En France, Civil Military Cooperation (CIMIC) ou  coopération civilo-militaire et Psychological Operations (PSYOPS) sont, ainsi que nous l’avions évoqué dans notre article précédent, les deux volets complémentaires de ce que l’on appelle les actions d’influence.

Dans un contexte d’asymétrie et d’hybridité des belligérants, la gestion civilo-militaire des crises revêt une importance primordiale. Une réponse purement militaire ne peut suffire à préparer et à réussir une sortie de crise. Les victoires militaires peuvent s’apparenter à des victoires à la Pyrrhus si elles ne s’inscrivent pas dans la cadre d’une approche globale, permettant à terme la stabilisation et la reconstruction d’un pays en guerre.

Dans ce cadre, les populations constituent le centre de toutes les attentions que cela soit dans une opération de maintien de la paix (OMP), de contre-insurrection (COIN), de contre-rébellion (CREB), d’évacuation de ressortissants, de désarmement, de démobilisation, de réadaptation et de réintégration (DDRR).

Ces modes d’action ne sont pas nouveaux en soi pour l’armée française, héritière des théories de « pacification » mises en œuvre par Gallieni et Lyautey (sur cette question nous renvoyons le lecteur à notre série consacrée à 132 ans de présence militaire en Algérie 1830-1962).

La CIMIC consiste avant tout à faciliter la conduite des opérations militaires en contribuant à la meilleure intégration possible des forces déployées au sein des populations concernées par un conflit. La CIMIC permet d’accélérer la mise en œuvre de projets de développement, qui sont source de stabilisation et de sécurité. Les actions CIMIC n’entrent pas en concurrence avec les actions des ONG, elles participent à leur échelle et selon leurs moyens à rendre possible la sortie de crise et à promouvoir l’influence française sur un théâtre d’opérations.

La coopération civilo-militaire en France est très cadrée et organisée. Le ministère des affaires étrangères (MAE) est en charge de la coordination de l’action extérieure de la France. Il assure donc à ce titre le pilotage des gestions de crise avec le concours du ministère des armées (MINARM). Le MAE s’appuie sur un comité interministériel pour la gestion des crises civilo-militaire, une Task Force interministérielle de gestion civilo-militaire des crises (TFGC) et sur un centre de crise. Ainsi, lors d’une gestion de crise, le niveau décisionnel est politique, le niveau de coordination est interministériel (sous la coupe du MAE) et le niveau de conception relève de différentes entités ministérielles.

Pour le MINARM, c’est le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) et sa cellule J9 qui est en charge de concevoir et de conduire la coopération civilo-militaire en fonction des objectifs fixés par le niveau politique. Le CPCO constitue à ce titre la tête de chaîne de la coopération civilo-militaire en opération. Il s’appuie notamment sur son bras armé que constitue le commandement interarmées des actions sur l’environnement (CIAE). Au niveau opératif, c’est le commandant de la force (COMANFOR) et sa cellule J9 qui ont la responsabilité  de la mise en œuvre de la stratégie et de son pilotage. Enfin, l’exécution des actions est confié au niveau tactique à l’équipe CIMIC déployée souvent sous le format d’une équipe tactique CIMIC (TCT Tactical CIMIC Team) qui peuvent prendre plusieurs formes.

Les TCT agissent énormément via le vecteur des liaisons établies avec les acteurs civils déployés sur le théâtre d’opérations ainsi que via le vecteur des projets selon un mode opératoire triple qui passe par faire, faire faire, identifier. Faire par les forces armées des projets à impact rapide (Quick Impact Project), faire faire en partenariat avec des acteurs locaux des projets de moyen terme et identifier des projets à long terme qui pourront être conduit par d’autres entités impliqués dans le temps long au sein du pays concerné. La mise en œuvre de ces projets constituent des vecteurs de communication et d’influence au sens fort du terme et font l’objet de toutes les attentions du commandement opératif et stratégique.

Les actions PSYOPS, quant à elles, visent à faire évoluer les opinions relatives au déploiement de la force projetée  mais aussi à provoquer des réactions dans un but tactique. Pour influencer il faut évidemment avoir la connaissance la plus fine du tissu social et des marquants culturels dominants au sein de la population concernée. La mise en œuvre de ce type d’actions nécessitent donc une approche pensée, concertée et nourrie des marquants sociaux dominants à défaut de produire des effets nuls voire contre-productifs et ne permettant pas d’atteindre les objectifs principaux des actions d’influence que sont le fait de faire adhérer la population au gouvernement soutenu par la force armée déployée, faire accepter la présence des soldats au sein de la population et promouvoir une attitude non hostile à nos troupes. Le contrôle de la force armée déployée, de son juste usage et de sa légitimité sont les enjeux permanents des actions d’influence. Pour les insurgés, un incident survenu peut immédiatement devenir un objet de propagande redoutable aux effets dévastateurs pour les unités déployées sur le terrain des opérations. Plusieurs techniques et méthodes sont mises en œuvre par les unités en charge de la conduite d’actions PSYOPS parmi lesquelles celle visant à discréditer et à diviser les chefs insurgés, voire à dissuader la population de se livrer à certains actes. Cela passe par l’établissement d’un dialogue direct notamment avec les personnes pouvant avoir une influence positive sur le reste de la population, l’emploi de haut-parleurs pour la diffusion de messages visant à sécuriser la population, le relais de messages via la radio, Internet, les réseaux sociaux…

Pour nos sociétés ultra-connectées amenées à intervenir au sein d’autres pays eux-mêmes dominés par d’autres conditionnement sociaux-culturels, d’autres croyances voire d’autres valeurs, le volet CIMIC/PSYOPS est devenu un incontournable pour tout déploiement de nos forces armées.  La désinformation est une arme de guerre et propagée à l’échelle de la planète via la puissance des réseaux sociaux une rumeur peut avoir des conséquences désastreuses relayée à l’échelle planétaire comme elle peut l’être aujourd’hui en l’espace de quelques heures…

Photo illustration : http://psyopsinsignia.pbworks.com

Photo 2 : CIMIC des forces armées belges (source : www.trendsmap.com)