(Source : www.assemblee-nationale.fr) – Extrait du Rapport d’information déposé par la Commission de la défense et des forces armées sur l’action aérospatiale de l’Etat et présenté par JJ Ferrara et C. Lejeune, Députés (enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2019)

Pour le grand public, « l’action de l’État en l’air » évoque d’abord le ballet des Canadair combattant, à l’été, de nombreux feux sur le pourtour méditerranéen, ou les hélitreuillages opérés par les hélicoptères de la sécurité civile lors de crises particulièrement sévères, à l’instar de celles qui ont frappé l’Aude à l’automne 2018. D’aucuns ont aussi en mémoire le véritable pont aérien mis en place entre la métropole et les Antilles à la suite du passage de l’ouragan Irma, afin de porter secours et assistance à nos concitoyens en détresse. Depuis quelques années, la presse se fait également l’écho des opérations de police du ciel réalisées par les chasseurs français au large de nos côtes, afin d’« accompagner » des bombardiers stratégiques russes évoluant à proximité de l’espace aérien national.

Mission discrète par nature, la défense aérienne du territoire n’est ainsi plus entièrement confidentielle. Enfin, il n’est pas rare d’apercevoir dans le ciel les hélicoptères bleus de la gendarmerie nationale, employés pour des missions de toutes sortes, ou ceux de couleur blanche mis en œuvre par les SAMU. Par ces quelques exemples, les rapporteurs de la mission d’information sur l’action aérospatiale de l’État, créée par la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale le 6 février 2019, entendent illustrer la diversité des interventions de la puissance publique dans les airs. Or, au-delà de ces images, quasi d’Épinal, les modalités de ces interventions demeurent relativement méconnues, y compris au sein même de l’État.

À première vue, l’intérêt porté par la commission de la Défense nationale et des forces armées à l’action de l’État en l’air pourrait sembler devoir se circonscrire à la seule action des forces armées, et en particulier de l’armée de l’air. Cette vision étriquée des compétences comme du champ d’intervention de la commission de la Défense achoppe sur deux écueils qu’il convient immédiatement
d’écarter. D’une part, la commission a toute légitimité pour s’intéresser à l’ensemble des aspects que revêt la sécurité de la Nation, des menaces extérieures susceptibles de se faire jour sur le sol français aux crises de sécurité civile qui surviennent ponctuellement, des Antilles à l’Aude. De ce point de vue, les rapporteurs ont adopté une approche fondée sur le concept de défense globale, qui lie les enjeux de sécurité intérieure à ceux de défense nationale. D’autre part, même en se limitant à la seule posture permanente de sûreté aérienne, emblématique du rôle des armées dans l’espace aérien national, la mission d’information aurait élargi ses travaux à nombre d’administrations, au premier rang desquels les forces de sécurité intérieure, tant la police de ciel constitue une
mission résolument interministérielle. En somme, la commission de la Défense s’intéresse à l’action de l’État en l’air au même titre qu’elle s’est déjà intéressée, par le passé, à l’action de l’État en mer (AEM). Le parallèle avec l’AEM est, du reste, saisissant : incarnée par le secrétariat général de la mer et les préfets maritimes, autorités connues et reconnues, l’AEM s’exprime dans un cadre juridique précis ; laissée plus souvent à la main de chaque acteur disposant de moyens aériens, l’action de l’État en l’air et ses contours sont, à l’inverse, mal identifiés.

Tel est donc l’objet du présent rapport : faire œuvre pédagogique en exposant le cadre et les modalités des interventions de l’État dans les airs et, ce faisant, identifier les ajustements susceptibles de les rendre plus efficaces.

Pour mener à bien leurs travaux, les rapporteurs ont conduit une vingtaine d’auditions, qui leur ont permis d’entendre une large part des responsables civils et militaires en charge de l’action aérienne de l’État, ainsi que nombre de ceux susceptibles de faire face à des menaces d’origine aérienne. En outre, ils ont effectué plusieurs déplacements. En métropole, ils se sont rendus sur la base aérienne 942 de Lyon Mont-Verdun, siège du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), sur la base aérienne 115 d’Orange, auprès des militaires qui tiennent la posture permanente de sûreté aérienne, sur la base aérienne de la sécurité civile, installée depuis peu à Nîmes, sur la base aérienne 120 de Cazaux, à la rencontre des équipages de l’escadron d’hélicoptères 1/67 Pyrénées, engagés sur le territoire national dans les opérations de secours aux personnes en détresse, sur la base aérienne 107 de Villacoublay, qui accueille notamment le groupement interarmées d’hélicoptères (GIH), essentiellement dédié à l’acheminement du RAID et du GIGN, ainsi que sur la base aérienne 116 de Luxeuil et à Lons-le-Saunier, afin de mieux comprendre le déroulement des opérations de recherche et de sauvetage enclenchées en janvier 2019 à la suite de l’accident du Mirage 2000D qui a coûté la vie au capitaine Baptiste Chirié et à la lieutenant Audrey Michelon. Les rapporteurs se sont également déplacés en Guyane, territoire confronté à l’ensemble des enjeux relatifs à l’action de l’État en l’air.

Le présent rapport est le fruit de ces rencontres. Il s’organise autour de trois parties thématiques, reflétant les trois grandes missions de l’État dans les airs.

  • Premièrement, la mission de police du ciel, dont la robustesse repose sur la permanence du dispositif aérien pré-positionné d’alerte et la réactivité de la chaîne de commandement, en boucle courte. Mise en œuvre par l’armée de l’air, la posture permanente de sûreté aérienne (PPS-A) ne contribue pas seulement à la défense aérienne du territoire au sens militaire, en ce que les aéronefs peuvent également effectuer des missions d’assistance en vol ou d’appui aux opérations judiciaires menées par les administrations civiles. Efficace en l’état actuel des menaces, le dispositif de défense aérienne gagnerait à être conforté au regard des défis qui s’annoncent. L’approfondissement de la couverture radar, seule à même de garantir une détection précoce des menaces, comme la clarification des compétences des divers acteurs et de leurs moyens d’action constituent sans doute des voies d’amélioration qu’il conviendrait d’étudier.
  • Deuxièmement, la mission de sécurité intérieure, au travers de sa dimension aérienne. Le ciel constitue en effet un espace de menaces comme un espace de supériorité pour les pouvoirs publics, en raison d’une dichotomie des  moyens aériens susceptibles d’être employés. Dans ce cadre, les forces de sécurité intérieure et les douanes disposent de leurs propres outils et capacités pour la conduite de leurs missions. Les forces armées peuvent également contribuer aux missions de sécurité intérieure, de manière encadrée et sous la responsabilité d’une autorité civile. Là aussi, les rapporteurs ont identifié plusieurs pistes de travail, tant en matière capacitaire que de gouvernance intra et interministérielle. Les défis posés par la croissance exponentielle du trafic de drones constituent sans nul doute un point d’attention majeur. Perturbation du trafic aérien, observation de sites sensibles, emport de charges explosives ou de colis divers, il existe mille et une façons de les employer de manière malveillante. Les avancées technologiques en la matière rendent presque aisée la constitution d’essaims de drones, capables de se mouvoir de manière coordonnée.  (…)
  • Troisièmement, la mission de secours aux populations en cas de crise. Il est aujourd’hui impensable de ne pas recourir aux moyens aériens pour venir en aide aux populations.  (…)

Lire le rapport (pdf) >>> rapport Assemblee nationale sur l’action aerospatiale de l’Etat

Illustration : Zones interdites temporaires (ZIT) et zone réglementée  (ZRT)  créés à l’occasion des commémorations du 75ème anniversaire du débarquement, Préfecture du Calvados (telle que publiée dans le rapport de l’AN, page 23)