Source : DICoD – Extrait de l’audition de Florence Parly,  ministre des Armées, devant la commission de la Défense nationale et des Forces armées de l’Assemblée nationale, le mardi 4 mai 2021

(…) A la lumière de [l’] actualisation stratégique d’une part, et des retours d’expérience du terrain d’autre part, nous avons pu identifier des premiers ajustements capacitaires dans trois grands domaines (…), qui renforceront notre capacité à agir dans les conflits à venir, notamment les conflits hybrides : je veux parler de la détection, de la protection et de la préparation.  (…)

  • Le premier axe, « Mieux détecter et contrer », vise à renforcer la priorité que nous donnons au renseignement, en développant notamment nos capacités défensives et offensives dans le champ du cyber et du numérique.
    Pour renforcer notre cyberdéfense, nous allons nous appuyer sur le programme d’intelligence artificielle Artemis pour booster nos capacités de valorisation de la donnée. L’objectif, c’est d’analyser et de recouper des données massives grâce à des algorithmes d’IA afin de détecter des modes opératoires, de reconnaître des tactiques ou des techniques particulières qui sont autant de signatures des cyberattaquants. Nous investirons dans la construction d’un datacenter dédié, à Bruz, au plus près du pôle de cyberdéfense que nous avons développé à Rennes, ainsi que dans le développement d’outils de collecte, de traitement de données ainsi que de logiciels. Des capacités supplémentaires de stockage et d’exploitations de données en masse seront ainsi acquises. Toujours dans le domaine de la cyberdéfense, pour protéger nos communications, nous allons accélérer le renouvellement des équipements cryptographiques des Armées. On parle communément de chiffreurs. Cela passera par l’acquisition de 1300 chiffreurs destinés aux radios tactiques, des radios qui sont indispensables à nos opérations en coalition, et par le développement d’une nouvelle gamme souveraine de chiffreurs. Pour renforcer nos moyens de surveillance et mieux prendre en compte le besoin d’attribution des actions, nous allons acquérir des capacités supplémentaires d’interception et de localisation des émissions électromagnétiques qui pourront être embarquées sur nos équipements, que ce soit un 4×4, un char, un bâtiment de la Marine ou bien un aéronef. Nous devrons aussi acquérir des services de surveillance de l’espace par des télescopes ainsi que d’interceptions radar dans le domaine maritime. Nous allons également investir dans ce nouveau domaine que sont les grands fonds marins, les abysses, par l’acquisition de premières capacités sous-marines qui seront des drones d’investigations et d’actions. Ce qu’il faut retenir de ce premier volet, c’est que demain, nous pourrons regarder, déceler un ennemi potentiel et agir partout : sur terre, sur les mers, sous les mers, dans l’air et dans l’espace.
  • J’en viens maintenant au deuxième axe d’ajustement, intitulé « Mieux se protéger », qui consiste à accélérer l’effort porté sur la résilience et la protection de nos forces, du territoire national et des Français. Il concerne trois domaines en particulier : les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, dits NRBC d’une part, la santé d’autre part et enfin la lutte anti-drones. La crise sanitaire que nous traversons actuellement a mis en lumière des secteurs qui nécessitent davantage d’investissements. Je pense notamment à celui lié aux risques Nucléaires Radiologiques Biologiques et Chimiques. Ce risque est présent sur des zones où nos forces pourraient encore être engagées à l’avenir. Nous devrons donc nous doter mieux et plus de protections individuelles, constituer des stocks de précaution au bon niveau et travailler au développement d’une filière souveraine de contre-mesures médicales ainsi que des moyens nouveaux d’identification. Dans le domaine de la santé, le durcissement de notre environnement stratégique induit un risque accru de devoir prendre en compte plus de blessés sur les théâtres d’opérations. Nous allons donc améliorer les capacités d’évacuation sanitaire des armées, en commandant 20 kits supplémentaires « MEDEVAC » pour les hélicoptères et en améliorant la prise en charge des évacuations médicales par les avions de transport tactique comme les A400M ou bien les C130H. Nous allons également lancer des études pour moderniser la capacité d’évacuation « Morphée » sur les MRTT, qui a été si utile et pertinente il y a un an. Pour ce qui est de la lutte anti-drones qui, je le rappelle, fait partie de la stratégie d’innovation du ministère des Armées et s’est affirmée comme un domaine opérationnel clé dans le conflit du Haut Karabagh, nous travaillons sur deux fronts : d’une part des travaux de R&D afin de préparer les futurs systèmes d’identification et de neutralisation de drones, et d’autre part l’acquisition à très court terme de moyens existants pour sécuriser davantage nos installations sensibles, les évènements majeurs ainsi que nos forces déployées. Une protection particulière sera assurée sur une dizaine de sites essentiels. Les moyens que nous avons déjà éprouvés pour protéger le G7 ou le 14 juillet vont être étendus. Nous veillerons aussi à équiper quelques véhicules terrestres ainsi que les bâtiments de la Marine de cette capacité. Cela nous permettra de renforcer la sécurité notamment de la coupe du monde de rugby 2023 ou bien des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
  • J’en viens au troisième axe, intitulé « Mieux se préparer », qui concerne l’entraînement et la préparation opérationnelle. Ce que nous montrent les conflits d’aujourd’hui, c’est que nos armées doivent être prêtes à pouvoir riposter dans tous les champs de conflictualité, qu’ils soient matériels ou immatériels. Cela demande un entraînement plus conséquent et plus sophistiqué, notamment dans ces nouveaux espaces de conflictualité. L’effort en cours sur la disponibilité de nos matériels doit être poursuivi pour permettre de multiplier les entraînements au quotidien et de perfectionner les scénarios de préparation. Il faudra aussi renforcer notre recours à la simulation, et la rendre aussi réaliste ou exigeante que possible. Cela passera par un investissement dans des centres de préparation opérationnelle plus complets ainsi que par le développement de nouveaux moyens de simulation. Enfin il nous faudra poursuivre nos études sur le combat connecté. (…)

Lire l’audition  en entier  >>>Propos liminaire de Florence Parly – Perspectives de la LPM – Commission de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale

Photo : vols d’évacuation sanitaire de l’A330 Phénix équipé du kit Morphée afin de désengorger les hôpitaux du Grand Est ©  Anthony Jeuland, AAE,  telle que publiée dans >>> https://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/le-ministere-des-armees-pleinement-mobilise-contre-l-epidemie-du-covid-19