Source : Revue Conflits – Afghanistan. Où en est l’opposition contre les Talibans ?
Entretien avec Ali Nazar, responsable des Relations extérieures du Front de résistance nationale d’Afghanistan/Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé 

Deux mois après leur entrée victorieuse dans Kaboul, les Talibans tiennent toujours l’Afghanistan. Leur pouvoir suscite une vive opposition dans le nord du pays. Celle-ci se structure et espère faire contrepoids aux maitres de Kaboul. Entretien avec Ali Nazary, responsable des Relations extérieures du Front de résistance nationale d’Afghanistan.

Comment expliquez-vous le fait que les Talibans aient réussi à prendre le pouvoir si rapidement ?

Les raisons pour lesquelles les talibans ont pu prendre le contrôle du pays aussi rapidement sont multiples.

  • Tout d’abord, le système présidentiel très centralisé où le président se comportait comme un monarque absolu n’a jamais permis aux institutions de se renforcer, notamment au niveau provincial et local. Le modèle adopté pour l’armée était également défectueux et les réalités de l’Afghanistan n’ont pas été prises en considération lors de la création des ANSF [Afghan National Security Forces]. Les Américains ont formé les forces armées sur la base de leur modèle et ont créé une armée et une force de police fortement centralisées. L’armée était très dépendante des conseillers et des contractants. Les conseillers n’ont pas permis la formation d’une chaîne de commandement organique et la plupart des officiers dépendaient de leurs conseillers américains. La technologie et l’équipement qui devaient être entretenus ont créé une dépendance à l’égard des entrepreneurs étrangers et, lorsque les États-Unis ont commencé à se retirer, tous ces entrepreneurs se sont également retirés. L’absence de conseillers et d’entrepreneurs a créé des vides que le ministère afghan de la Défense n’a pas été en mesure de combler à temps.
  • Une autre raison de la chute a été l’accord de février 2020. Malheureusement, cet accord bilatéral entre les Américains et les talibans a démoralisé les forces armées afghanes. Les États-Unis n’ont pas inclus la république d’Afghanistan dans les négociations et les talibans ont considéré cet accord comme un terme de reddition. Ils n’ont fait aucune concession alors que l’équipe de négociation américaine en a fait trop. L’une des parties de l’accord qui a été dévastatrice est la réduction de la répression de la violence. Cette réduction de la répression a empêché les ANSF de mener des raids nocturnes et, après février 2020, les ANSF ont été incapables d’empêcher les talibans de recruter des gens la nuit et d’attaquer leurs bases.
  • La troisième raison était la faiblesse du leadership à Kaboul. Ashraf Ghani et ses deux assistants, Hamdullah Mohib et Fazl Fazli, ont pris toute l’autorité des ministères de la Sécurité et prenaient les décisions sur le champ de bataille dans le palais présidentiel. Tous trois manquaient de formation et d’expérience militaire. De plus, tous les commandants qu’ils ont nommés au cours des derniers mois ont rendu leurs armes sans combattre. Nombreux étaient ceux qui, au sein du palais présidentiel, avaient de la sympathie pour les talibans et considéraient que les talibans étaient co-ethniques et que les forces démocratiques du nord de l’Afghanistan seraient plus dangereuses que les talibans extrémistes si les habitants du nord commençaient à résister. C’est pourquoi Ashraf Ghani n’a pas distribué d’armes ou de munitions aux forces démocratiques du Front national de résistance et toutes les armes et caches achetées par les Américains et les Européens ont été laissées aux talibans. Le 15 août 2021, Ashraf Ghani et Hamdullah Mohib ont intentionnellement remis Kaboul au réseau Haqqani. C’est pourquoi les talibans ont pris le contrôle du pays si rapidement. Ce n’est pas parce qu’ils l’ont conquis par la lutte, mais parce qu’il leur a été offert sur un plateau d’argent.

Comment s’organise l’opposition au nouveau pouvoir des Talibans ?

La seule opposition qui combat les Talibans à l’heure actuelle est le Front de résistance nationale dirigé par le commandant Ahmad Massoud. Le Front de résistance nationale a une aile militaire et une aile politique. L’aile militaire est dirigée par un comité militaire dirigé par le commandant Saleh Registani et l’aile politique comprend de nombreux comités, dont celui des relations extérieures, que je dirige actuellement. Les deux ailes sont sous le commandement du commandant Ahmad Massoud et c’est lui qui prend les décisions ultimes. Notre résistance ne se limite pas à la lutte armée. La résistance civile dans les villes, la résistance par les arts, la culture et la littérature et par bien d’autres moyens font partie de notre stratégie. (…)

 

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Photo telle que reproduite dans ibid :  Manifestations contre les Talibans à Londres, août 2021 © Unsplash