(Extrait de notre dernier numéro) – Par le général de corps aérien (2S) Jean-Marc Laurent
L’aviation militaire n’a pas échappé aux effets de la COVID-19
L’impact économique et humain de la crise sanitaire de la COVID-19 sur la filière aéronautique est assurément majeur, partout dans le monde et bien entendu en France. Ses effets ont été fortement ressentis dans l’aviation commerciale dont les flottes, brutalement clouées au sol, ne reprennent que progressivement les Airs. Par voie de conséquence, c’est tout l’écosystème du transport aérien qui a dû contracter son activité et certains de ses acteurs ont d’ores et déjà été condamnés à disparaître.
Si la loupe médiatique s’est largement portée sur l’aviation grand public, l’aéronautique militaire n’a pas été épargnée par la pandémie. Les forces armées françaises, mais aussi européennes et alliées, n’ont ainsi pas échappé au cataclysme sanitaire et ont été confrontées au double défi de se protéger en adoptant des mesures conservatoires tout en répondant à l’obligation de permanence opérationnelle, que ce soit au titre de la souveraineté (dissuasion, défense aérienne, action outre-mer, etc.) ou des engagements internationaux (Levant, Sahel, Baltique, etc.). Contrairement à l’aviation civile, cet impératif stratégique leur a interdit toute interruption des vols et les a obligés à assurer coûte que coûte une continuité de leur action sécuritaire dans la troisième dimension.
La poursuite de ces missions de première ligne n’a pas bénéficié d’un réel éclairage médiatique et est mal appréhendée par une opinion que la réalité quotidienne a détournée vers des préoccupations plus personnelles. Certes, des événements liés à la COVID-19 ont parfois permis aux forces aériennes interarmées de sortir de l’ombre, qu’ils relèvent de la contribution à la réponse étatique (rapatriement de nationaux depuis différentes zones du monde, déplacement de malades entre régions européennes, etc.) ou qu’ils mettent en évidence des situations inhabituelles comme l’épisode de contagion sur le porte-avions Charles de Gaulle. Les manifestations de la fête nationale française ont aussi rappelé le rôle des armées dans la gestion de la crise et le volet aérien n’a pas été oublié. Pour autant, on doit constater que ces événements, médiatisés dans l’instant, n’ont pas empêché l’effet d’occultation de l’immense tension que les forces en général, et aériennes en particulier, ont supportée pour continuer à garantir la sécurité des Français, des Européens et des Alliés.
Il faut dire qu’il est toujours difficile, pour ceux qui ne les vivent pas directement, de se représenter la réalité des engagements militaires. Leur éloignement, leur dissémination, leur diversité et leur nature confidentielle ne facilitent pas leur appropriation à l’échelle de l’individu. En outre, il est difficile, pour un citoyen, confronté à une crise sanitaire qui peut le mettre personnellement en danger, de s’attarder sur une action militaire vue comme distante. Mais il doit savoir que la communauté de défense, et tout spécialement l’aviation militaire, a dû produire un puissant effort pour répondre aux engagements sécuritaires nationaux, européens et alliés, malgré les mesures sanitaires qu’elle a dû appliquer.
Cet effort, dont on se rend mal compte de l’ampleur, aura inévitablement des répercussions humaines, techniques et donc capacitaires à court et moyen termes. Mais cela pourrait arriver à un moment où les esprits verront dans la COVID-19 une crise passée qui ne justifie plus la même urgence. Il est donc essentiel de souligner dès à présent une situation éminemment critique pour ne pas laisser penser que l’aviation militaire sortira indemne de l’épisode. Il s’agit de comprendre la nécessité, comme pour d’autres secteurs d’activité de première ligne, d’une réponse politique, économique, voire juridique à la hauteur, mais aussi du besoin d’un retour d’expérience approfondi sur le concept d’emploi des forces armées, en général, et aériennes, en particulier. (…)
Lire l’article en entier en version pdf >>> Obligation de permanence par le general Laurent Operationnels SLDS # 50 automne 2020
Photo © Alexandre Beuzeboc, armée de l’Air, BA 125 d’Istres, mars 2018