(Aurélien François, stagiaire au CERPA – La note du CESA N°99 – ) L’industrie de défense et les forces spéciales : le cas du développement du nano-drone
Le nano-drone, version réduite du micro-drone, mesure entre 15 et 30 cm. Discret et très mobile, ce système développé depuis une dizaine d’années seulement, séduit de nombreuses unités des forces spéciales occidentales. Le développement de cette nouvelle technique de pointe s’inscrit dans un processus plus large, de nombreux industriels s’intéressant de plus en plus au marché des forces spéciales.
Le développement de systèmes de surveillance miniatures
L’idée de concevoir un nano-drone pour les forces armées germe en 2006-2008, lorsque la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), l’agence de recherche et de développement du Département de la Défense américain, demande à la firme AeroVironment de développer un nano-drone de surveillance, capable de voler en intérieur et en extérieur. Avec un financement concédé de 4 millions de dollars, elle parvient à créer un engin de 19 grammes semblable à un colibri. Mesurant 15 centimètres, il peut voler à 18km/h, pour une durée maximale de 11 minutes. Inauguré en 2011, le Hummingbird Nano Air Vehicle (NAV), est doté d’une très grande manoeuvrabilité. De son côté, la société norvégienne Pro Dynamics conçoit depuis 2008-2012 le nano-drone hélicoptère PD-100 Personal Reconnaissance System (PSR), aussi appelé Black Hornet. Mesurant 16 cm pour un poids total de 18 grammes, ce nano-drone dispose de 3 caméras pouvant fournir à son opérateur des images couleurs et thermiques en haute définition et en temps réel. Il peut voler pendant 25 minutes, et atteindre une distance de 1 600 mètres.
De nombreuses commandes chez les forces spéciales occidentales
Les sociétés qui produisent les nano-drones voient chez les forces spéciales (principalement occidentales) de potentiels clients qu’il faut absolument séduire. ProxDynamics parcourt ainsi les salons spécialisés pour présenter ses produits à ces unités (Eurosatory en 2016 par exemple).
En 2011, le Ministry of Defence britannique a ainsi acquis plus d’une centaine de PD-100 pour ses forces. Un an plus tard, le Special Air Service (SAS) ainsi que les unités de reconnaissance de l’armée britannique ont commencé à utiliser le Black Hornet en Afghanistan. Les Américains emploient aussi ce modèle de nano-drone au combat. Les forces spéciales du corps des Marines l’utilisent notamment depuis 2015. Au total, seize pays, principalement des membres de l’OTAN, seraient actuellement dotés de nano-drones. En France, l’armée de Terre teste actuellement le nano-drone.
Le couple forces spéciales et industriels : un moteur pour l’innovation
La commercialisation du nano-drone auprès d’unités d’élite occidentales ne constitue qu’un exemple de projets parmi tant d’autres. Depuis quelques années, les forces spéciales semblent devenir une cible de prédilection pour certains industriels de la défense. Des entreprises comme Blackhawk (équipements en toile) ou encore Ops-Core (casques balistiques), ont commencé par développer des équipements pour les forces spéciales, avant de devenir des marques à renommée internationale. Des salons sont organisés spécialement pour eux : SOFEX (Special Operations Forces Exhibition and Conferences) au Liban depuis 1996, SOFINS (Special Operations Forces Innovation Network Seminars) depuis 2013 en France. L’occasion pour les industriels de présenter directement leurs nouveaux produits auprès des militaires susceptibles de les utiliser, et de montrer leur réactivité quant à l’évolution des pratiques guerrières.
Particulièrement exigeantes dans leurs attentes sur le matériel, les forces spéciales reçoivent des financements, parfois très importants, pour lancer des appels d’offres ou des programmes de recherche sur certains équipements ou armements. À ce titre, l’USSOCOM, le commandement américain des opérations spéciales, a demandé au Congrès pour 2017 un budget d’environ 500 millions de dollars pour la recherche, pour le développement et pour les tests de nouvelles techniques de pointe susceptibles d’intéresser ses unités. Pour la recherche et le développement
du programme d’armure « Iron Man », l’USSOCOM dispose ainsi de 80 millions de dollars.
Équiper les forces spéciales d’un pays semble être aujourd’hui devenu un tremplin commercial pour de nombreux industriels de la défense. Le cas du fusil HK 416 en témoigne parfaitement : conçu dans les années 1990 à la demande de la Delta Force américaine pour remplacer ses M4 en service, ce fusil d’assaut équipe aujourd’hui de nombreuses unités militaires et paramilitaires dans le monde ; la France en dotera d’ailleurs ses forces armées à partir de 2017.
*** Ces propos ne reflètent que l’opinion de l’auteur.
Source >>> http://www.cerpa.air.defense.gouv.fr/images/pdf/Note_Cesa/n99nano_drone.pdf
Photo © http://www.airforce-technology.com/projects/-hummingbird-nano-air-vehicle/
Vidéo ci-dessous © http://www.darpa.mil/