Par Murielle Delaporte –  S’il est une règle incontournable en matière de défense et de sécurité, c’est bien la nécessité de toujours avoir un Plan B quelle que soit la mission entreprise et une redondance maximale en matière de moyens, dans la mesure où les lois de programmation et budgets alloués le permettent*.

 

Une diversification cyber devenue incontournable

Ceci est également vrai dans les domaines dits hybrides comme le cyber et c’est ce qu’a semble-t-il bien compris le gouvernement Zelenski en anticipant les attaques cyber et la guerre de l’information caractéristiques des opérations traditionnellement menées par le Kremlin.

Non seulement les fournisseurs d’accès à internet ont-ils diversifié leurs réseaux en anticipation de l’invasion russe et des attaques cyber préparées en amont[1], mais le président Zelensky a appelé à l’aide Elon Musk de façon à ce qu’il active des stations Starlink au profit des Ukrainiens permettant à ces derniers de continuer à être connectés[2].

Le résultat est une stratégie de communication au moins équivalente à celle de leur adversaire russe (notamment via Twitter). En résultent actuellement non seulement la possibilité de contrecarrer les efforts de désinformation du Kremlin et de rallier un maximum de soutiens tant intérieurs qu’extérieurs, mais aussi la capacité à rassurer la population en prouvant que les rênes du pays sont en ce début de conflit toujours entre les mains du gouvernement légitime ukrainien.

Un tel principe de redondance et de durcissement des moyens cyber s’applique depuis longtemps à la connectivité d’un point de vue militaire. Il touche aujourd’hui tous les domaines du champ de bataille ou nouveaux « champs de conflictualité » selon l’expression d’usage au sein des Armées.

 Le risque de se faire dépasser par l’émergence d’un système financier international concurrentiel

Les exemples de duplication de moyens sont nombreux et il ne faut bien-sûr pas perdre de vue que l’adversaire tient le même raisonnement. Ainsi il est clair que le Kremlin s’est également préparé aux sanctions en cours en diversifiant ses placements, ressources et réseaux financiers. Là encore utiliser l’arme des sanctions doit se faire en anticipant le risque de perdre à terme les quelques leviers de désescalade dont les démocraties disposent encore.

La menace de systèmes financiers concurrentiels type cryptomonnaies n’est en ce sens pas à prendre à la légère, surtout si nos adversaires sont conduits à vivre de plus en plus en autarcie afin d’éviter les sanctions (une évolution déjà très visible en Russie).

D’après un article publié par Bloomberg[3] le 24 février dernier, 12% de la population russe – soit 17 millions d’habitants – possèderaient déjà plus de 22 milliards de dollars sous forme de cryptomonnaie. Le développement des « stablecoins » en particulier rend ce marché de plus en plus attractif en facilitant la conversion de monnaies numériques en monnaies traditionnelles[4].

Préserver (en l’adaptant aux nouvelles réalités virtuelles) le système monétaire international (SMI) qui assure la stabilité mondiale depuis la fin de la seconde guerre mondiale fait aussi partie des priorités sécuritaires de ce début de siècle agité.

 

Notes de bas de page

[1] Voir par exemple le developpement et « l’utilisation d’un tout nouveau malware de type « wiper » » expliqué dans >>> https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/cyberguerre-guerre-ukraine-russie-utilise-malware-encore-jamais-vu-96990/

[2] https://www.space.com/elon-musk-says-spacex-starlink-active-ukraine

[3] https://www.bloomberg.com/news/articles/2022-02-24/russia-billionaires-could-use-crypto-to-go-around-severe-us-sanctions

[4] https://www.france24.com/en/technology/20220220-cryptocurrency-how-stablecoins-risk-destabilising-global-markets

 

Illustration © https://www.spacex.com/launches/sl4-11/

 

* Cette brève est la troisième d’une série cherchant à mettre en avant certains retours d’expérience quasi-instantanés apparaissant au fil de cette crise et qui démontrent la difficulté de désescalader, lorsque les tensions s’installent en conflits, dans l’environnement hybride que nous connaissons aujourd’hui.