Par Daphné Desrosiers – Récit d’Eric Stevenson, rescapé du crash de l’Hudson / Partie II – Cactus 1549 « Répondez ! »… Oh non, il s’est crashé dans l’Hudson !

Eric Stevenson, installé aux commandes de l’Airbus est maintenant prêt à décoller de la piste 04. Dans le rôle du copilote Jeffrey Skiles, Noé lit la check-list avant décollage pendant qu’Eric réalise les actions tout en écoutant attentivement les instructions. Afin de rendre l’expérience inoubliable, « Eric-Sully » pilote l’avion dès le début contrairement au vol réel où le copilote était PF (pilote en fonction) avant l’impact des oiseaux dans les moteurs. Top décollage et ils s’envolent vers une altitude de 5000 Ft. A une hauteur d’environ 3000 Ft, des oies de type Bernache pesant entre 8 à 10 Kg percutent l’avion et ses moteurs, conformément au rapport. Afin de donner plus de réalisme à la simulation du vol, l’équipe a réussi à lancer une peluche sur le nez de simulateur, provoquant un éclat de rire général. Mais l’équipage présent, comme l’ont fait Sully et son copilote, a géré la double panne en démarrant immédiatement l’APU afin de générer une source électrique et ne pas perdre l’ensemble de l’instrumentation et les calculateurs de bord. Eric reste concentré aux commandes, gérant admirablement la trajectoire pendant que Noé-Jeffrey débute la check-list d’urgence « Double panne-moteur ». L’Airbus plane, mais descend inexorablement vers le sol. Le contrôleur, interprété par Pierre, propose un retour en piste 13 sur l’aéroport de la Guardia, puis un guidage radar vers Terterboro quand Eric annonce, comme l’avait fait Sully : « we’re unable. We may end up in the Hudson River » suivis quelques secondes plus tard par le message d’urgence : « This is the Captain, brace for impact ».

L’équipage reste calme et Eric pilote consciencieusement l’Airbus, l’amenant progressivement en finale sur l’Hudson dans un concert d’alarmes sonores et visuelles qui ne semblent pourtant pas le perturber. L’amerrissage se réalise souplement, exactement comme il s’est déroulé. C’est bluffant de réalisme quand on connaît la difficulté qu’ont eu les experts à tenter de recréer le scénario lors de l’enquête du NTSB. Eric, qui n’a jamais piloté de sa vie, est radieux : « Nous nous sommes posés pile au même endroit. C’est incroyable car je me souviens avoir vu le Concorde quand je suis sorti de l’avion. Sully a posé l’avion juste à côté du Musée, là où se trouve le porte-avions Intrepid. On a fait exactement la même chose. ».

Néanmoins, si tout le monde est sain et sauf, le pire reste à venir. La température extérieure est de – 6°, l’avion, abimé au cours de l’impact commence à prendre l’eau et à 15h31, l’ensemble des occupants se retrouvent seuls au monde.

« This is your Captain, Brace for impact »

Dans les secondes qui suivent l’amerrissage, les hôtesses ouvrent les issues de secours avec un grand professionnalisme. Un toboggan ne se gonfle pas instantanément, une porte ne s’ouvre pas dans son intégralité mais l’équipage gère avec l’aide des passagers et l’avion se transforme en radeau de survie. Tout le monde conserve à l’esprit l’image de l’Airbus dérivant dans les eaux de l’Hudson avec ses passagers prostrés sur ses ailes. Eric Stevenson raconte : « Quand les deux moteurs se sont arrêtés, j’avais une sensation d’avoir déjà vécu cette situation. J’avais envie de taper sur l’épaule du Commandant de bord et lui dire « Oh Sully, la dernière fois où ça m’est arrivé, les moteurs sont repartis ! ». Malheureusement, les moteurs n’ont pas redémarré malgré les tentatives effectuées par l’équipage et je me voyais une nouvelle fois mourir. J’ai alors écrit un mot destiné à ma mère et ma sœur sur ma carte d’embarquement, « Mom and Jane, I love you » puis, je l’ai glissé dans la poche de ma veste. Le miracle s’est produit, l’avion ne s’est pas désintégré sous le choc. Nous avions survécu et je venais de gagner une nouvelle vie, le bien le plus précieux. Il fallait toutefois évacuer rapidement. Je suis alors sorti sereinement par l’issue d’aile du côté droit or j’ai trouvé qu’il y avait déjà trop de monde. L’eau commençait à rentrer dans la cabine et je venais de me rendre compte que je n’avais ni mes clés, ni mon téléphone portable, ni mon passeport. Tranquillement, je suis rentré de nouveau dans l’avion pour les récupérer et suis ressorti de l’autre côté. J’étais alors un des derniers passagers à l’intérieur. C’était impressionnant de voir les rangées de sièges vides, entendre la carcasse grincer sourdement en se remplissant d’eau. En prenant mon temps, j’aurais pu croiser, à quelques secondes près, Sully remontant l’allée de l’avion afin de vérifier si tous les passagers étaient sortis ! Une partie se trouvaient sur les toboggans d’évacuation conçus pour flotter, et une autre était répartie sur les ailes de l’Airbus. Il faisait très froid et les bateaux venus nous secourir provoquaient des remous qui nous déstabilisaient. C’était l’enfer. Notre équilibre était précaire, d’autant plus que les ailes étaient verglacées. Une femme est tombée dans l’Hudson, nous n’arrivions pas à la faire remonter tellement la surface était glissante et lorsque l’hélicoptère des secours est arrivé, le souffle de ses pales nous projetait des embruns glacés, rendant la situation encore plus compliquée. J’ai été un des derniers passagers à être évacué. Il était temps car lors de l’impact, un des moteurs avaient été arraché, et l’aile, au fur et à mesure, se soulevait de plus en plus et approchait de la verticale. »

Eric Stevenson rayonne d’enthousiasme à l’issue de cette séance de simulateur. D’autant plus qu’après avoir réalisé le vol New-York – La Guardia – L’Hudson, il a droit à un cours particulier de pilotage où il réalise diverses manœuvres avant de se poser sur l’aéroport d’Orly. Il n’a pu néanmoins s’empêcher, en courte finale de regarder la Seine et songer à se poser dessus ! Mais gardons les pieds au sec, car une nouvelle surprise l’attend afin d’immortaliser sa visite à Athis-Mons : il aura le privilège de s’asseoir aux commandes du Concorde F-WTSA stationné au Musée Delta. Un clin d’œil au Miracle de l’Hudson où à côté du porte-avions Intrepid, le F-BVFA assistait aux premières loges à l’amerrissage parfait du vol Cactus 1549 : « Nous avons tous été sauvés et c’est un Miracle. Chaque fois, lorsque nous nous retrouvons autour de l’avion au Musée de Charlotte, nous remercions le Commandant de Bord Sullenberger de nous avoir sauvés. Or, la seule chose qu’il nous demande en retour, c’est que nous fassions quelque chose de cette nouvelle vie. »

 

*** NDLR : A noter que la simulation et la réalite virtuelle sont utilisées comme outils pour soigner les troubles du stress post traumatique (TSPT) au sein des armées américaines depuis le début des années 2000 (voir par exemple a ce sujet >>> https://operationnels.com/2014/06/14/realite-virtuelle-au-service-du-ptsd/), mais aussi par certaines compagnies aériennes telles Air France.

 

Photos © Eric Stevenson