Série Les guerrières – Par le Lieutenant-Colonel (R) Michel Klen – Cet article fait suite à celui  sur les guerrières kurdes et rapporte d’autres témoignages édifiants de combattantes qui ont pris les armes.

Des militantes kurdes ont été enrôlées dans les peshmergas, un terme qui qualifie les guerriers du Kurdistan. Le mot signifiant « au-devant de la mort »souligne avec force la bravoure d’un soldat qui se battra jusqu’au sacrifice suprême pour défendre sa patrie. Aujourd’hui, il y aurait environ 2000 femmes kurdes servant dans l’armée du Kurdistan. L’une des toutes premières est Margaret George Shello (nom de guerre Malik), une peshmerga chrétienne qui a rejoint les forces kurdes pour lutter contre le gouvernement irakien dans les années 1960. Très vite ses qualités de leadership et son courage sur le terrain en font une véritable chef de guerre. Mais son parcours glorieux est brisé brutalement en 1969 à 28 ans. Sa mort dans des conditions mystérieuses (assassinat ?), en pleine force de l’âge, la fait entrer dans la légende. Surnommée la Daya (la Mère), elle devient une icône dans la société kurde. D’autres exemples de guerrières servent de référence à cette communauté du Moyen-Orient. Parmi ceux-ci Beritan, nom de guerre de Gülnaz Karatas, une jeune fille du Kurdistan, qui était étudiante en économie à l’université d’Istanbul avant de s’engager dans les peshmergas. Cette combattante a préféré mourir à 23 ans plutôt que de se laisser capturer par les soldats qui l’encerclaient. Pour échapper à ses ennemis, la jeune femme, transcendée par ses sentiments patriotiques, s’est jetée du haut d’une falaise après avoir cassé son arme pour ne pas la laisser à ses adversaires. Bel exemple d’héroïsme qui a fait de Beritan un mythe. Sa destinée tragique illumine le combat des Kurdes.

Le dépassement de soi constitue le moteur des guerrières kurdes qui subliment leurs ressources mentales et physiques pour atteindre les limites les plus extrêmes dans le but de défendre leur communauté. Les qualités martiales de ces femmes téméraires ont notamment été mises en relief dans les combats pour la reconquête de Raqqa, la capitale de l’Etat islamique (octobre 2017). Dans cette bataille cruciale, les combattantes kurdes ont joué un rôle clé dans la défaite de Daech. Mais la lutte des peshmergas au féminin va bien au-delà du cadre militaire. Leur combat s’inscrit aussi dans celui pour le droit des femmes. Ce dessein a été exprimé avec force par le Congrès des femmes libres (KJA en kurde). Cette organisation entend dénoncer avec vigueur la société dominée par les hommes. Le KJA réunit périodiquement les représentantes des communes et des quartiers des villes. Le siège central du mouvement se trouve à Bakûr dans le Kurdistan turc. Le travail du Congrès est articulé en commissions : économie, politique, vie sociale, justice, écologie, éducation, culture, gouvernements locaux, lutte contre la violence et auto-défense. Un effort important a été consenti sur ce dernier sujet pour enrayer les violences conjugales et les attaques sexistes. Dans ce cas, la victime bénéficiera de l’aide d’un groupe qui exercera des représailles contre l’agresseur et le forcera à payer des réparations. Le concept d’auto-défense ne concerne pas seulement les violences physiques, mais a trait aussi au champ politique. Pour ce faire, un programme d’éducation politique a été élaboré. Ce processus inclut une étude des mouvements révolutionnaires dans l’histoire et vise à faire prendre conscience de l’identité des femmes.

L’idée d’auto-défense armée s’est traduite concrètement par la mise sur pied dans les villes de groupes de protection composés uniquement de femmes, les YPS-Jin (unités féminines de défense civile) et de formations de combattantes au sein des guérillas, les YJA-Star. Dans ces unités de commandos, les jeunes femmes ne reçoivent pas seulement une formation militaire et physique, mais elles apprennent à vivre sur le terrain et en communauté dans les montagnes. On le voit bien, les femmes kurdes sont déterminées à mettre en valeur leur force d’initiative et à l’utiliser dans l’intérêt de la société. Les guerrières de la cause kurde et de la lutte contre Daech sont aussi des guerrières de l’émancipation féminine.

 

Photo © Hikmet Durgun, Sputnik >>>  https://fr.sputniknews.com/international/201710031033317106-femmes-peshmergas-kurdistan-iran-irak-daech-terroristes/