Par Linda Verhaeghe – Economie de guerre : « agilité » et « anticipation » au coeur des préconisations du député Christophe Plassard

Christophe Plassard, député de la Charente-Maritime, rapporteur du budget de la Défense et également rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits des programmes « Environnement et prospective de la politique de défense » et « Équipement des forces » de la mission Défense, a présenté les résultats de sa mission dédiée spécifiquement à l’économie de guerre, mercredi 28 mars 2023, à l’occasion d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale.

L’objectif de cette mission était d’identifier les principaux freins relatifs à l’augmentation de la production d’équipements, pour favoriser une accélération des processus de production, et soutenir ces efforts dans la durée, alors que les crédits ont été augmentés de manière substantielle dans le cadre de la Loi de programmation militaire (LPM). Tout cela, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et « le retour des menaces, déjà pressenti par les états-majors », alors que « notre modèle militaire et industriel, marqué par plusieurs décennies d’arbitrages budgétaires, n’est pas prêt pour un affrontement majeur », selon Christophe Plassard.

Il s’agit ainsi de se donner les moyens « d’aller plus vite, plus fort, au moindre coût », a-t-il rappelé, conformément au discours du Président de la République sur l’économie de guerre, tenu en juin de l’année passée. Après avoir mené nombre d’auditions auprès, le député et rapporteur spécial a fait le constat d’une nécessité de mobiliser à la fois ce qu’il a qualifié de :

  • « capital financier », par exemple au travers d’emprunts d’État, de la mobilisation de l’épargne privée par le biais de mesures incitatives, ou encore d’actions en direction des banques, afin de soutenir financièrement la Base industrielle de technologie de défense (BITD) et plus encore au sein de cette dernière les sous-traitants et petites et moyennes entreprises ;
  • « capital confiance », pour notamment simplifier les procédures d’accès aux marchés publics en allégeant notamment la lourdeur qui caractérise les cahiers des charges, mais aussi en renforçant le lien Armées-Nation, lequel permettra d’orienter un investissement de l’épargne vers les entreprises de défense ;
  • « capital humain », pour accompagner cette augmentation de production en perspective, qui implique bien entendu de disposer de la main d’oeuvre afférente, et donc d’identifier, de cribler, de pré-qualifier et de former dès à présent le personnel nécessaire.

Dans les grandes lignes, le rapport liste plusieurs enjeux catégorisés selon deux grands axes, à savoir un premier axe portant sur l’accès aux financements et un second sur l’optimisation de la production des équipements militaires et se déclinant en quatre chantiers principaux :

  1. Donner de la visibilité aux industriels et en particulier aux petites entreprises, pour soutenir l’innovation technologique (via la commande publique).
  2. Sécuriser les chaînes d’approvisionnement (en relocalisant certaines productions et en reconstituant des stocks stratégiques).
  3. Décomplexifier les spécifications des équipements, en allégeant les cahiers des charges dès l’expression des besoins, ainsi qu’en simplifiant les normes réglementaires et les procédures administratives, pour accélérer et gagner en agilité.
  4. Mobiliser la ressource humaine dans un contexte de pénurie en main d’oeuvre qualifiée, en entretenant un vivier dans le cadre d’une réserve industrielle.

Un certain nombre de recommandations a enfin été établi, parmi lesquelles on citera :

– Autoriser les unités militaires à acquérir et tester des équipement, ce qui amènera à rapprocher l’expérimentation au plus près du terrain et à mettre en avant les innovations de rupture ;
– Anticiper les niveaux de qualité des équipements selon l’intensité de la phase de conflit pour faciliter l’augmentation de leur production en cas d’affrontement ;
– Développer des solutions intérimaires pour renforcer le vivier de personnel qualifié en cas d’accélération de production ;
– Mobiliser l’épargne privé en direction de l’industrie de Défense en créant un instrument financier, de type livret ou plan d’épargne réglementé, ou d’un emprunt d’État ;
– Mettre en œuvre des réduction d’impôt pour inciter les entreprises à se doter de stocks de matières premières et de composants critiques ;
– Envisager la constitution d’un pool bancaire, sous contrôle étatique, qui regroupe des banques nationales, dans la perspective de financer des petites entreprises de la BITD avec des garanties de prêts par l’État.

 

Photo : Christophe Plassard © Linda Verhaeghe, 28 mars 2023