Par Richard Weitz,
contributeur régulier de SLD et directeur du centre d’analyse politico-militaire au Hudson Institute, Washington, D.C.


Crédit photo : www.acus.org/new_atlanticist, septembre 2008 


05/01/2011 – Alors que la France s’apprête à accueillir le sommet du Groupe des Huit pour la sixième fois, la question de l’avenir du G8 sera un enjeu important sur lequel le gouvernement français devra se pencher au cours de l’année 2011. Depuis le sommet de Pittsburg, en septembre 2009, quand le G20 a acquis son titre de « principal forum économique mondial », le G8 a dû redéfinir son rôle face à l’influence sans cesse grandissante des pays émergents. Plusieurs analystes ont exprimé le désir d’abolir le G8 maintenant que le G20— qui se tient également en France en 2011—assure la gérance de l’économie mondiale. Or, réduire le G8 à ses fonctions économiques revient à négliger sa pertinence dans le domaine sécuritaire. Depuis les années 1980, le G8 a été à la source d’initiatives de paix et à la sécurité. À l’inverse, le G20 ne possède pas les outils qui ont rendu le G8 efficace dans la gestion de la sécurité internationale.

Réduire le G8 à ses fonctions économiques revient à négliger sa pertinence dans le domaine sécuritaire. Depuis les années 1980, le G8 a été à la source d’initiatives de paix et la sécurité. À l’inverse, le G20 ne possède pas les outils qui ont rendu le G8 efficace dans la gestion de la sécurité internationale.

Avec l’adhésion au G20 de puissances économiques asiatiques, comme la Chine et l’Inde qui représentent 85 % du PIB mondial, face à la prise de contrôle des questions d’économie mondiale par le G20, le G8 a dû s’interroger sur son utilité. Plusieurs membres du G8 dont le premier ministre canadien Stephen Harper et le président russe Dmitry Medvedev ont exprimé leur soutien à l’institution dans les domaines de la sécurité internationale, les changements climatiques, la santé mondiale, l’assistance au développement et plusieurs autres domaines au-delà de l’économie (cette dernière entrant dans les compétences du G20). Stephen Harper a d’ailleurs déclaré « que d’après certaines discussions entre dirigeants, il semble se dégager un consensus sur l’importance du G8 dans le futur ». Néanmoins, plusieurs voix questionnent la légitimité et la pertinence du Groupe des Huit privé du Brésil, de la Chine, de l’Inde et d’autres pays importants. L’exclusion de la Chine dans le dossier nucléaire nord-coréen est flagrante, et a conduit le porte-parole du Premier Ministre japonais, Kazuo Kadama, à suggérer un élargissement de la place de la Chine au-delà des limites traditionnelles du G8. Kodama a même déclaré aux médias qu’« à certaines occasions, le G8 devrait penser à inviter la Chine au sommet du G8 afin de l’encourager à assumer une plus grande part de responsabilités ».

Bien que la division des tâches se précise entre les deux institutions, il semble impossible que le G20 n’adresse jamais les questions de sécurité internationale. Tout comme le G8, le G20 ne peut éviter le sujet de la sécurité, inévitablement lié à l’économie. Les ondes de chocs qui ont suivi les attentats du 11 Septembre, par exemple, ont poussé le G20 à trouver des stratégies pour limiter le financement des organisations terroristes. Adopté le 17 Novembre 2001, le Plan d’Action contre le Financement Terroriste oblige les membres à surveiller l’accès à leurs systèmes financiers, projet dans lequel plusieurs institutions internationales sont également impliquées. Lors d’une session ultérieure, le G20 a décidé de geler les avoirs des groupes terroristes et combattre le blanchiment d’argent. Or à l’avenir, les pays qui sont membres du G20 mais exclus du G8 seront constamment tentés d’utiliser la structure du G20 pour aborder des problèmes vitaux comme leur sécurité nationale respective, et spécialement si ils ne siègent pas au Conseil de Sécurité de l’ONU, dans l’OTAN ou dans d’autres institutions portant sur la sécurité internationale.

Bien que la division des tâches se précise entre les deux institutions, il semble impossible que le G20 n’adresse jamais les questions de sécurité internationale. Tout comme le G8, le G20 ne peut éviter le sujet de la sécurité, inévitablement lié à l’économie. Les ondes de chocs qui ont suivi les attentats du 11 Septembre, par exemple, ont poussé le G20 à trouver des stratégies pour limiter le financement des organisations terroristes. Adopté le 17 Novembre 2001, le Plan d’Action contre le Financement Terroriste oblige les membres à surveiller l’accès à leurs systèmes financiers, projet dans lequel plusieurs institutions internationales sont également impliquées.

Néanmoins, le Groupe des Huit inclut toujours la majorité des puissances militaires mondiale comme le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Russie, l’Union Européenne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Les membres combinés du G8 représentent les trois quarts des dépenses militaires mondiales, accueillent les sièges des plus importantes firmes d’armement et ses membres possèdent toujours 90 % des armes nucléaires sur le plan mondial.

Fondé sur des structures malléables, sans procédures biens définies, le G8 a pu développer des solutions innovantes pour gérer les crises mondiales avec plus de facilité que les Nations Unies, l’OTAN et plusieurs autres institutions aux structures rigides et aux procédures décisionnelles complexes. La création du Groupe des Huit vient du désir de promouvoir la coopération entre les pays les plus influents dans le but de répondre aux plus importants défis mondiaux. A l’origine, le G8 s’était donné la tâche de surmonter la récession mondiale des années 1970 mais, au cours des décennies suivantes, ses membres ont rapidement inclus dans leurs rencontres annuelles leurs dossiers de politique et de défense. Les années 1980 ont vu un changement de cap majeur avec la prédominance des dossiers de politique et de sécurité urgents, en particulier la situation au Moyen Orient. Lors de la décennie suivante, le G8 a pris en charge les problèmes des ressources énergétiques, du terrorisme international, des conflits régionaux et des nouvelles menaces de prolifération. Aujourd’hui, les changements climatiques et les effets perturbateurs de la mondialisation figurent en tête des priorités du G8.

Après l’effondrement de l’Union Soviétique, le Groupe des Huit a joué un rôle vital en assistant les anciens membres du bloc soviétique dans leur adoption des principes du libéralisme en politique et en économie. Non seulement le G8 a offert une aide financière ciblée pour aider ces économies planifiées à éviter le goulet d’étranglement lors de leurs transition vers des économies de marché, mais il a aussi réussi à attirer la Fédération de Russie nouvellement créée en lui offrant un siège au sein du G8. Une telle offre a officialisé le statut de la Russie comme puissance mondiale malgré l’effondrement de son empire. Peut-être cette offre a-t-elle aidé à calmer et apaiser la Russie face à l’élargissement de l’OTAN et de l’Union Européenne vers l’Europe de l’Est, un territoire autrefois soviétique. Vers la fin des années 1990, la Russie et l’Occident ont commencé à utiliser le G8 pour gérer leurs différents relatifs au conflit du Kosovo. Après la guerre, le G8 a voulu s’impliquer dans les problèmes régionaux de l’Afrique et du Moyen Orient, mais avec moins de succès. Le Plan d’Action Africain du G8, par exemple, a été lancé lors du sommet de 2002 à Kananaskis, au Canada, et a cherché à renforcer l’Union Africaine et ses organisations régionales dans leur recherche de solutions pacifiques aux conflits qui embrasaient la région. Le G8 a aussi soutenu les efforts de l’ONU et d’autres organisations promouvant la paix et le développement économique en Afrique.

Vers la fin des années 1990, la Russie et l’Occident ont commencé à utiliser le G8 pour gérer leurs différents relatifs au conflit du Kosovo. Après la guerre, le G8 a voulu s’impliquer dans les problèmes régionaux de l’Afrique et du Moyen Orient, mais avec moins de succès. Le Plan d’Action Africain du G8, par exemple, a été lancé lors du sommet de 2002 à Kananaskis, au Canada, et a cherché à renforcer l’Union Africaine et ses organisations régionales dans leur recherche de solutions pacifiques aux conflits qui embrasaient la région. Le G8 a aussi soutenu les efforts de l’ONU et d’autres organisations promouvant la paix et le développement économique en Afrique.

Lors du sommet de Juin 2002 au Canada, les membres du G8 ont annoncé le financement d’une campagne mondiale pour freiner la prolifération des armes de destructions massives et des missiles balistiques et prévenir l’acquisition de ces armes par des groupes terroristes. Comme membre du Partenariat Mondial Contre la Prolifération d’Armes et de Matériaux de Destruction Massive, les gouvernements du G8 ont promis de fournir un total de vingt milliards sur la prochaine décennie. Ils ont aussi invité des gouvernements en-dehors du G8 à se joindre au projet. Le financement de ce Partenariat vient des Etats-Unis qui ont offert dix milliards sur une période de dix ans tandis que les autres membres du G8, comme la Russie, ont promis d’investir une somme égale à celle des Etats-Unis, soit dix milliards de dollars supplémentaires. La majorité des fonds utilisés par la Russie pour prévenir certaines menaces émanant de son territoire ont été fournis dans le cadre du Partenariat Mondial. Plusieurs projets multinationaux ont été soutenus par les pays du Partenariat qui ont démontré leur capacité de combiner leurs ressources. De cette manière, le G8 et ses partenaires ont atteint un niveau de coordination difficilement réalisable dans d’autres projets parallèles, gérés eux indépendamment les uns des autres. A ce titre, le sommet annuel du G8 est une opportunité d’évaluer les progrès du Partenariat et d’introduire les changements nécessaires. Par exemple, le G8 et ses membres ont utilisé leur sommet annuel pour étendre le Partenariat à l’Ukraine. Les Etats-membres du G8 étudient aujourd’hui les propositions de renouveler le Partenariat pour une décennie et supporter différents projets en-dehors des anciens membres du bloc soviétique, notamment dans les pays en voie de développement ayant récemment lancé leur programme nucléaire et cherchant une assistance externe pour améliorer la sécurité de leurs installations.

L’Initiative Mondiale pour Combattre le Terrorisme Nucléaire est une contribution récente du G8 pour contrer ce nouveau type de menace. Le projet, lancé par le Président Russe Vladimir Poutine et le Président George W. Bush lors du sommet de 2006 à Saint-Petersbourg, a rapidement gagné le soutien du reste des Etats-membres du G8 et d’une centaines d’autres pays comme la Chine, l’Inde et plusieurs autres gouvernements ayant par le passé souvent gardé leurs distances face aux propositions russo-américaines en matière de défense. L’Initiative Mondiale a jeté les bases du succès du Sommet sur la Sécurité Nucléaire à Washington en avril 2010 tout en maintenant le soutien aux programmes anti-terroristes jusqu’au prochain Sommet sur la Sécurité Nucléaire, en 2012 à Séoul. Le G8 a servi d’initiateur de ce projet très important qui est aujourd’hui complètement indépendant et fonctionnel.

Vigipirate, © AFP, Fred Dufour, Lyon, 2005 (www.diplomatie.gouv.fr)

En excluant de ses délibérations les médias et même la majorité des fonctionnaires subalternes, le sommet annuel du G8 encourage un échange franc et libre entre les dirigeants les plus importants du monde. Un tel climat prévient les animosités entre chefs d’Etat et encourage une certaine coopération entre dirigeants du G8 su les problèmes les plus pressants de la scène internationale. Des réunions de ministres et fonctionnaires des  pays siégeant au G8 se tiennent souvent avant, après et entre les sommets du G8. Ces groupes se sont même élargis pour inclure les dirigeants de certaines agences non gouvernementales responsables de domaines tels que l’environnement, les affaires énergétiques, certaines questions légales, le terrorisme et bien d’autres domaines. De plus, des experts forment des groupes de travail dans le but de régler certains problèmes spécifiques, à l’image du « groupe de travail de haut niveau sur la non-prolifération », le groupe Rome/Lyon sur le terrorisme et le crime organisé, le groupe d’experts contre la prolifération nucléaire et sa division s’occupant de la question du plutonium, le Groupe sur la Sécurité Nucléaire et plusieurs autres cercles. Leurs rapports sont souvent utilisés lors des sommets annuel et restent à la base des décisions importantes prises dans leurs domaines respectifs. Le G8 fournit la flexibilité requise pour impliquer les pays qui ne sont pas membres et d’autres institutions dans ses activités.

Des experts forment des groupes de travail dans le but de régler certains problèmes spécifiques, à l’image du « groupe de travail de haut niveau sur la non-prolifération », le groupe Rome/Lyon sur le terrorisme et le crime organisé, le groupe d’experts contre la prolifération nucléaire et sa division s’occupant de la question du plutonium, le Groupe sur la Sécurité Nucléaire et plusieurs autres cercles.

 

Vers un « G8 + 5 »
Les pays hôtes des Sommets du G8 ont invité des dirigeants en-dehors des Etats-membres du G8 à assister à certaines conférences. Les gouvernements du Brésil, de la Chine, de l’Inde, du Mexique et de l’Afrique du Sud assistent presque chaque année au sommet du G8, créant de facto un « G8+5 ». Si le pays hôte du sommet veut créer des liens avec une région en particulier, comme l’Allemagne avec l’Afrique en 2007, il peut dès lors inviter les dirigeants des pays de cette région à assister au sommet et à interagir en utilisant le G8 comme plateforme pour la durée de la présidence de ce pays hôte à la tête de l’institution. Grâce au nombre limité des membres du G8 et sa structure flexible, le G8 a pu gérer les menaces internationales plus rapidement et de façon plus efficace que d’autres institutions tout en étant capable d’inclure d’autres partenaires dans ses projets, selon la situation.

A certain égards, le G8 complète l’ONU et le Conseil de Sécurité. Il possède approximativement le même nombre de membres permanents que le Conseil de Sécurité. Le G8 n’inclut pas la Chine qui est un membre permanent du Conseil de Sécurité mais  il accueille l’Allemagne et le Japon, des puissances économiques sans sièges permanents et donc aucun droit de veto au Conseil. Tout comme le Conseil de Sécurité de l’ONU, on accuse le G8 d’élitisme. La force du Conseil de Sécurité réside dans l’usage de résolutions issues du chapitre VII de la convention de l’ONU. Sur cette base, le Conseil peut, en accord avec le droit international, pousser des membres externes à prendre certaines mesures, imposer des sanctions économiques par exemple. À l’inverse, le G8 n’est qu’une institution capable de former des alliances politiques sans être juridiquement contraignantes pour ses membres. Aux pays et aux institutions non-membres, elle ne peut qu’émettre des recommandations. Malgré tout, l’absence de veto allié à la proximité des dirigeants nationaux des pays-membres permet souvent d’obtenir, rapidement, un consensus et un plan d’action.

Le G8 n’est qu’une institution capable de former des alliances politiques sans être juridiquement contraignantes pour ses membres. Aux pays et aux institutions non-membres, elle ne peut qu’émettre des recommandations. Malgré tout, l’absence de veto allié à la proximité des dirigeants nationaux des pays-membres permet souvent d’obtenir, rapidement, un consensus et un plan d’action.

La guerre au Kosovo en 1999 et les attentats terroristes de Londres en 2005 ont illustré les qualités de coopération du G8, notamment au travers des échanges directs et répétés entre chefs d’Etat. Malgré la plus grande autorité du Conseil de Sécurité de l’ONU, fondée sur les pouvoirs légaux qui lient tout les membres de l’ONU, les débats onusiens ont traditionnellement été plus conflictuels et ont souffert de l’absence des contributions de l’Allemagne et du Japon. Dès lors, ceux qui proposent d’éliminer le G8 devront expliquer comment les questions de sécurité pourront être gérées par le G20 ou par toute autre institution internationale manquant de la flexibilité requise.