Texte et photos par Murielle Delaporte – reportage à bord du MSN 31 –
« Depuis qu’il est disponible, l’A400M a été utilisé sur tous les théâtres extérieurs : c’est l’axe prioritaire et l’important pour nous est qu’il fasse les missions qui lui sont demandées », commence le Commandant de bord de l’A400M, dont la mission aujourd’hui consiste à convoyer à partir de la BA 123 d’Orléans-Bricy une quarantaine de PAX (passagers) et leurs bagages, mais aussi du matériel roulant (moteur de Mirage 2000 et groupe électrogène) et du fret palettisé sur quatre destinations : Solenzara – notre Base avancée projetée en Jordanie – Al Dhafra aux Emirats Arabes Unis – Djibouti.
La fin des ruptures de charge
« Au retour de Djibouti à Orléans, nous serons 49 ou 50 passagers, en plus du matériel revenant en métropole, ce qui veut dire que tous les sièges et tout l’espace de la soute seront utilisés. Il s’agit là d’une avancée majeure par rapport au Transall ou à l’Hercules, car nous devions choisir entre palettes et PAX… (…) Le but, c’est d’emporter le maximum de charge à l’endroit donné et le plan d’infrastructure en cours de développement sur la BA123 permet de gagner en efficacité en évitant les ruptures de charge et en concentrant les compétences. L’équipage peut ainsi s’entraîner la veille sur le simulateur du Centre d’instruction des équipages de transport, le CIET, si nécessaire. Si nous pouvons emmener 25 tonnes en une seule fois, on le fait…», explique le Commandant Cyril, de la 61e Escadre de Transport d’Orléans.
Par comparaison, la charge moyenne emportée sur C130 est de 15 tonnes et celle emportée sur C160 de 6 tonnes ; le gain de temps est d’une journée sur un trajet de 5000 kilomètres réalisable en huit heures sur A400M et économisant une escale par rapport au Transall.
Cette régulière A400 M existe de façon quasi-hebdomadaire sur Chammal, ainsi que sur le théâtre Barkhane et ce d’autant plus que les capacités de poser sommaire et d’aérolargage de fret sont en train d’être certifiées. L’utilisation de l’avion avec JVN (jumelles de vision nocturne) fait aussi partie des capacités en cours d’acquisition. Les premiers essais de leurrage doivent aussi commencer ce mois-ci, mais ainsi que le souligne le Commandant Cyril, « la difficulté pour nous n’est pas tant d’avoir la capacité délivrée, mais elle vient surtout après, lorsque nous devons mettre en place les bonnes procédures pour savoir comment et à quel moment utiliser telle ou telle capacité , tout en travaillant sur la documentation et l’évaluation des bons seuils de détection par les capteurs. Celle-ci s’améliore au fil des retours d’expérience, car ce qui peut paraître évident à un pilote d’essai ou un « design office » ne le sera pas forcément pour un jeune pilote. Cela prend aussi du temps… Une capacité signée ne suffit donc pas à sa mise en œuvre. »
« On ne subit plus les pannes ! »
C’est, de l’avis de l’équipage du MSN31, cette amélioration progressive de la documentation en étroite coopération entre l’armée de l’Air et le constructeur Airbus Military qui a permis de doubler en l’espace de deux ans la disponibilité tant décriée de l’A400M : « nous maintenons actuellement quatre avions en l’air sur un total de onze avions: huit sur la plateforme et trois en NSI [soutien industriel de niveau technique NTi2 et 3]. Nous sommes donc globalement à un taux de disponibilité de 50%, ce qui est énorme lorsque l’on compare avec les années précédentes au cours desquelles nous sommes montés régulièrement à 15, 20, 30 % avec l’arrivée de nouveaux aéronefs », souligne le Commandant Cyril.
L’armée de l’Air devrait pouvoir s’appuyer sur un parc de treize avions d’ici la fin de l’année et quinze fin 2019 sur un total commandé de cinquante. Même si les flux sont tendus et si les équipages reconnaissent que deux avions de plus faciliteraient la bonne conduite des missions, cette amélioration du taux de disponibilité est conforme à la courbe de gausse classique affectant le maintien en condition opérationnelle (MCO) de tout programme d’armement en début et en fin de cycle de vie. Une solution provisoire a été trouvée pour résoudre le problème des moteurs, tandis qu’Airbus est en train de travailler sur une version définitive mieux adaptée à la puissance de l’avion. Mais ce qui a surtout changé ces derniers douze mois, du point de vue des pilotes comme des mécaniciens, est la gestion des pannes: « de nombreux senseurs et détecteurs étaient réglés au plus fin, car Airbus s’inscrivait légitimement dans une politique conservative de sécurité et avait besoin de bons retours : c’est ce que nous avons fait et en faisant évoluer au fur et à mesure ces derniers, de nombreuses pannes sont passées en malfonctions temporaires le temps d’une future mise à jour », explique le Commandant.
Pour les Sergent-chefs P. et G., respectivement mécaniciens vecteur et avionique au sein de l’ESTA (escadron de soutien technique aéronautique) d’Orléans, « si la mécanique reste la mécanique, nous devons en revanche réussir d’une part à appréhender la partie informatique et toutes les méthodes de communication que nous avons avec l’avion, et, d’autre part, à bien interpréter les signaux que la machine nous envoie. » C’est cet apprentissage progressif du langage de l’A400M qui permet aujourd’hui, exactement comme ce fut le cas pour le Rafale, avion de nouvelle génération également, de différencier « fausses pannes » et véritables alertes.
« Avant, comme il y avait peu d’avions, on ne pouvait que subir les pannes. Aujourd’hui on ne subit plus les pannes ! Ce matin, nous en avons eu une au moment d’entrer dans l’avion. Nous avons effectué un petit test, nous avons perdu cinq minutes et nous sommes partis… La même panne, il y a seulement un an et demi, nous aurait ramenés vers l’Escadron et l’Escale en vue d’une intervention plus lourde des mécaniciens permettant de poser le diagnostic. Nous aurions dû attendre ce dernier, ou une réparation, ou un changement d’avion, ce qui aurait entraîné un report dans l’après-midi…», raconte le Commandant Cyril.
C’est cette fluidité nouvelle dans la conduite des missions logistiques sur A400M qui permet aujourd’hui de compter sur l’aéronef pour assurer les régulières sur tous les théâtres d’opération au profit de nos forces armées, mais aussi, par le mécanisme de l’EATC, au profit de nos alliés engagés à nos côtés.
En route pour le théâtre Chammal au départ de la BA 123
>>> Retrouvez la suite de ce reportage et les témoignages de l’équipage du MSN-31 dans le prochain numéro de notre magazine, à paraître en juin pour le Salon du Bourget.