(Histoire militaire – Réforme des armées) – François-Michel Le Tellier, marquis de Louvois (1641- 1691) fut l’une des grandes figures militaire du régime de Louis XIV au même titre, mais pour des raisons différentes, que Turenne, Vauban ou Colbert. Louvois ne fut pas un glorieux combattant à l’instar de Condé, Villars, Jean Bart ou bien encore le maréchal de Luxembourg, mais un administrateur d’exception qui transforma le visage de l’armée française.

Passé par tous les bureaux de la guerre, son père lui obtient la transmission de sa charge de secrétaire d’État de la Guerre, alors qu’il n’a même pas quinze ans, le 14 décembre 1655. Il n’en fut le plein détenteur qu’en 1677 mais, dès le 24 février 1662 (soit à vingt-et-un ans), il est autorisé à exercer la charge en l’absence de son père à l’occasion de son mariage avec Anne de Souvré et assiste celui-ci dans l’administration de la Guerre.

Eternel rival de Colbert, Louvois améliora de façon radicale l’état de l’armée du roi soleil, soumise à rude épreuve au vu de la politique belliqueuse conduite par ce dernier durant la majorité de son règne, le plus long de l’Histoire de France…

 

Quel était l’état de la société militaire avant Louvois ?

La société d’Ancien Régime trouve son origine dans la guerre. Les trois ordres qui organisent la société médiévale – ceux qui prient, ceux qui travaillent, ceux qui se battent – en témoignent. Louis XIV contribua grandement à achever de faire disparaître ce qui restait de la société féodale en obligeant la noblesse, et plus particulièrement ceux que l’on nommait les ”grands du royaume”, à résider auprès de lui. La distinction entre noblesse d’épée et noblesse de robe demeure cependant. En effet, pour l’aristocratie française de la fin du XVIIème siècle, qui compte dans ses rangs moins de trois cent mille membres, seuls peuvent être considérés comme de véritables guerriers les nobles d’origine,  détenteurs des qualités des anciens bellatores, autrement dit les membres de la noblesse dite d’épée. Cette distinction mettant en avant une possible descendance directe avec les guerriers francs est à l’epoque toujours très présente dans la société française de la monarchie absolue, car le prestige du roi se fait non seulement à la cour, mais aussi et surtout à la guerre…

Associée à l’hérédité, l’éducation nobiliaire est le vrai vecteur de sens qui anime la société aristocratique toute entière, éduquée sous le prisme de l’Honneur et de la Fidélité à la parole donnée et ceci depuis le haut moyen-âge. Sous l’Ancien Régime et avant les transformations de Louvois, la noblesse monopolisa le haut commandement. Louvois ne créa pas une rupture sur ce point, mais il apporta de profonds changements, en faisant davantage reposer l’accession aux plus hautes charges militaires sur des critères de compétences.

Au moment où Louvois devient ministre de la Guerre, l’aristocratie est porteuse en son essence même d’une culture de la guerre qui va imprégner l’ensemble de la société notamment sous l’avènement de la monarchie absolue, puis sous le bonapartisme. La défense de l’honneur et de la réputation du roi devient l’aiguillon de la société aristocratique sous Louis XIV, traumatisé qu’il fut en son enfance par la Fronde. Défendre le territoire avec honneur, ainsi que la Nation incarnée dans la personne du roi, voilà la mission première confiée à l’aristocratie quand elle n’est pas requise à la Cour pour y vivre dans l’ombre du Roi Soleil.

Les grandes réformes de Louvois

Pour mener à bien la conduite des affaires de la guerre, il fallut mettre sur pied la première armée permanente et régulière française, ce qui fut la grande œuvre de Louvois. En effet, ce dernier a profondément modifié le visage de l’armée française notamment en remplaçant les armées improvisées employées jusqu’alors par une armée permanente et régulière. Ce besoin, né des perpétuelles guerres de Louis XIV (campagne de Franche-Comté, guerre de Hollande, guerre de la Ligue d’Augsbourg) a donné naissance aux forces armées modernes que nous connaissons aujourd’hui.

Obligé de maintenir l’enrôlement volontaire, Louvois parvint notamment à faire disparaître ce que l’on appelait les ”passe-volants”, ces faux soldats que les officiers faisaient passer en revue pour tromper les inspecteurs et les commissaires, quand leurs compagnies n’étaient pas complètes et dont certains s’appropriaient la solde. Louvois réprima également d’autres abus, tels que l’absentéisme des officiers et le pillage, lequel était parfois toléré pour compenser les arriérés de solde et le retard du ravitaillement.

Soucieux du respect de la hiérarchie et de la discipline et conscient du fait que le fait d’être brave et de mépriser la mort était une condition nécessaire, mais pas suffisante pour faire un officier de qualité, Louvois exigea la mise en place d’une instruction sérieuse chez ces derniers en les faisant passer par les écoles de cadets.

Avec Louvois, l’instruction militaire devint incontournable et l’hérédité ne fut plus une qualité suffisante pour exercer un commandement. Par ailleurs, ce dernier créera non seulement des régiments de cuirassiers, de hussards, de dragons et de fusiliers, mais aussi trois écoles d’artillerie à Douai, Metz et Strasbourg.

Illustration telle que reproduite sur le site: http://www.chateauversailles.fr/decouvrir/histoire/grands-personnages/louvois