Par Linda Verhaeghe – Le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC) de l’armée de Terre a consacré son premier colloque de l’année, organisé à l’Ecole militaire, à Paris, le 2 février 2023, à une « hypothèse » de plus en plus évoquée, qui n’en serait d’ailleurs déjà plus une, selon Elie Tenenbaum : soit au retour à la guerre de haute intensité. Le Directeur du Centre des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI) a en effet évoqué en introduction des débats la perspective « d’un affrontement entre puissances, rendue possible par une symétrie parfaite ou un sentiment de parité dans certains pans du champs et du spectre capacitaire, qui caractérisent la haute intensité ».

Baptisé plus précisément « Conflits de haute intensité, du Haut-Karabagh à l’Ukraine : continuités et ruptures du combat aéroterrestre », ce colloque était organisé sous forme de deux tables rondes.

  • La première, a été consacrée à des retours d’expériences relatifs à plusieurs conflits, récents ou d’actualité : dans le Haut-Karabagh, au Moyen-Orient et en Ukraine, en tant que potentiels « laboratoires des guerres futures ». Trois experts de ces régions se sont ainsi exprimé : Pierre Razoux, spécialiste du Moyen-Orient, directeur académique et de la recherche de la Fondation Méditerranéenne d’études stratégiques (FMES), colonel (en retraite) Jean-Luc Théus, consultant, ancien attaché de défense près la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan et ancien commandant du Centre de renseignement Terre, ainsi que le Dr Jack Watling, spécialiste des conflits terrestres auprès du Royal United Service Institute (RUSI, Londres, Grande-Bretagne).

    Ce dernier, qui s’est plus spécifiquement exprimé sur les leçons de la guerre en Ukraine, a consacré son intervention autour de trois constats. D’abord, dans ce type de conflit, il n’existe pas de « lieu sûr », dans la mesure où nombre de systèmes d’armes permettent d’atteindre et donc de frapper n’importe quelle cible avec précision. Il a notamment mis en exergue la nécessité de mieux prendre en compte la sensibilité que représente la conception actuelle des quartiers généraux ou encore du soutien logistique, en particulier dans la préparation (exercices…), laquelle se concentre à ce jour surtout sur le combat et ses acteurs à proprement parler. Le Dr Jack Watling a ensuite insisté sur la question des communications électromagnétiques et l’anticipation que cela suppose, en expliquant que celles-ci se révèlent concrètement plus perturbées que coupées (l’adversaire devant les maintenir a minima ne serait-ce que pour son propre usage). Enfin, il a souligné l’importance stratégiques des capacités en drones.

  • La seconde table-ronde avait pour thème les enjeux de « l’armée de Terre face aux guerres de haute intensité à l’horizon 2030 » incluant une analyse prospective autour de la Russie et de la Chine réalisée par trois autres chercheurs : Dimitri Minic, spécialiste des forces armées russes auprès de l’IFRI, Thierry Coville, économiste, spécialiste de l’Iran auprès de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et Isabelle Pernot du Breuil, sinologue, directrice d’un cabinet de conseil (Bruxelles, Belgique), ont ainsi mené des réflexions sur les menaces hybrides qui se profilent, mais aussi – au travers de leurs concepts, stratégies, ressources et innovations -, sur les forces et faiblesses de ces puissances.

Ouvert par le général de division Pierre-Joseph Givre, directeur du CDEC, le colloque a été conclu par le général de corps d’armée Bertrand Toujouse, commandant des forces terrestres (CFT).