Par Murielle Delaporte – A l’approche du Sommet de N’Djamena devant faire le bilan des actions menées par les cinq pays du G5 Sahel – Tchad, Mauritanie, Mali, Niger et Burkina Fasso – et par la France pour combattre le terrorisme dans cette partie du monde[1], il a paru utile de faire quelques rappels à propos de la Force conjointe des pays du G5 Sahel (FC-G5S) créée en 2017. Une force que l’on pourrait décrire comme étant avant tout une force de disruption – au sens de rupture avec les pratiques antérieures – à au moins trois niveaux :

  • au niveau de l’histoire de la région
  • au niveau de la lutte anti-terroriste
  • au niveau de la lutte contre les trafics illégaux.

I. Le premier pas vers la stabilité : l’identification d’un double-défi commun

« Sécurité et développement » est le credo du G5 Sahel, une organisation régionale unissant les cinq pays de la Bande sahélo-saharienne née en 2014 et destinée à mutualiser les efforts et renforcer les synergies. Si chacun des membres appartient déjà à différentes organisations régionales, la nouveauté réside dans l’institutionnalisation[2] d’une alliance basée sur la prise de conscience de la nécessité de « combler le gap sécuritaire transfrontalier », selon l’expression de l’actuel Commandant de la force conjointe G5 Sahel (COMANFOR), le général Oumarou Namata, dont le mandat a été exceptionnellement porté à deux ans[3].

Face à un ennemi ayant profité de l’impunité offerte par la capacité de fuir chez le pays voisin sans risquer d’être poursuivi, décision fut en effet prise de constituer une force capable de bloquer de telles portes de sortie dans la zone dite des trois frontières. Une pratique s’étant révélée efficace dans d’autres régions africaines (comme par exemple la Force mixte tchado-soudanaise – FMTS – née en 2010 pour sécuriser les 2000 kms de frontière commune[4], ou encore la Force multinationale mixte – FMM – créée en 2012 par le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad pour combattre Boko Haram[5], mais pas encore de vigueur dans cette zone de conflit très spécifique. Limité à 50 kms de part et d’autre des frontières respectives de chacun des trois pays, le domaine d’opérations (ou AOR pour « Area Of Responsibility ») a été peu à peu – et au fil de succès opérationnels (neutralisation de GAT (groupements armés terroristes), libération d’otages[6], etc) – étendu à 100 kms de part et d’autre, soit 200 kms. Un gage de réussite et de montée en puissance pour ces sept premiers bataillons devant prendre leurs marques et continuant l’opérationalisation de leurs capacités depuis leur toute première opération menée en novembre 2017 sous le nom de « Haw-bi » (vache noire)[7].

 

Notes de bas de page 

[1] Voir : https://www.maliweb.net/contributions/moussa-mara-ndjamena-doit-etre-un-moment-politique-de-verite-2913115.html ; https://www.lepoint.fr/afrique/mali-a-paris-le-president-de-transition-bah-n-daw-donne-des-gages

[2] Selon certaines sources, la première opération militaire conjointe entre les forces de Barkhane, du Niger et du Tchad remonte à 2013 (Opération Roussette décrite par Cyril Robinet dans son excellent article « Genèse de la Force conjointe du G5 Sahel » , page 132 >>> https://www.editions-harmattan.fr/) ; selon d’autres, elle aurait eu lieu en 2014 (Opération Magouste citée dans  >>> https://afrimag.net/force-conjointe-sahel-recherche-financements-desesperement/).

[3] Voir par exemple : https://www.g5sahel.org/article/entretien-avec-le-general-de-brigade-oumarou-namata-commandant-de-la-force-conjointe-du-g5-sahel ; https://www.rfi.fr/fr/podcasts

[4] www.editions-harmattan.fr

[5] crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/burkina-faso/258-force-du-g5-sahel-trouver-sa-place-dans-lembouteillage-securitaire   

[6] Voir par exemple le Rapport du Conseil de sécurité des Nations Unies S/2020/476 sur la sitation au Mali en date du 2 juin 2020 (page 3) >>> https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/S_2020_476_F.pdf  / Accéder au PDF >>> Rapport ONU S 2020 476 F

[7] https://www.lemonde.fr/international/article/2017/11/11/les-debuts-fragiles-de-la-force-militaire-conjointe-du-sahel_5213535_3210.html ; https://blogs.mediapart.fr/florent-kirbil/blog/171117/apres-sa-premiere-operation-la-force-conjointe-du-g5-sahel-debriefe-n-djamena

 

Photo © FC-G5S, Facebook