Le renseignement d’origine technique (SIGINT pour Signals Intelligence) a été capital pour la victoire des alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Certains historiens s’accordent même à penser qu’il a permis de réduire de 2 ans la durée du conflit. On pense évidemment au fameux déchiffrage des codes Enigma par Alan Turing et Gordon Welchman grâce à leur ordinateur appelé « la bombe ». Reste que cette dimension technique ne doit pas nous faire sous-estimer l’importance du renseignement d’origine humaine (HUMINT) qui permit notamment aux alliés de préparer le débarquement en montant une opération d’intoxication basée sur la propagation de fausses rumeurs et informations appelée opération Fortitude.
L’opération Fortitude
Durant la Seconde Guerre mondiale, les nazis ne furent pas les seuls à faire usage de la rumeur comme d’une arme de guerre. En effet, les alliés n’hésitèrent pas à faire usage de celle-ci notamment dans le cadre d’une opération appelée Fortitude qui signifie courage en français. L’effet final recherché de Fortitude était non seulement de cacher aux Allemands que le lieu du débarquement serait la Normandie mais encore, une fois celui-ci lancé, de leur faire croire que ce dernier ne serait qu’un débarquement de diversion.
Face à la concentration des troupes qui s’effectue en Angleterre dès fin 1943, il devient impossible pour les alliés de cacher aux nazis l’imminence du débarquement. Face à cette évidence, Fortitude va consister à faire croire au haut commandement allemand qu’un double débarquement se prépare à la fois en Norvège et au Pas-de-Calais. Face à ce risque, les nazis entreprennent la construction et le renforcement du Mur de l’Atlantique, série d’ouvrages militaires, censé empêcher tout débarquement sur le front Ouest.
Pour devenir plausible et prendre corps, Fortitude a nécessité d’une part, la création d’unités fantoches sur le sol anglais, une activité sur les ondes factices et la diffusion de faux documents via les réseaux d’agents doubles et d’autre part, le maintien du plus grand secret quant aux objectifs réels poursuivis par le haut commandement allié.
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Pour donner encore plus de réalisme à cette intoxication massive, Eisenhower confiera au général Patton, général considéré comme le Rommel américain par les nazis, le commandement fictif d’un état-major dédié, ainsi que des installations et équipements factices, véritables leurres pour le renseignement ennemi qui prirent la forme de reproductions de char gonflables et de création de pièces d’artillerie en bois.
D’autres techniques de manipulation consistèrent en le bombardement intensif de zones proches du Pas-de-Calais afin de donner corps là-aussi à Fortitude, ce qui eut comme conséquence notable la destruction des villages du Portel et d’Équihen-Plage et de nombreuses victimes civiles. Le Touquet subira lui aussi notamment en juin 1944 de nombreux bombardements.
Fortitude, malgré ses conséquences humaines conséquentes, fut un véritable succès. Grâce au décodage d’Enigma, les alliés purent vérifier rapidement que les nazis crurent à la véracité supposée de Fortitude d’où l’obsession du haut commandement allemand sur le Pas-de-Calais et l’incrédulité de Von Rundstedt, commandant en chef de l’Oberbefehlshaber West -le haut-commandement de l’Ouest, couramment abrégé en « OB West »-, lors des premières heures du débarquement en Normandie. Ainsi la rumeur avait pris corps et produit l’effet final recherché.
De facto, l’opération Fortitude fut avant tout décisive en ceci qu’elle obligea les Allemands à garder une masse de troupes concentrées dans le Pas-de-Calais en réserve, en attente d’une attaque des alliés jugée par eux probable. Elle permet ainsi aux Alliés de maintenir, puis de consolider, leurs positions durant la terrible bataille de Normandie qui suivit le débarquement et d’entamer la libération de l’Europe…
Photographie telle que reproduite sur le site: https://www.lepoint.fr/histoire/debarquement-operation-fortitude-ou-comment-les-allies-ont-berne-les-nazis-06-06-2014-1832918_1615.php