Par le Général Gaviard
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Cet article publié par L’Express le 31 janvier 2013 est reproduit ci-dessous avec l’accord de l’interviewé.


Propos recueillis par Romain Rosso, publié dans l’Express le 31/01/2013

2-ii-2013 – Surprise et rapidité sont les deux facteurs-clefs du succès militaire français, à ce stade, selon le général Jean-Patrick Gaviard. La sortie de crise, elle, reste à définir.

Sévaré (Mali)- “Les djihadistes pensaient défaire l’armée malienne, qui était très affaiblie, par une attaque de type classique.
Mais ils ont manifestement sous-estimé la capacité de réaction de l’armée française, qui a stoppé leur progression dans le cadre d’un combat symétrique où elle a l’avantage.”

afp.com/Fred Dufour


Quelles sont les raisons, à ce stade, de l’opération Serval, du succès des forces françaises au Mali?

Cette première phase de l’opération repose sur deux éléments importants. Premier facteur: l’importance de la capacité “d’entrée en premier”. Les djihadistes pensaient défaire l’armée malienne, qui était très affaiblie, par une attaque de type classique. Mais ils ont manifestement sous-estimé la capacité de réaction de l’armée française, qui a stoppé leur progression dans le cadre d’un combat symétrique où elle a l’avantage. La surprise et la rapidité sont des fondamentaux des conflits armés. Cette capacité d’entrée en premier, rare en Europe, nécessite d’importants moyens de renseignement, de projection de puissance et de forces. Certes, nos armées frisent parfois la rupture, comme en Libye et même aujourd’hui au Mali. Mais cela demeure un vrai savoir-faire, lié à un entraînement de qualité qu’il conviendra de conserver.

Deuxième facteur, un processus décisionnel unique, qui permet au président de la République, chef des armées, de prendre très rapidement des décisions opérationnelles. Ce processus repose sur la possibilité de réunir, dès qu’il le souhaite, un conseil de défense. Dans cette instance, lui sont exposés la situation et les moyens d’action qu’il pourrait engager ainsi que les risques liés à cet engagement. Les ministres des Affaires étrangères, de la Défense et de l’Intérieur (dans le cadre de la menace intérieure) sont présents, ainsi que le chef d’état-major des armées, lequel est le responsable de l’emploi des forces sous l’autorité du président de la République. Cette lourde responsabilité est liée de façon étroite au prix du sang des soldats sous ses ordres.


Quelle est la prochaine phase?

Il faut penser, dès aujourd’hui, la “sortie de crise” en privilégiant une “approche globale”. Cela suppose de laisser les forces africaines prendre rapidement le relais des Français -le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, l’a souligné à juste titre- afin d’éviter un enlisement ou plutôt un ensablement long, coûteux, voire dangereux, comme l’a démontré l’expérience afghane.

Il faut aider au rétablissement de l’armée malienne

Il était d’abord nécessaire de débloquer les moyens financiers au profit des forces de la Cedeao, qui devront réaliser cette mission de stabilisation. La réunion de l’Union africaine à Addis Abeba, le 29 janvier, a permis de lever les fonds nécessaires. Au plan militaire, ce passage de flambeau ne devrait pas poser de problème. Nos soldats connaissent bien les forces africaines qui vont les relayer, puisque ce sont les mêmes qui sont aujourd’hui en Côte d’ivoire au côté de Licorne. Le retrait de nos soldats pourrait ainsi s’effectuer avant la saison des pluies, au début de mai. En cas d’urgence, une force de réaction rapide (quelques compagnies de l’armée de terre, des hélicoptères et des avions de combat) devra être positionnée judicieusement en réserve sur le théâtre.

Parallèlement, il faut aider au rétablissement de l’armée malienne. L’Union européenne s’y emploie puisque la mission intitulée EUTM dirigée par François Lecointre, un général français, est en cours de déploiement. Enfin, l’Europe devra aller au-delà en participant, en liaison avec l’Union Africaine, à la reconstruction de la justice malienne.

 

Voir également sur le Mali l’entretien du Général Gaviard publié dans l’Express du 22 janvier 2013: Les Européens doivent s’engager dans la sortie de crise”