(Par Murielle Delaporte) – La gestion de la crise Covid-19 aux Etats-Unis
Le virus qui ronge la population mondiale à l’heure actuelle agit par vases communicants, au fur et à mesure que les épicentres se déplacent d’une zone à l’autre : de l’Asie, vers l’Europe, puis l’Amérique, l’Afrique, etc.
Les Etats-Unis suivent ainsi la même courbe de contagion que les pays asiatiques et européens touchés un peu plus tôt par le pic. Le retour d’expérience de ces derniers (abaisser la courbe en plateaux), mais aussi une culture politique fédérale très différente expliquent une réponse à la crise plus basée – au moins pour le moment – sur la responsabilité individuelle que sur l’imposition de mesures uniformément strictes.
Une réponse fédérale s’adressant aux autorités locales
Si les tous premiers cas détectés aux Etats-Unis remontent à janvier dernier, incitant le Secrétaire américain à la santé Alex Azar (« Health and Human Services ») à declarer un état d’urgence sanitaire dès le 27 janvier[1] et à instituer un certain nombre de mesures fédérales préventives , telles que l’arrêt des vols en provenance de Chine, ce n’est que le 13 mars, soit le lendemain de la confirmation par l’organisation mondiale de la santé de la nature pandémique du virus[2], que le pouvoir exécutif a décidé de déclarer l’état d’urgence[3].
Un outil permettant de débloquer cinquante milliards de dollars pour venir en aide aux communités aux prises avec le virus et pour alléger les procédures administratives hospitalières. Mais, contrairement à la France, l’Italie, ou l’Espagne, cet état d’urgence national ne propose qu’un cadre d’action aux autorités locales et ne s’applique pas de façon uniforme dans le pays. L’analogie entre Washington et Bruxelles est ici de mise. C’est ainsi aux gouverneurs – tels le gouverneur de Californie -, mais aussi aux responsables politiques locaux – tels le maire de New York -, de prendre les décisions qu’ils estiment appropriées à la situation à laquelle ils sont confrontés sur le moment. Les conseils s’appliquent également directement à la population et aux entreprises, qui décident au cas par cas : d’où un patchwork de situations très différentes selon l’endroit où on se trouve aux Etats-Unis.
Seule la Californie a opté pour une solution à l’italienne à ce jour avec un ordre de confinement appelé « safe at home order », mais les autres clusters – comme New York, l’Illinois, ou Seattle ont également été contraints de prendre des mesures d’interdiction allant au-delà de la recommendation du “safe at home”.
Un effet boule de neige a cependant eu lieu avec la fermeture de nombreux établissements (écoles et universités en premier lieu) et la mise au chômage temporaire ou définitif de plus de trois millions d’Américains en l’espace d’à peine deux semaines, faisant craindre un taux de chômage de l’ordre de 20% à l’issue de la crise. Les entreprises ayant elles-mêmes une base nationale prennent de fait des décisions globales et en ordre dispersé quant à la fermeture de leurs réseaux de franchises, et ce, en fonction de la politique des différents états. Il en va de même de la population qui observe la distanciation sociale de façon très variable selon le degré de contagion locale.
Vases communicants sur le plan économique
C’est précisément l’immensité du territoire américain qui peut permettre au gouvernement de ne pas avoir à recourir à une chappe de plomb paralysant l’ensemble du continent de façon simultanée. C’est en tout cas l’esprit des nouvelles recommandations que devrait addresser prochainement Donald Trump aux gouverneurs des Etats en identifiant des zones “fortement”, “moyennement” et “faiblement à risque”[4].
L’économie a déjà commencé à s’adapter rapidement à cette nouvelle situation, avec certains pans industriels (ventes en ligne ; ventes alimentaires ; marijuana…) en compensant d’autres moins chanceux (hôtels ; restaurants ; transports ; établissements sportifs …)[5]. Télétravail et adaptation des horaires se sont également très vite instaurés, afin de pallier les ruées sur certains articles et de recompléter les stocks rapidement.
Photo : des horaires contraints par rapport aux habitudes américaines © aol.com
Le pouvoir exécutif agit cependant sur deux leviers :
- la définition des secteurs jugés essentiels à l’economie et à la défense du pays[6] (la question étant comme pour tous les pays, de savoir où commence et où finit une telle définition en raison de la fragilité de nos « supply chains ») ;
- l’aide économique avec un accord conclu le 25 mars avec le Congrès pour débloquer deux mille milliards de dollars pour compenser les mises au chômage[7]. Cette loi s’ajoute à un premier accord débloquant 8,3 milliards de dollars au profit des organisations de santé et un second d’environ 100 milliards de dollars devant notamment faciliter la production de tests en accéléré, une des grandes failles du système de réponse initiale des Etats-Unis à la pandémie.
C’est cet espoir de pouvoir tester – et donc traiter – le plus rapidement possible le plus grand nombre d’Américains (avec par exemple le développement croissant de parking accueillant des « drive-through » mis à la disposition de la population par des grands groupes comme Walmart[8]), afin de mieux comprendre la situation sur l’ensemble du continent pour l’endiguer du mieux possible, qui prédomine majoritairement aux Etats-Unis actuellement.
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Références & notes de bas de page :
[1] https://www.hhs.gov/about/news/2020/01/31/secretary-azar-declares-public-health-emergency-us-2019-novel-coronavirus.html
[2] http://www.euro.who.int/fr/health-topics/health-emergencies/coronavirus-covid-19/news/news/2020/3/who-announces-covid-19-outbreak-a-pandemic
[3] https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-president-trump-vice-president-pence-members-coronavirus-task-force-press-conference-3/
[4] https://www.npr.org/2020/03/26/822049287/read-president-trumps-letter-to-governors-on-new-coronavirus-guidelines
[5] https://www.wsj.com/articles/groceries-guns-and-news-what-sells-in-a-pandemicand-what-doesnt-11585042200
[6] https://www.cisa.gov/identifying-critical-infrastructure-during-covid-19
[7] https://www.nbcnews.com/politics/congress/what-s-2-trillion-coronavirus-bill-here-s-how-it-n1168536
[8] https://www.wsj.com/articles/groceries-guns-and-news-what-sells-in-a-pandemicand-what-doesnt-11585042200
Illustrations photos 1 & 2 ©
- Chiffres issus de l’université de Johns hopkins, tel que publiés dans : https://www.theguardian.com/world/ng-interactive/2020/mar/26/coronavirus-map-of-the-us-latest-cases-state-by-state
- https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2020/03/03.16.20_coronavirus-guidance_8.5x11_315PM.pdf