Au moment même où l’acte d’un forcené conduisait à vider l’aéroport d’Orly de l’ensemble de ses occupants, Emmanuel Macron (EM) présentait le volet défense de son programme à l’hôtel des arts et métiers à Paris.

La surprise majeure de cette présentation réside dans l’annonce du rétablissement du service national obligatoire et de la mise en œuvre de son universalité effective en cas de victoire d’EM aux présidentielles de 2017. Surprise majeure car cette question n’a jusqu’alors pas été abordée par le candidat d’En marche et qu’elle le rapproche, à cet égard, des candidats à vocation plus souverainiste tels que Mélenchon ou Le Pen (Cf. nos articles précédents consacrés aux candidats à l’élection présidentielle). Ne doutons pas que cette annonce colore de manière sociale le discours d’EM autant qu’elle vise à le créditer d’une posture présidentiable sur les grandes questions régaliennes telle celle de la défense. Elle répond aussi à une réelle attente des français en recherche d’une sécurité renforcée au sein de notre pays profondément meurtri ces dernières années par des attaques à caractère terroriste.

Hormis cette transformation surprise, les propositions d’EM naviguent entre continuités de la politique de défense menée par François Hollande, nécessaires adaptations de cette dernière et quelques propositions de transformation.

Continuités

Tirant les inévitables leçons du réveil de la Russie, du nouveau positionnement international américain et du contexte géopolitique actuel notamment du Moyen-Orient et de la bande sahélo-saharienne, EM demeure fidèle à la posture gaullienne de la nécessaire autonomie stratégique française et n’a nullement remis en cause la légitimité des opérations en cours menées par l’armée française. Comme avant lui François Hollande l’avait évoqué, EM souhaite même répondre au vœu de l’actuel chef d’état-major des armées (CEMA) de voir le budget de la défense retrouvait au plus tôt la barre des 2% du PIB. Sur ce sujet, seul le calendrier fait encore débat, le CEMA plaidant pour 2022, EM parlant de 2025 par souci de réalisme…

Consensuel, EM défend aussi le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire, aéroportée et sous-marine, jugées « complémentaires ». Il annonce aussi, fidèle en cela à l’appel de Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale à l’Assemblée, qu’il lancera les chantiers de rénovation associés aux deux composantes citées, notamment la réalisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Poursuivant le travail mené par l’actuel ministre de la défense Jean-Yves le Drian, EM a prôné la nécessaire amélioration de la disponibilité technique opérationnelle (DTO) ainsi que du maintien en condition opérationnel (MCO) de l’ensemble du matériel qui équipe les armées françaises, vœu là encore exprimé par l’actuel CEMA. Par ailleurs, EM souhaite poursuivre la création d’une véritable quatrième armée dédiée à la cyber défense telle que souhaitée par Jean-Yves le Drian. Enfin, toujours dans la continuité des idées fortes lancées par l’actuel ministre de la défense, EM souhaite donné naissance à un fonds d’investissement défense afin de permettre les prises de participation de l’Etat au capital des PME vitales à l’autonomie stratégique de nos armées et entamer en parallèle une modernisation de la DGA.

Adaptations

S’il est élu Président de la République, EM promet un nouveau Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale (LBDSN) pour 2017, ce qui ferait le 3ième en neuf ans (compression temporelle jamais connue dans notre histoire). Il évoque aussi la nécessité de s’interroger sur la question d’un second porte-avions et du lancement des programmes des futurs chars de combat et avions de combat français ainsi que l’élaboration d’une feuille de route sur les drones de combat.

Prenant acte du changement de politique étrangère américaine à l’œuvre, EM plaide en faveur d’un quartier général européen et pour une relance du conseil de défense franco-allemand. En clair ; plaider pour une relance de la défense européenne, relance très fortement souhaitée là aussi par l’actuel Président de la République.

Conscient du fait que les armées d’aujourd’hui ne peuvent répondre à leurs missions et se régénérer organiquement sans l’apport d’une réserve opérationnelle efficace et efficiente, EM propose de revitaliser la garde nationale en portant ses effectifs à 80 000 volontaires[1] et en mettant en œuvre d’autres mesures incitatives (bonifications retraites pour les périodes d’engagement entre autres) que celles existantes pour encourager les vocations.

Transformations

Hormis l’annonce surprise évoquée relative au service national universel obligatoire, l’autre proposition de transformation relative au monde de la défense d’EM concerne la mise en œuvre d’un centre de planifications des opérations intérieures interministériel (regroupant l’intérieur, la défense, les transports, la santé, l’industrie) dans le cadre de la lutte contre la menace terroriste. Cette volonté de collaboration interministérielle fait écho à celle d’inviter les différents services de renseignements français à davantage collaborer ensemble.

Le programme « défense » d’EM est beaucoup moins en rupture que son programme économique et social, domaine dans lequel son expertise est, par ailleurs, avérée notamment en sa qualité d’ancien inspecteur général des finances et surtout ministre de l’économie. En ce sens, il est davantage constitué de continuités et d’adaptations que force de propositions nouvelles. Là encore, la seule annonce surprise de ce samedi 18 mars 2017 tient en la volonté du candidat Macron de (ré) instaurer le service national universel obligatoire[2] dont la durée évoquée d’un mois surprend par sa brièveté, certainement pour des raisons de coût car l’appel sous les drapeaux de 600 000 jeunes par an est une mesure civique forte et ambitieuse qui correspond à un choix de société fondamental mais qui a de quoi inquiéter le potentiel futur ministre de l’économie d’EM…

[1] Pour mémoire, le projet initial de réserve opérationnelle associée à la professionnalisation des armées de 2001 faisait part d’un effectif de 100 000 personnes ; ce projet n’a jamais vu le jour, la réserve plafonnant aux alentours de 48 000 personnes.

[2] Rappelons que le service national n’est que suspendu et que son universalité est aujourd’hui prise en compte lors de la journée défense citoyenneté –JDC.

Photo © REUTERS/Christian Hartmann (tel que reproduit dans: www.lexpress.fr/actualite/societe/macron-un-ministre-jeune-et-beau-pour-rassurer-le-quartier-de-la-defense_1739470.html)

Pour en savoir plus sur les propositions “défense” d’Emmanuel Macron lire: en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/defense