combat à posséder ce type d’outil qui est pourtant couramment employé dans le monde de l’aéronautique civile »

Le recul permet de constater que c’est bien ce qui s’est passé. Le Rafale étant un avion très surveillé au niveau des coûts de soutien. Nous avions des études nous cadrant quant à la cible à atteindre grâce aux travaux réalisés en coopération avec les industriels en 2007 par la MMAé (Mission de modernisation du maintien en condition opérationnelle aéronautique). En effet, sous l’impulsion du mi- nistre de la défense, les Etats-majors et les trois grands industriels (Dassault Aviation, Safran et Thales) avaient à l’époque conduit des études visant à définir les trajectoires de coûts de soutien sur une quinzaine d’années, ce qui nous a permis de négocier des mar- chés dans des marges financières conformes aux prévisions, lesquelles faisaient apparaître des réductions de plusieurs dizaines de pourcents grâce à la visibilité que donnait l’allongement des contrats de MCO.

Au-delà des réductions des coûts, nous nous sommes également attelés à l’amélioration de la performance globale. Il faut savoir que les marchés de MCO incluent traditionnellement des activités d’assistance technique, entretien documentaire des données d’approvisionnement, veille technique et de formation. Afin de gagner en réactivité, le soutien technique aux utilisateurs a été accru sous la forme de détachements de spécialistes forfaitisés.

« Aujourd’hui nous sommes davantage dans la construction de l’optimisation du futur sur la base d’un système couplé entre heures de vols et des mécanismes de soutien qui commencent à être bien rodés »

Chaque industriel surveille les données de vol de ses équipements pour vérifier que leur comportement ou leur fiabilité est conforme aux attentes. Cette analyse est importante, car les marchés prévoient un certain nombre de mécanismes permettant d’optimiser le soutien d’un équipement, en particulier s’il ne se révèle pas fiable. Des clauses incitent l’industriel à présenter des évolutions et des modifications pour limiter les retours des matériels au NSI ou améliorer la fiabilité ou la robustesse. Ces évolutions peuvent également porter sur le banc de test, s’il n’est pas suffisamment précis pour détecter les avaries. Le retour d’expérience est particulièrement positif, car les marchés donnent beaucoup de souplesse dans ce domaine.
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Crédits photos © Murielle Delaporte

Pour la réparation des équipements, nous sommes passés d’une logique d’encours à un engagement de disponibilité. L’industriel doit dorénavant être capable de nous fournir sous moins de 24 heures ou 4 jours un maté- riel en bon état en échange d’un matériel en mauvais état ou en limite de fonctionnement. Pour cela il s’appuie sur un stock de matériels mis à disposition par l’Etat et doit gérer ses cycles industriels pour respecter ses engagements. Si le flux de réparation excède le nombre d’équipements mis à disposition, il est obligé d’accélérer ses réparations, ou inversement, de tarir le flux de départ au NTi3. Il dispose pour ce faire de plusieurs types de leviers : faire évoluer le banc de test pour qu’il discrimine mieux les pannes, augmenter les capacités de maintenance au NSO, améliorer la fiabilité de l’équipement, ou encore renforcer la formation les techniciens pour éviter tous ces flux qui le pénalisent. Avant il fallait passer des actes contractuels pour commander ces prestations. Dans le cadre d’un marché global, ces mécanismes sont intégrés et vertueux, car ils font non seulement évoluer le produit dans le bon sens, mais également son soutien. Grâce aux marchés globaux, les industriels analysent en continue la performance du soutien, ce qui permet de révéler des pistes d’amélioration. Deux exemples sont symptomatiques de la mise en œuvre de ces nouvelles pratiques. Nous nous sommes rendus compte à partir des données de surveillance de la fiabilité des équipements que nous déposions pour panne plus de calcula- teurs au NSO que ce qui était prévu par les études du soutien logistique intégré ; ces calculateurs étaient souvent déclarés en bon état par l’ATE Mermoz et dans près de 80% des cas, il s’agissait en fait d’un problème de capteur défectueux qui était resté sur l’avion. Nous avions là une mauvaise habitude des techniciens qui tendaient à déposer le calculateur – une opération qui ne prend que quelques minutes – et non le capteur – ce qui prend plusieurs heures -. L’expérience a enseigné que sur Rafale, lorsqu’un calculateur est en panne, il vaut mieux changer le capteur ! D’autres outils contribuent à optimiser la maintenance en guidant le technicien, tels que MARS qui est un outil de diagnostic et d’aide à la localisation d’avaries, ce qui permet de capitaliser le retour d’expérience des dépannages sur l’avion et d’adapter les consignes de maintenance. Le Rafale est le premier avion de combat à posséder ce type d’outil qui est pourtant couramment employé dans le monde de l’aéronautique civile.

« Après quatorze ans d’utilisation de cet avion, il est clair que le soutien du Rafale a bien évolué et que l’on atteint une nouvelle maturité avec les mécanismes intégrés dans les contrats globaux et la mise en place des guichets »

L’autre exemple concerne les travaux conduits en coopération avec les industriels sur les révisions générales (RG). En effet, la plu- part des équipements de la cellule possèdent des limites calendaires d’une quinzaine d’années. Le pic de RG se profile et nous travaillons avec les industriels pour définir les quantités de matériels devant retourner chez eux afin de ne pas pénaliser la disponibilité des équipements dans les forces. Ce travail collaboratif d’anticipation permet d’adapter en douceur l’outil industriel et de lisser l’impact sur la disponibilité.

Le guichet sur base : un nouveau levier logistique

Il semble que nous ayons maintenant trouvé une forme de contrat satisfaisante, en ce sens qu’elle donne à la fois de la visibilité aux industriels leur permettant d’optimiser leur chaîne de réparation, leur approvisionnement de consommable, et le soutien technique et logistique global de leur périmètre (avion, moteur, équipement). Nous leur donnons différents leviers, y compris des leviers logistiques, puisque nous installons doréna- vant des guichets sur les bases au plus près des utilisateurs pour réduire le temps de retour des équipements vers les usines. Traditionnellement, il fallait compter 45 jours en moyenne entre le moment où un équipe- ment était déposé d’un avion et le moment où il rentrait dans l’usine pour sa réparation. Avec les guichets, cette durée a été réduite à moins d’une dizaine de jours. Contrairement aux industriels qui savent faire du « point à point » pour envoyer directement l’équipement chez leur sous-traitant, nous avions plusieurs nœuds logistiques et de points d’accumulation qui pénalisaient la performance globale de transport vers le NSI. Aujourd’hui un matériel quittant le guichet d’une base va directement chez le sous-traitant.

Grâce à cette optimisation, nous aurons à terme moins besoin d’équipements pour absorber les réparations puisque nous engageons l’industriel à réparer plus vite. Il met moins de temps à récupérer les équipements, et il a un flux mieux dimensionné, car il a des équipements qui sont vraiment en panne. Tous ces mécanismes améliorent le soutien de proximité et concourent à améliorer durablement la disponibilité du Rafale. En témoigne le recul offert par l’expérience acquise avec Thales et le contrat Maestro : il n’y a plus d’équipement manquant du périmètre Thales sur les avions en ligne. Nous pensons que demain ce sera pareil avec Dassault.

Pour résumer, après quatorze ans d’utilisation de cet avion, il est clair que le soutien du Rafale a bien évolué et que l’on atteint une nouvelle maturité avec les mécanismes intégrés dans les contrats globaux et la mise en place des guichets.

2 Pour résumer de façon synthétique, le Standard F1 comportait les capacités de supériorité aérienne (missions Air/air avec les missiles MICA et MAGIC). Le standard F2 complète le premier standard avec des capacités de bombardement tactique et d’appui aérien rapproché (AASM et GBU-12 et pod Damoclès), ainsi qu’une capacité de bombardement stratégique (SCALP-EG). Enfin, le standard F3 continue de compléter les deux premiers avec des capacités de frappe nucléaire (ASMP-A), de lutte anti-navire (AM39 B2) et de frappe autonome (pod Damoclès).

Propos recueillis par Murielle Delaporte, rédactrice en chef d’Opérationnels.

Retrouvez notre numéro spécial Opérationnels n°21 uniquement disponible durant le salon ADS Show / UAV Show. OPS est partenaire officiel du salon (voir notre post). 

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