Anatomie des conflits contemporains – Face à une crise sanitaire et économique d’une ampleur inédite à l’échelle du pays, le Vénézuela de Nicolas Maduro continue de poursuivre la politique induite par la révolution bolivarienne d’Hugo Chavez.

Cette politique qui n’est plus soutenue aujourd’hui au niveau régional que par la Bolivie et le Nicaragua oriente de facto tous les débats stratégiques majeurs pour le devenir de la nation vénézuélienne.

A l’heure où la présidence de Maduro est plus que jamais contestée et où le pays s’enfonce dans une impasse politique totale et une dépendance accrue à la Chine et à la Russie, il nous a paru pertinent d’établir un état des lieux de la crise vénézuélienne actuelle en tentant de comprendre en quoi la déstabilisation croissante de ce pays représente un risque majeur de perturbation à l’échelle continentale.

Un PIB en chute libre 

Pays hispanique et caraïbe, le Vénézuela s’étend sur 912 000 km² entre la mer des Caraïbes au nord, la Colombie à l’ouest et au sud-ouest, le Brésil au sud-est et le Guyana à l’est. Grand comme deux fois la France, le Vénézuela offre la quasi-totalité des paysages d’Amérique latine sur son sol. Depuis les plages des îlots Caraïbes jusqu’à la forêt amazonienne, le Vénézuela est également traversé par les Cordillères des Caraïbes et des Andes culminant à plus de 5000 mètres, des fleuves tels que l’Orénoque et l’Apure, des reliefs de type meseta saharienne jusqu’à un mini-désert de dunes dans l’état de Coro.

La population vénézuélienne est métissée à 70% et s’élève à 26 000 000 d’habitants.  La majorité (80%) de cette population est urbaine, généralement située près de la côte (Caracas, Maracaïbo, Valencia) ou dans les Andes (San Cristóbal, Mérida, Barquisimeto). La langue officielle est l’espagnol. Le Vénézuela est un pays jeune que les difficultés économiques de ces dix dernières années ont profondément perturbé à tous niveaux. Aujourd’hui, il n’est plus un Etat qui fait exception par sa prospérité en Amérique latine, et ceci bien qu’il dispose des plus grandes réserves pétrolières mondiales (298 millions de barils) devant l’Arabie Saoudite (267 millions de barils) et les quatrièmes de gaz naturel ainsi que de vastes ressources minières. De fait, le pays traverse une crise majeure globale qui est à la fois une crise de régime, une crise démocratique, une crise sanitaire et sociale, une crise de souveraineté ainsi qu’une crise humanitaire.

Entre 2013 et 2018, le PIB vénézuélien a ainsi chuté de 36 % faisant de ce pays un des pays les plus endettés de la planète. Le climat politique et social y est également très dégradé. Le chômage est massif et le quotidien des vénézuéliens est rythmé par les pénuries en termes d’approvisionnements en nourriture, médicaments et électricité. Cette crise économique et le drame humanitaire qui l’accompagne ont poussé plus de 3 millions de Vénézuéliens à quitter leur pays.

Par ailleurs, la réélection de Nicolas Maduro en 2018 a fait l’objet de très vives contestations tant au niveau national qu’international. Son opposant politique Juan Guaido, ancien président de l’assemblée nationale s’est autoproclamé président en janvier 2019 et a été reconnu comme tel par la très grande majorité des puissances occidentales, ainsi que par l’ONU. Seuls la Chine, la Russie, la Turquie, le Mexique et les pays membres de l’ALBA continuent de reconnaître Maduro comme président légitime. En réponse à cet état de fait, Nicolas Maduro n’a eu de cesse de marginaliser la chambre des députés et a fait élire une assemblée constituante qui s’est octroyée les pleins pouvoirs.

Dans les faits, c’est aujourd’hui au soutien de l’armée que Maduro doit de demeurer à son poste. En effet, les hauts gradés de l’armée vénézuélienne se sont vus confier les commandes de la compagnie pétrolière nationale PDVSA. Par ailleurs, l’armée contrôle également les ports, la majorité des concessions minières et a droit de regard sur les contrats de construction de logements sociaux…

Il n’est pas faux de dire qu’aujourd’hui, Maduro utilise l’armée pour défendre sa survie et non plus le régime, les forces armées bolivariennes n’étant plus à proprement parler une institution autonome,  mais un corps aux ordres du président Maduro et rétribué en conséquence pour cela. En ce sens, cette dérive autoritaire caractérisée vient entériner l’une des ambitions de la révolution bolivarienne.

De la révolution bolivarienne à l’inféodation à la Russie et à la Chine 

La « révolution bolivarienne » née en 1999 et portée par Hugo Chavez se sera déroulée une petite dizaine d’années « sans encombre » (de 2000 à 2010) même si elle aura généré, dans les faits, une non diversification des rentes au niveau économique et une forte polarisation sociale et idéologique due notamment à un système d’accaparement des biens et des services publics de la part des fidèles du pouvoir qui trouve son acmé aujourd’hui.

Force est de constater que l’ambition bolivarienne d’implanter une société socialiste et révolutionnaire ne s’est pas réalisée – loin s’en faut – au sein de la société vénézuélienne. L’incompétence et le manque d’efficacité dans la mise en place des politiques publiques cumulée au clientélisme ont in fine empêché la réalisation de cette ambition. De plus, ces difficultés ont été renforcées par le modèle économique étatiste fondée de manière monolithique sur la rente pétrolière et non sur un modèle d’investissements de capitaux nationaux et étrangers et de diversification de l’économie. Ce type d’économie, digne héritière du modèle soviétique, générateur d’énormes dépenses publiques a fini par mettre l’équilibre financier du pays à la merci des fluctuations du cours du pétrole.

L’autre ambition majeure de la révolution bolivarienne résidait en la construction d’une alliance anti-occidentale en partenariat avec la Chine et la Russie ainsi qu’avec l’Amérique latine et les Caraïbes. De facto, nous nous trouvons aujourd’hui davantage dans une relation d’inféodation que de partenariat avec la Russie et la Chine qui étendent progressivement leur influence pour ne pas dire leur emprise sur le Vénézuela. (A suivre)

 

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