Par le chef d’escadron Alexandre Pellerin –  Dans cette troisième partie focus est fait sur la question du contrôle des drones aériens par l’opérateur.

 

3 – La problématique de la liaison de données

Même si ce n’est pas le cœur du sujet, il est important d’évoquer la question du contrôle de ces appareils par l’opérateur, qui n’est pas sans incidence sur leur emploi. La liaison de données la plus classique est la liaison radio en ligne de visée directe (Line-of-Sight), dont la portée est fonction de la fréquence choisie, qui est elle-même un compromis entre débit et portée. Ainsi, les fréquences hautes permettent un plus grand débit de données mais ont une portée moindre, et inversement. La fréquence ou gamme de fréquence utilisée est aussi dépendante de l’autorisation d’émettre, chaque pays étant souverain sur leur attribution.

Dans le cas d’un drone de transport, le débit de données n’est pas un enjeu prioritaire, et l’on peut ainsi aisément piloter le drone à une distance de 200 km. Un drone du fabriquant Boreal a par exemple effectué, en 2022, une mission à 110 km de distance de la station de pilotage, transmettant des données vidéos en direct, grâce au système de communication SL200 de l’entreprise Simpulse. La partie brouillage et intrusion, qui fait partie de la bulle A2AD, pourra être contournée par antenne directionnelle et évasion de fréquence, comme c’est déjà le cas pour de nombreux systèmes de communication radio militaire.

La liaison radio a cependant un inconvénient principal. Elle induit, en l’absence de relais, le besoin d’une ligne droite sans obstacle entre l’opérateur et l’engin, ne permettant pas de faire poser l’aéronef à longue distance, à cause du relief et, tout simplement, de la courbure de la terre. Cette contrainte pourrait cependant être contournée par un système de parachutage du colis, ou éventuellement par un système de treuillage si la distance entre l’opérateur et le lieu de livraison n’est pas trop importante, au risque d’avoir besoin d’un treuil de plusieurs centaines de mètres. Il serait également techniquement possible de transférer le pilotage vers l’opérateur recevant le colis, mais, tactiquement, cela n’est pas pertinent de faire reposer cette charge sur l’unité bénéficiaire. L’objectif de la logistique étant au contraire de faciliter la manœuvre des troupes au contact de l’ennemi.

Une autre solution est naturellement la liaison satellite, qui permettrait de conserver la liaison tout au long du parcours du drone et de le faire poser, même à très longue distance. Cette option est cependant à tempérer pour deux raisons. D’une part, le coût des moyens satellitaires étatiques est très élevé, tandis que le recours à des moyens privés de type « basse couche » rend dépendant d’entreprises comme Starlink. D’autre part, cette liaison n’est en réalité pas parfaitement permanente, notamment dans les zones très vallonnées, où il peut exister des zones blanches, tout comme dans les espaces contestés par l’ennemi, qui mettra tout en œuvre pour brouiller les systèmes de positionnement, ce que l’on appelle GNSS (Global Navigation Satellite System). Thierry Dupoux, directeur de l’innovation pour Safran Electronics and Defense, est cependant optimiste sur la « démocratisation des systèmes de centrale inertielle, lesquels, couplés avec des systèmes optiques et une liaison satellitaire, permettraient de rendre les drones aériens en grande partie autonomes et dotés d’une grande résistance au brouillage notamment des systèmes de positionnement ».

La technologie wifi, 4G ou 5G, qui permet un très haut débit de données, est, quant à elle, limitée par sa faible portée de quelques kilomètres. Elle trouve donc plutôt sa place dans une utilisation urbaine. Un maillage militaire est cependant actuellement à l’étude et pourrait permettre un déploiement suivant l’avancée des troupes.

 

Photo © conduite de mission d’un drone Boreal >>> https://www.boreal-uas.com/systeme/