La notion d’ennemi intérieur est sujette à caution et source de polémiques notamment au vu de son emploi et de sa redéfinition lors des guerres de décolonisation et de l’influence qu’a pu avoir cette notion à l’échelle planétaire et ce jusqu’à nos jours.

Beaucoup d’analystes contemporains datent la création de ce concept à la guerre d’Indochine ce qui constitue à la fois une erreur et témoigne d’un manque de recul historique quant à la compréhension de ce concept.

Tentons de comprendre ce que recouvre cette notion avant de voir quel usage il en fut fait au travers des trois derniers siècles de l’Histoire de notre pays.

 

L’ennemi intérieur : une tentative de définition

Un ennemi est une personne qui cherche à s’opposer voire à nuire d’une manière conséquente à un tiers voire à l’annihiler. L’ennemi intérieur pourrait donc être défini comme étant une personne ou un groupe de personnes qui cherche à nuire à un ou des membres de leur communauté d’appartenance. Cette notion sous-entend donc celle de trahison à un groupe originaire ou à une communauté constituée à laquelle l’ennemi serait censé appartenir. L’ennemi intérieur serait donc une menace pouvant porter atteinte à la survie du groupe auquel il appartient ou auquel on l’assimile.

Ainsi, à l’aune de cette première définition on mesure à quel point la notion d’ennemi intérieur a à voir avec celle d’intersubjectivité, d’appartenance à un groupe supposé primaire ou originaire et de violence faite audit groupe. Le concept d’ennemi intérieur peut aussi engendrer la stigmatisation d’autrui et le développement d’une certaine paranoïa, il est donc à manier avec la plus grande précaution.

La notion d’ennemi intérieur dans l’Histoire de France

Si la notion ne naît pas avec la Révolution française, c’est bien à cette époque qu’apparaît l’usage systématique du concept d’ennemi intérieur. On peut donc dire que l’ennemi intérieur est un héritage de la Révolution et plus spécifiquement de la période la plus sanglante de cette dernière que fut la Terreur.

Dans un contexte de « patrie en danger », on parle dès 1791 de mesures de défense générale extérieure et intérieure. L’ennemi intérieur pour les Révolutionnaires français d’avant la Terreur sera donc assimilé aux royalistes ou à tout autre groupe ou personne favorable au retour de la monarchie en France (Chouans, Vendéens…). Avec l’avènement de la Terreur, toute personne soupçonnée de ne pas adhérer aux principes révolutionnaires tels que les conçoivent principalement Robespierre et Saint-Just ainsi que le comité de salut public qu’ils dirigent de facto, est déclaré ennemi de l’Etat et donc ennemi intérieur et doit donc être, à ce titre, mis hors d’état de nuire de la manière la plus radicale qui soit, c’est-à-dire en étant guillotiné. Les grands Révolutionnaires eux-mêmes seront victimes de cette folie sanglante parmi lesquels Danton et Camille Desmoulins, qui payeront de leurs vies, le fait d’avoir dénoncé la dérive totalitaire du comité de salut public passé sous la coupe de Robespierre.

Au-delà de cette parenthèse barbare de notre Histoire, la notion d’ennemi intérieur trouvera un écho très favorable dans l’esprit d’un jeune général qui allait bouleverser durablement notre pays ; Bonaparte.

En effet, on peut dire que Napoléon Bonaparte sera l’un des premiers théoriciens de la lutte contre l’ennemi intérieur avec notamment son invention de la notion de quadrillage mise en œuvre lors des guerres de conquête.

Le terme perdurera au-delà des régimes ainsi parlera-t-on d’ennemi à la sécurité intérieure sous la Restauration. On notera toutefois un tournant dans l’approche de cette notion après la défaite de 1870 où l’on assimilera l’ennemi intérieur à un traître aux intérêts de la Défense nationale. C’est notamment dans ce contexte de Revanche nourrie (y penser toujours n’en parler jamais) que naîtra une des affaires les plus douloureuses dans l’imaginaire collectif national français ; l’affaire Dreyfus…

Le concept prendra une autre orientation au début du XXe siècle où l’ennemi intérieur sera assimilé à l’ennemi de la République (Cf. affaire des fiches).

Illustration telle que reproduite sur le site: www.herodote.net/5_septembre_1793-evenement-17930905.php