(Par Camille CREISSON, stagiaire au CERPA, La Note du CESA # 107) – La problématique de l’hypervélocité dans les forces aériennes
L’hypervélocité est considérée dans le domaine militaire comme un critère de performance discriminante ; faire voler des engins à des vitesses hypersoniques (supérieures à Mach 5 (1)) est donc au coeur des réflexions de nombreuses armées. Même si cette vitesse est largement maîtrisée depuis les années 1970 pour les missiles balistiques et pour les vols extra-atmosphériques, de nombreux défis restent à relever.
Une articulation nécessaire entre hypervélocité et furtivité
C’est à partir de la fin de la seconde guerre mondiale que s’est popularisée la technique de la furtivité. Cependant, elle présente de nombreuses failles, dont son coût élevé. De plus, le cycle de modernisation d’un avion est plus long que celui de l’amélioration des systèmes de détection et d’interception, ce qui réduit la durée de furtivité optimale d’un engin. Cette technique, même si toujours actuelle, n’est plus un critère de supériorité technique dans la conduite d’opérations.
La course à la technique des années 1950 et 1960 a donné lieu à de nombreuses recherches et expérimentations afin de faire voler des engins à des vitesses situées entre Mach 3 et Mach 5. Finalement, le début du 21e siècle matérialise le retour de l’hypervélocité dans les forces aériennes ; l’hypervitesse ne succède pas à la furtivité mais
s’impose comme une technique complémentaire. Un engin qui peut se rendre n’importe où et à vitesse élevée, écarte la probabilité qu’il soit intercepté. Finalement, la furtivité et l’hypervélocité sont deux solutions distinctes qui répondent au même problème : comment frapper des cibles sans se faire abattre ?
Les pays engagés dans la course
Aux États-Unis, Boeing a notamment construit un prototype d’avion hypersonique, le X-51-A Waverider, qui peut atteindre la vitesse de Mach 6. Un autre programme médiatique est le Hypersonic Technology Vehicule 2 (HTV- 2), dont l’essai de faire voler un avion à la vitesse de Mach 20 s’est soldé par un échec. Enfin, Lockheed Martin a déclaré en mars 2016 travailler sur la création d’un drone hypersonique SR-72 dont la vitesse devrait dépasser Mach 6.
Selon des sources russes, Moscou développe des missiles de croisière capables de voler à la vitesse hypersonique. L’agence de presse Rossiya Segodnya a annoncé le début des essais en mars 2016 du missile 3M22 Zircon qui se déplace à une vitesse de Mach 6. Des planeurs hypersoniques (le YU-71 et le YU-75 notamment) seraient également en phase de test, ils pourraient transporter jusqu’à 24 charges nucléaires. La véracité des annonces russes reste à prouver.La Chine travaille aussi sur la conception d’un planeur hypersonique. Ce dernier a été nommé Wu-14 et serait déjà opérationnel. Ce planeur a la caractéristique de pouvoir porter une ogive conventionnelle ou nucléaire. Toutefois, peu de sources existent sur ce projet et sur ses caractéristiques techniques.
Le planeur hypervéloce, nouveau défi des systèmes antimissile
Les planeurs hypervéloces sont des engins dépourvus de moteur, propulsés à très grande vitesse et à très haute altitude par un booster qui se dirigent, en planant, vers une cible. En théorie, ils peuvent atteindre la vitesse de Mach 10 et conservent une grande maniabilité. Ils disposent d’un très long rayon d’action et sont furtifs car leur
trajectoire n’est ni balistique ni spatiale. Ces planeurs sont donc en mesure d’échapper aux capacités d’interception de la plupart des systèmes de défense courte ou moyenne portée.
Pékin assure que le Wu-14 serait en mesure de pénétrer le système antimissile américain, affirmation étayée par les travaux de Richard D. Fisher, spécialiste américain de la Chine au International Assessment and Strategy Center.
Même si les Chinois ont assuré que ce planeur est un outil de recherche scientifique, des questions se posent sur sa complémentarité avec leur programme anti porte-avions. Si le Wu-14 est destiné à l’attaque de ces navires, même les États-Unis ne seraient pas en mesure d’éviter la destruction de leurs bâtiments. De même, les Russes affirment pouvoir pénétrer tout système antimissile actuel, il est peu probable qu’un tel programme soit réellement à l’oeuvre.
L’arrivée de nouvelles armes capables de détruire sans préavis pourrait relancer une course aux armements. Elle se concentrerait sur l’acquisition et sur l’amélioration de la technique hypervéloce, ce qui entraînerait une multiplication et une dispersion des sites de moyens de défense. L’équilibre stratégique serait alors repensé selon les États dotés de l’hypervélocité et les autres.
*** Ces propos ne reflètent que l’opinion de l’auteur.
(1) Chiffre avancé dans un document de la 51e session nationale de l’IHEDN intitulé « Les missiles hypervéloces : entre mythe et réalité ? »
Illustration © Raytheon (tel que publié dans >>> http://www.ibtimes.co.uk/could-uss-new-hypersonic-missile-spark-world-war-3-1555182)