(Par Murielle Delaporte) – Ce matin, lors d’une discussion organisée par l’Institut Mitchell pour les études aérospatiales (« Mitchell Institute for Aerospace Studies »), le Commandant en second de la force multinationale interarmées en charge de l’opération « Inherent Resolve » (CJTF – OIR pour « Combined Joint Task Force – Operation Inherent Resolve ») a fait le point sur la lutte contre l’Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie.

Arrivé sur le théâtre des operations fin avril, soit dans la foulée de la chute de Baghouz, le général Alex Grynkewich (USAF) est le commandant de la « 9th Air Expeditionary Task Force-Levant, USAF Central Command » et est responsable de la réussite des opérations aériennes dans le cadre de l’OIR.

Pour le général Grynkewich, la chute de Baghouz a mis un terme à la capacité de l’Etat islamique de s’appuyer sur un quelconque contrôle territorial: ce qu’il réfère comme étant le « stade 5 » de la confrontation militaire en cours : « nous nous trouvons plutôt face à un ennemi en mode survie avec un niveau de confrontation de stades 2 (recherche d’abris et attaques de faible ampleur) à 3 (extraction par la force de ressources au sein des populations). » En revanche, les ingrédients pour que la capacité de nuisance de l’EI remonte en puissance demeurent et il est indispensable de maintenir une pression forte sur l’ennemi.

C’est ce qui se passe actuellement avec une stratégie visant à démanteler la structure C2 de Daech via une approche multidomaine et interministérielle (bloquer l’accès aux ressources financières ou autres) d’une part, et à renforcer les capacités irakiennes pour qu’elles puissent opérer de la façon la plus indépendante possible : « Les Irakiens sont de plus en plus autonomes en ce qui concerne l’utilisation de leurs moyens ISR et commencent à prendre l’habitude de faire appel à l’armée de l’air irakienne en priorité pour un appui sol et non plus seulement l’USAF. »  Le général a ainsi rendu hommage au courage des forces irakiennes qui accusent de nombreuses pertes et maintiennent une pression essentielle sur l’ennemi en menant entre dix à vingt opérations par jour et deux raids aériens par mois en moyenne.

Dans la foulée de la mort du général Soleimani et de l’attaque contre la base aérienne Al Asad, cette constance irakienne est d’autant plus méritoire que la coopération avec les Américains se limite actuellement essentiellement à des missions de conseil et de protection des forces. Le Commandant en second américain met ainsi en avant la bonne réactivité des forces irakiennes face à des attaques allant de simples tireurs isolés a l’emploi plus ou moins sophistiqué de lance-roquettes.

Si le général Grynkewich demeure prudent quant à l’impact des évènements récents, estimant qu’il est trop tôt pour en mesurer les effets, il estime que la centaine de milices Shiites qui sévit actuellement en Irak pourrait se trouver désorganisée par la mort de Soleimani, même si nombre d’entre elles ne répondent pas à l’autorité de Téhéran.

Pour le général, auteur de nombreux articles sur l’avenir de l’USAF (1), l’évolution récente est la confirmation du fait que la supériorité aérienne passe aujourd’hui par le développement de capacités de defense aérienne adaptées via une approche « multicouches » interarmées (« a multilayered approach »).

 

(1) Voir par exemple  : 
https://warontherocks.com/2017/01/the-future-of-air-superiority-part-i-the-imperative/
https://warontherocks.com/2017/01/the-future-of-air-superiority-part-ii-the-2030-problem/

 

Crédit photo : https://www.airforcemag.com/iraq-training-mission-makes-strides-in-the-air-though-pause-persists