Entretien avec l’Ingénieur général de l’armement Jean-Michel Labrande, directeur central du Service de Soutien de la Flotte


27/10/2010 – Alors que le Service de Soutien de la Flotte (SSF) – né un an après la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense) et précurseur de la SIMMT (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres de la défense) – achève sa dixième année d’existence, son Directeur central répondait voici quelques mois aux questions de SLD et offrait un bilan plutôt positif d’une décennie à la fois marquée par le changement de statut dès 2003 de son principal fournisseur, la DCN (Direction des constructions navales), – devenue DCNS avec l’entrée de Thales dans le groupe en 2007, et le renouvellement d’une partie des équipements.

La version intégrale de cet article est publiée dans le numéro trois de notre magazine trimestriel « Soutien Logistique Défense » et également disponible en ligne.


sur le Charles de Gaulle

Réduction des effectifs vs autonomie en mer : le bon équilibre à maintenir

Sur tout bâtiment militaire, l’entretien du matériel fait partie intégrante de la vie courante  et représente en moyenne un bon tiers des activités de l’équipage. Tendance croissante, la modernisation des équipements et le développement de la télémaintenance génèrent des économies  via une réduction substantielle du personnel de bord (de plus de cinquante pour cent sur les frégates nouvelle génération).  Crédit photo : Mouillage du Charles de Gaulle dans le Canal de Suez, Frédéric Lafargue, Opération Héraclès,décembre 2001


[SLD] Pouvez-vous rappeler les origines et les principales caractéristiques du SSF quant à son fonctionnement ? Les réformes actuelles ont-elles par ailleurs un impact sur son organisation ?

IGA Labrande : Le Service de Soutien de la Flotte (SSF) a été créé en juin 2000 dans le cadre de la clarification des rôles de maîtrise d’ouvrage et de maîtrise d’œuvre industrielle qui étaient tenus auparavant à la fois par la Marine et la Direction des Constructions Navales (DCN) de, la Délégation générale pour l’armement (DGA). La section de la DCN qui assurait la maîtrise d’ouvrage est ainsi devenue en 2000 un service de la marine, le Service de Soutien de la Flotte (SSF), tandis que DCN ne conservait que la maîtrise d’œuvre industrielle.

Lors du changement de statut de DCN en 2003, le rôle du SSF s’est élargi :

  • à la gestion des rechanges : le SSF assure le pilotage de l’activité mais confie le stockage et les délivrances au commissariat de la marine ;
  • au stockage, à la délivrance, et à la maintenance des munitions de la marine réalisés dans les pyrotechnies de Brest et Toulon. Cette activité devrait être transférée au Service Interarmées des Munitions (SIMu) fin 2010. Ce service, sous l’égide de l’EMA, gèrera les munitions pour l’ensemble des armées.

Pour être complet, il convient de citer une autre entité du SSF, la station d’essais des combustibles et lubrifiants de la flotte (SECLF) basée à Toulon et composée d’une trentaine de personnes. Ils assurent l’expertise des fluides pétroliers des navires en service ou nouveaux. Le SSF est donc chargé, sous l’autorité du chef d’état-major de la marine, de la maîtrise d’ouvrage du Maintien en Condition Opérationnelle des bâtiments de surface et des sous-marins de la Marine Nationale. Le SSF est également chargé du démantèlement des navires de surface.

Notre mission consiste à assurer la disponibilité technique des bâtiments en maîtrisant les coûts et contribuer ainsi à satisfaire les contrats organiques et opérationnels. Pour ce faire, nous mettons tout en œuvre pour garantir le meilleur niveau de professionnalisme dans l’exercice de la fonction de maître d’ouvrage du MCO naval et des pyrotechnies. L’objectif fixé par l’Etat Major de la Marine est une disponibilité technique de la flotte supérieure à 70 %. Cela signifie qu’en moyenne chaque bâtiment est disponible plus de 70 % du temps ou que chaque jour plus de 70 % de la flotte est disponible. Cet objectif est régulièrement atteint depuis 2007.

L’objectif fixé par l’Etat Major de la Marine est une disponibilité technique de la flotte supérieure à 70 %. Cela signifie qu’en moyenne chaque bâtiment est disponible plus de 70 % du temps ou que chaque jour plus de 70 % de la flotte est disponible. Cet objectif est régulièrement atteint depuis 2007.

Le service est constitué d’environ 1 300 personnes, géographiquement réparties de la façon suivante:

–          en Métropole : direction de Paris (65), Brest (450), Toulon (650) et Cherbourg (20) ;

–          dans les départements et territoire d’Outre-mer : directions de Fort de France,  Port-des-Galets à La Réunion, Nouméa, Papeete.

L’effectif hors munitions sera ramené à 850 personnes fin 2010, après le transfert de l’activité « munitions » au tout nouveau SIMu (Service interarmées des munitions).


[SLD] Quel est l’impact de l’arrivée de nouvelles générations de matériel sur le MCO naval ?

IGA Labrande : En ce qui concerne les nouveaux programmes, les exigences du MCO sont de plus en plus prises en compte en amont au cours des phases de conception. Pour les derniers programmes navals (FREMM par exemple), les contrats d’acquisition des navires incluent également les premières années de maintien en condition opérationnel après leur admission au service actif. Ceci est d’autant plus motivant pour l’industriel et le responsabilise dès la conception du navire en vue de sa phase d’utilisation, notamment dans le domaine de la logistique. La DGA et le SSF travaillent donc de concert pour établir les clauses de maintenance, les contrats se négociant généralement dans le cadre de la préparation des programmes sur une période de dix-huit mois, voire deux ans. Un effort a été réalisé pour les nouvelles générations de navires – FREMM et sous-marins Barracuda – pour obtenir  une meilleure prévision des opérations utiles de maintenance ainsi que leur planification. Ainsi, malgré la complexité croissante et l’équipement très complet des futurs navires, le SSF ne constate pas dans les contrats notifiés d’augmentation notable de coût du MCO, indépendamment bien-entendu de l’évolution de variables extérieures aléatoires du type prix des matières premières (de l’ordre de 3 à 4 % au cours de ces dernières années).
S’agissant du coût global de possession, des économies ont au contraire été réalisées en raison par exemple d’un plus grand espacement dans le temps des besoins de maintenance des matériels modernes ou de la réduction des effectifs à bord (cent huit marins sur les FREMM au lieu de deux cent cinquante sur les frégates de la génération précédente, moins automatisées).