Source : COGES /Eurosatory 2024 – Par Murielle Delaporte – Dans un contexte de tensions croissantes sur la scène internationale, le COGES a décidé d’éclairer la préparation du prochain Salon Eurosatory – qui va se tenir du 17 au 21 juin – à la lueur des grandes tendances teintant l’actualité de défense et de sécurité.

Une nouvelle rubrique « Grand angle » y est consacrée et s’ouvre sur un entretien avec le général Jouslin de Noray, directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, dont nous vous proposons – en partenariat avec le COGES – un extrait (introduction et partie sur l’I3D) et le lien vers sa version intégrale à la fois en français et en anglais.

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Tant la crise du Covid que le conflit en Ukraine qui ont tour à tour secoué l’Europe depuis 2020 ont ravivé des inquiétudes et débats qui avaient disparu de la sphère publique depuis la fin de la Guerre froide à l’aune des années quatre-vingt-dix.

Autonomie, souveraineté, stocks stratégiques et même économie de guerre refont partie du lexique aujourd’hui de nouveau utilisé tant par les dirigeants politiques que par les médias. De fait c’est lors de son discours d’inauguration du dernier Salon Eurosatory en juin dernier que le Président Emmanuel Macron fit pour la première fois référence au concept d’économie de guerre pour le secteur de la défense et de la sécurité.

Un concept parfois jugé alarmiste, mais correspondant à l’adage bien connu « Si vis pacem, para bellum », auquel tout bon planificateur militaire ne peut se soustraire et qui a le mérite de servir de catalyseur à l’accélération d’un processus de réformes et de simplifications administratives réclamé depuis des décennies par nombre d’acteurs du secteur de l’armement.

Un concept qui ne part cependant pas de zéro, loin s’en faut, grâce à l’action de chefs militaires travaillant en amont sur cette remontée puissance depuis des années et ayant déjà posé les jalons nécessaires à cette économie de guerre si elle devait se concrétiser plus avant.

Directeur central de la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) depuis 2020, le général Christian Jouslin de Noray est l’un des artisans clés de ce processus de fond. Il nous livre ici sa vision d’une stratégie de soutien des équipements terrestres incrémentale et d’une politique de stocks réaliste permettant à nos armées d’acquérir cette profondeur industrielle indispensable à tout scénario de haute intensité.

Une stratégie de transformation que l’on peut décrire, en synthétisant l’entretien que ce dernier nous avait accordé voici quelques temps, selon le triptyque suivant :

  1. Frugalité de la maintenance reposant sur une plus grande profondeur en matière de connaissance des matériels et des technologies émergentes.
  2. Réorganisation du paysage industriel reposant sur l’accroissement de la profondeur du secteur de l’armement.
  3. Mutualisation logistique si possible à l’international reposant sur une profondeur en matière de coopération interalliés inédite.

(…)

L’innovation au service de l’allègement de l’empreinte logistique
L’innovation va également nous aider à alleger le poids de notre logistique : la fabrication additive – ou impression 3D – va être une des solutions pour nous permettre d’aller vers une logistique elle aussi beaucoup plus réactive et beaucoup plus frugale. En opération extérieure, il est parfois nécessaire de commander une pièce en urgence en métropole, aussi il est clair que le fait de posséder une imprimante 3D capable de fabriquer la pièce manquante s’avèrera particulièrement bénéfique.

Pour le moment, nous ne déployons en opération que des imprimantes 3D polymère, mais nous sommes en train de tester l’I3D métallique et la projetterons dès que ce sera possible. Nous sommes en effet aujourd’hui en mesure de profiter de l’expérience acquise dans le domaine de l’impression 3D en termes de conception, de test et de certification de pièces. Tous les processus que nous avons mis en place pour nous acculturer à l’impression 3D polymère sont identiques à ceux que nous allons retrouver pour l’impression 3D métallique. L’important, c’était d’arriver à mettre en place ce processus et le réseau de compétences nécessaires.

Nous devrions ainsi être en mesure de passer assez naturellement du polymère au métallique, sachant qu’une imprimante 3D métallique, qui permet de réaliser des pièces qui correspondent davantage à ce dont nous avons besoin, revient bien plus cher. Donc cette phase d’acculturation que nous avons acquise sur le polymère et qui nous a déjà permis de produire des dizaines de milliers de pièces en opération, est déjà une excellente expérience. Nous ne partons pas de rien, loin s’en faut dans le domaine de l’impression 3D et nous sommes dans une phase de progression constante.

Il existe cependant une vraie difficulté dans l’impression 3D, qui est la qualification des pièces, de façon à ce qu’elles correspondent à toutes les normes souhaitées. Il faut ainsi certifier l’imprimante, mais aussi le processus, ce que nous souhaitons faire en partenariat avec les industriels en raison du grand nombre de pièces concernés. Dans le cadre de l’appel d’offre concernant le renouvellement de nos camions par exemple, nous allons ainsi demander qu’une partie des pièces soit nativement fabriquée en impression 3D, ce qui nous évitera d’avoir à le faire lorsque nous souhaiterons les produire nous-mêmes.

Pour l’instant la fabrication en polymère concerne surtout des petites pièces bloquantes, allant d’une poignée de portière ou d’une jauge au tableau de bord du PR4G [poste de radio de quatrième génération]. En ce qui concerne le 3D métallique, la première pièce que l’on a réalisée est un levier amplificateur d’inertie.

Au niveau de l’approvisionnement en matières premières, tout depend du théâtre d’opération et de ce qui est disponible sur place. Nous avons ainsi l’ambition de déployer des imprimantes en Roumanie. Il est de façon générale plus facile de transporter des sacs de poudre métallique ou des rouleaux de fil polymère que d’être obligés d’amener sur un théâtre des lots de pièces différentes, parce qu’encore une fois, vous ne savez pas par avance les pièces dont vous aurez besoin.

Ceci est d’autant plus important en ce qui concerne le déploiement des matériels de nouvelle génération, plus gourmands en pièces : pour l’autonomie initiale de projection, quand on déploie une compagnie de VAB (véhicule de l’avant-blindé, donc d’ancienne génération), c’est l’équivalent d’un container. La même autonomie initiale de projection quand on a déployé pour la première fois le Griffon avait mobilisé quatre containers. Même si nous avions prévu large, nous avions multiplié par quatre notre empreinte logistique. Ce qui est normal, car le matériel est beaucoup plus gros et contient beaucoup plus de pièces détachées. Si nous sommes capables de nous passer d’une partie des pièces détachées, parce que nous saurons les fabriquer nous-mêmes sur place, alors nous serons capables de rendre notre logistique beaucoup plus frugale, plus légère et plus agile. Ce sont bien là les objectifs que nous poursuivons. (…)

 

Lire l’article dans son intégralité >>>https://www.eurosatory.com/frugalite-modernite-et-mutualisation-un-tryptique-au-service-de-lepaisseur-strategique-et-dune-meilleure-soutenabilite-des-materiels-terrestres-2/

Et sa version en anglais >>> https://www.eurosatory.com/en/france-french-military-program-law-2024-2030-for-a-technological-leap-forward-for-our-armed-forces/

Photo © armée de Terre >>>  https://www.defense.gouv.fr/terre/linnovation-a-lheure-numerisation/au-service-maintenance